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Les charleries

Bienvenue sur mon blogue,

Ce blogue contient des souvenirs, des anecdotes, des opinions, de la fiction, des bribes d’histoire, des récréations et des documents d’archives.

Charles-É. Jean

Souvenirs

# 3385                 18 janvier 2017

 

Mère au foyer

Dans les années 1950 et bien avant, le rôle de l’homme et de la femme dans la société était clair. L’homme était le pourvoyeur. Il travaillait dur parce que les outils étaient rudimentaires. La femme était reléguée au foyer. Elle avait la tâche de nourrir la famille, d’entretenir la maison et d’éduquer les enfants. Chez les cultivateurs, elle devait, tant que les enfants n’étaient pas en âge de travailler, participer aux travaux des champs et faire la traite des vaches.

 

C’est le rôle que ma mère, comme épouse de cultivateur, a tenu sans jamais rechigner. Elle le savait. Elle était au service de son mari et de ses enfants. Elle avait accepté d’agir ainsi. Elle y trouvait un bénéfice personnel. Plus souvent qu’autrement, elle outrepassait son rôle en prenant et en assumant à peu près toutes les décisions du couple. Elle faisait semblant que mon père décidait, mais dans la pratique c’est elle qui était l’initiatrice et la réalisatrice de la plupart des projets.

 

Évidemment, le curé qui était nourri et dorloté par une servante préconisait la soumission de la femme à son mari. Cela n’a pas empêché ma mère d’être heureuse et de conduire sa barque selon ses propres valeurs.

 

La femme de l’époque avait plusieurs enfants. Ma mère en a mis 11 au monde. On peut difficilement aujourd’hui imaginer cette situation : être enceinte pendant 11 fois 9 mois. D’ailleurs, quand son dernier enfant est né, elle avait 47 ans et 6 mois.

 

On ne parlera jamais trop de ce que ces femmes au foyer, comme ma mère, ont vécu : perte d’un enfant à la naissance ou par maladie, inquiétudes pour être certaines de nourrir convenablement la famille, désir que les enfants aient une éducation suffisante pour qu’ils soient heureux et aient une vie à leur mesure. Les femmes au foyer ont contribué à stabiliser la famille. Les enfants se sentaient en sécurité parce qu’une adulte en prenait soin à plein temps.

 

Certaines femmes auraient pu apporter une contribution significative à la société et non seulement mettre des enfants au monde pour la patrie. Elles ont toutefois aidé leur mari à prospérer davantage en leur suggérant des pistes pour améliorer le sort de la famille.

 

De nos jours, la situation a bien changé. Elle n’est pas meilleure, ni pire ; elle est différente. Dans le passé, si on avait fait appel aux femmes dans diverses professions, l’équilibre aurait été meilleur. Il était indécent de négliger des talents qui auraient été un plus pour la société.

 

Si ma mère avait vécu 50 ans plus tard, il est fort probable que je ne serais pas là, parce que je suis le sixième enfant (ce qui dépasse 2 ou 3), mais elle aurait davantage exploité ses talents de leadership et d’organisatrice.

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# 3340                 31 décembre 2016

 

Le Jour de l’An

Quand j’étais jeune, ma mère avait acheté un gramophone qui était placé sur un petit bureau dans la cuisine. Nous avions quelques disques de La Bolduc. En particulier, dans le temps des Fêtes, nous écoutions la chanson « C’est dans l’temps du jour de l’an » qui décrit une autre époque. Voici les paroles de cette chanson :

 

Préparons-nous son père pour fêter l’jour de l’an
J’vas faire des bonnes tourtières, un bon ragoût d’l’ancien temps

 

C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
C’est l’bon temps d’en profiter, ç’arrive rien qu’une fois par année

 

Peinture ton cutter, va ferrer ta jument
On ira voir ta soeur dans l’fond du cinquième rang

 

C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
C’est l’bon temps d’en profiter, ç’arrive rien qu’une fois par année

 

Va t’acheter une perruque, fais toé poser des dents
C’est vrai que t’as rien que moi à plaire mais tu s’rais plus ragoûtant

 

C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
C’est l’bon temps d’en profiter, ç’arrive rien qu’une fois par année

 

Dis bien à ton n’onc’ Nazaire douè ben v’nir au jour de l’an
Mont’-z-y ton savoir faire comme tu dansais dans ton jeune temps

 

C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
C’est l’bon temps d’en profiter, ç’arrive rien qu’une fois par année

 

Tâche pas de pardre la tête comme t’as fait il y a deux ans
T’as commencé à voir clair quand t’avais pus d’argent

 

C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
C’est l’bon temps d’en profiter, ça arrive rien qu’une fois par année

 

Y en a qui vont prendre un verre, y vont profiter de c’temps-là
Aujourd’hui, ça coûte si cher, y a pas d’monde qui travaille pas

 

C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
C’est l’bon temps d’en profiter, ç’arrive rien qu’une fois par année

 

Il y en a qui sentent la pipe et d’autres qui sentent les oignons
J’aime bien mieux vous le dire tout de suite, la plupart sentent la boisson

 

C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
C’est l’bon temps d’en profiter, ça arrive rien qu’une fois par année

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# 3320                 23 décembre 2016

 

À la table

Quand j’étais jeune, les repas se prenaient autour d’une table rectangulaire que mon père avait fabriquée. Cette table faite en bois franc pouvait accueillir au moins 10 personnes. Un long banc était disposé du côté Ouest. Il accueillait les garçons qui prenaient toujours la même place par ordre d’âge. Mon père s’assoyait du côté nord au bout de la table, ma mère, à ses côtés et les filles, du même côté que ma mère.

 

L’idée de placer les filles du côté Est s’expliquait par le fait que les filles, mais aussi ma mère, faisaient le service. Les garçons, eux, n’avaient pas le droit de se lever. Il fallait toujours demander lorsqu’il nous manquait quelque chose, comme un ustensile.

 

Au début de chaque repas, avant que nous prenions place, nous récitions le bénédicité : « Bénissez-nous, ô mon Dieu, ainsi que la nourriture que nous allons prendre. Au nom du père, du fils et du Saint-Esprit. Amen. » C’était la prière recommandée par le petit catéchisme.

 

Les repas satisfaisaient toujours notre faim. Rien ne battait les bouillis de légumes à l’automne, étant donné que les légumes étaient fraîchement cueillis. En hiver, quoi de plus savoureux que le lièvre. Nous allions même jusqu’à manger la cervelle. Les tartes ou les gâteaux en portion limitée suivaient.

 

S’il arrivait que nos jeunes estomacs aient encore un petit coin à satisfaire, des bouchées de pain à satiété trempées dans de la mélasse ou du sirop doré ne rataient jamais leur coup.

 

Après le repas, nous récitions une autre prière : « Merci, mon Dieu, pour le bon repas que nous avons pris et pour ceux qui l’ont préparé. Au nom du père, du fils et du Saint-Esprit. Amen. » Cette prière qui est différente de celle du petit catéchisme a probablement été inventée par ma mère ou encore elle provenait de ses parents. Nous pouvions alors quitter la table ou encore continuer à jaser.

 

Le dimanche midi, c’était plus solennel. Le menu était plus diversifié que les autres jours et ma mère remplaçait le bénédicité par l’Angélus en latin. Ma mère disait la partie marquée V et nous répondions par la partie R. Voici cette prière :

 

V. Angelus Domini nuntiavit Mariæ,
R. Et concepit de Spiritu Sancto.

Chœur. Ave Maria, gratia plena, Dominus tecum. Benedicta tu in mulieribus, et benedictus fructus ventris tui, Jesus.

Sancta Maria, Mater Dei, ora pro nobis peccatoribus, nunc et in hora mortis nostræ.

V. Ecce Ancilla Domini.
R. Fiat mihi secundum Verbum tuum.

Chœur. Ave Maria, gratia plena, Dominus tecum …

V. Et Verbum caro factum est.
R. Et habitavit in nobis.

Chœur. Ave Maria, gratia plena, Dominus tecum …

V. Ora pro nobis, Sancta Dei Genetrix.
R. Ut digni efficiamur promissionibus Christi. Amen.

 

L’Ave Maria est la version latine du Je vous salue Marie. C’était une des premières prières que nous apprenions en latin à l’école.

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# 3260                 29 novembre 2016

 

La sécurité

De temps à autre, j’entends des gens dire que, depuis qu’un événement malheureux s’est passé dans le voisinage, ils ferment leurs portes à clef le soir.

 

Quand j’étais jeune dans les années 1940 en campagne, mon père qui pourtant n’était pas peureux tenait à ce que les portes de la maison soient fermées à clé pendant la nuit. Le jour, c’était différent. Dans le va-et-vient des membres de la famille, il aurait été impensable de barricader les portes.

 

Quand mes parents partaient pour une soirée à l’extérieur, l’ainée de mes sœurs nous gardait. Elle était avertie qu’il fallait barrer les portes dès leur départ. Un soir que nous étions seuls et que nous étions à jouer au bureau de poste, un homme frappa à la porte du tambour. Ma sœur alla répondre sans ouvrir la porte :

- Qui est là ?

- C’est Joseph Lagacé.

- Mes parents ne sont pas là.

 

M. Joseph venait voir son bon ami, mon père. Il est retourné bredouille.

 

Il est étonnant que personne de notre famille ne fût blessé de façon importante lors des travaux de l’étable et des champs. Il y aurait eu 1000 occasions de vivre ces malheurs. Que ce soit la fourche qui emplissait le voyage de foin et qui aurait pu malencontreusement atteint un bras ou même la figure. Que ce soit les vaches qui, lors de la traite, auraient pu ruer de façon énergique. Que ce soit les chevaux quand on les faisait boire et qu’il fallait entrer dans leur crèche. C’était autant d’occasions où le danger était réel.

 

Que ce soit, lors des voyages à l’église, où les chevaux devaient cohabiter avec les automobiles ou les camions. Que ce soit les ours quand nous allions aux fraises ou que nous allions porter le diner de mon père. Que ce soit les glissades en toboggan ou en traîneau. Que ce soit le bœuf qu’on devait écarter pour ne pas qu’il vienne à l’étable pour la traite des vaches. Que ce soit les jeunes veaux à qui on apportait des chaudières de lait et qui avaient tendance à foncer sur nous, plutôt par jeu. C’était autant d’occasions où le danger était réel.

 

Mes parents étaient conscients des dangers, mais nous les jeunes en étaient plutôt indifférents. Ma mère surtout veillait, sans exagération, à ce que notre environnement soit le plus sécuritaire possible.

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# 3245                 23 novembre 2016

 

Un nouveau livre

Les Éditions Goélette viennent de publier un nouveau livre d’énigmes de mon crû. Le titre est Énigmes et devinettes du jeudi. Il fait partie d’une collection intitulée Les jeux de la semaine. Il est en vente dans les librairies du Québec. Le prix de détail suggéré est de 5,95 $.

 

Sur son site, l’éditeur a écrit : « C'est jeudi et c'est l'heure de relever un défi ? Mettez votre logique à l'essai et tentez de résoudre ces casse-tête et devinettes en tous genres ! ».

 

Les derniers livres que j’ai publiés sont :

365 énigmes et devinettes, tome 2, Les Éditions Goélette, 2010.

1001 énigmes et devinettes, Les Éditions Coup d’œil, 2010.

500 énigmes et devinettes, Les Éditions Coup d’œil, 2012.

500 énigmes et devinettes, Les Éditions Coup d’œil, 2015.

Saint-Mathieu-de-Rioux raconte son histoire, Édité par la municipalité, 2016.

 

En avant-propos, j’ai écrit :

« Les 110 énigmes de ce livre

ont été conçues

pour donner à vos méninges

encore plus de vitalité.

 

Tout en parcourant le livre,

vous serez surpris de constater

que votre capacité à résoudre des énigmes

s’améliore constamment.

 

Amusez-vous bien ! »

 

Un cadeau de Noël pour tous ceux et celles qui aiment les divertissements intellectuels !

 

(L’image appartient aux Éditions Goélette.)

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# 3210                 9 novembre 2016

Coutumes d’autrefois

Je vous présente certaines coutumes qui existaient au Québec en 1950 et avant. Il n’est pas dit que les personnes qui vivaient à cette époque ont toutes connu ces coutumes.

 

• Au 1er de l’an, quand la famille était rassemblée le matin ou après la messe, le père debout bénissait mère et enfants qui étaient à genoux. Il disait : « Je vous bénis, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » Certains ajoutaient des souhaits.

 

• En la fête de l’épiphanie, le 6 janvier, il y avait un souper réunissant la parenté. La ménagère avait fabriqué un immense gâteau où elle avait caché deux fèves. Les deux personnes qui trouvaient les fèves dans leur portion de gâteau étaient reine et roi de la soirée.

 

• Le soir du Mardi-Gras, des personnes vêtues de costumes souvent vieillots et la figure cachée passaient de maison en maison pour une dernière fête avant le carême.

 

• À l’automne, les épluchettes de blé d’inde étaient courues. Les jeunes hommes rêvaient de piger un épi rouge pour pouvoir donner un bec à celle qu’il reluquait.

 

• Lorsque les hommes étaient endimanchés, ils portaient un chapeau de paille ou de feutre selon les saisons. Ils devaient enlever leur chapeau dans l’église.

 

• Lorsque les femmes étaient endimanchées, elles portaient un voile sur la tête ou un chapeau de style divers. En tout temps, elles devaient conserver leur coiffure dans l’église.

 

• Lors des cérémonies religieuses, la plupart des familles occupaient leur propre banc qui avait été loué pour l’année. Les hommes prenaient la première place du côté de l’allée. Si le père était absent et qu’un adolescent était présent, c’est ce dernier qui occupait la première place.

 

• Lors des fréquentations, c’est toujours le futur époux qui visitait la jeune fille au domicile de celle-ci. Il n’était pas bien vu de faire ses rencontres pendant la semaine de travail. Pour faire une sortie à l’extérieur de la maison ne serait-ce qu’aller prendre une marche, le prétendant demandait la permission aux parents de la jeune fille. Ceux-ci acquiesçaient à la condition qu’un membre de la famille agisse à titre de chaperon.

 

• La demande en mariage se faisait souvent au père de la future épouse. Pour l’occasion, le prétendant avait eu soin de revêtir ses plus beaux habits.

 

• À 25 ans, une jeune fille encore célibataire devenait une vieille fille. On les appelait les catherinettes. Certaines trouvaient quand même maris par la suite, parce que tous les hommes ne se mariaient pas avant cet âge.

 

• Le parapluie était utilisé seulement par les femmes. Il n’était pas de bon ton de voir un homme sous un parapluie.

 

• Lorsque les gens avaient un problème d’articulations, ils allaient voir un ramancheur. Celui-ci acceptait les dons.

 

• Les parents faisaient peur aux enfants pour qu’ils se couchent tôt, soit au plus tard à 7 heures du soir. Le personnage menaçant était le Bonhomme Sept Heures qui risquait de les enlever.

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# 3150                 16 octobre 2016

 

Mon père semait

Nous sommes en 1950. J’avais neuf ans. Après avoir lu les bandes dessinées du journal l’Action catholique assis dans une chaise de la cuisine, je m’approchai de la fenêtre du nord. Je vis mon père en train de semer de l’avoine dans le clos face à la maison.

 

J’ai été surpris de voir que mon père répandait les grains à la main. Je me disais : « Il me semble qu’il devrait y avoir des instruments pour effectuer cette tâche. » En même temps, je me suis rappelé le texte du semeur de l’évangile que nous avions appris à l’école où Jésus disait : « []Un semeur sortit pour semer. Et comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux, étant venus, ont tout mangé. Mais, d'autres sont tombés sur de la bonne terre et ils ont donné du fruit au centième. »

 

J’espérais que la récolte soit centuplée. En même temps, je me demandais comment mon père faisait pour répartir les grains de blé d’une façon convenable. Quand mon père se rapprocha de la maison, je constatai qu’il ne semait pas avec ses mains, mais qu’il avait une curieuse poche en bandoulière sur une épaule.

 

La poche était de couleur blanche tirant sur le gris et elle était de toile assez épaisse. Sur le haut, une fermeture éclair bouclait la poche. Sur le bas, il y avait une bande de métal qui faisait la largeur de la poche. Sur cette bande était attachée une manivelle. Il s’agissait pour mon père de tourner la manivelle, tout en se déplaçant de façon ordonnée pour couvrir l’ensemble du sol.

 

J’ai fait des recherches sur internet pour voir des photos de ce semoir manuel. Je n’ai rien trouvé. Serait-il possible que cet instrument ait été fabriqué de façon artisanale par un forgeron ? Une chose est certaine. Il y a toujours eu des patenteux au Québec.

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# 3110                 30 septembre 2016

 

Veillées chantantes

Avant l’avènement de la télévision, la plupart des loisirs, surtout en hiver, se passaient autour du poêle à bois. Ma mère, voulant promouvoir le chant dans la famille, a acheté un piano d’une dame de Mont-Joli le 6 novembre 1951. Lors de veillées spéciales à la maison, comme pour les noces ou les anniversaires, le piano était là pour accompagner les chanteurs plus ou moins expérimentés.

 

La même année, ma mère a acheté les sept tomes de La Bonne chanson, et plus tard les tomes 8 et 9. L’auteur de ces albums était l’abbé Charles-Émile Gadbois, né en 1906 près de Saint-Hyacinthe. En 15 ans, l’auteur a composé et recueilli plus de 500 chansons. Son leitmotiv était : « Un foyer où l’on chante est un foyer heureux. »

 

Le seul fait de lire les textes de ces albums et de regarder les images propres à chaque chanson constituait pour moi un vrai voyage vers le passé et un peu vers l’avenir. On y trouvait des chansons du folklore français, de même que de nombreuses autres dont les paroles et la musique étaient de l’abbé Gadbois.

 

En 1938, le Conseil de l'instruction publique recommanda à toutes les commissions scolaires d’acheter les albums de La bonne chanson et de les diffuser dans toutes les écoles. Toutefois, je ne me souviens pas d’avoir vu de ces recueils à l’école du rang où j’allais.

 

En même temps, le Conseil incita fortement les familles à se les procurer. L’œuvre de l’abbé Gadbois a même reçu une bénédiction papale. Ces gestes contribueront grandement au succès commercial  des albums puisqu’en 20 ans la vente s’élèvera à 30 millions d’exemplaires, alors que le Québec comptait un peu plus de 3 millions d’habitants à cette époque.

 

Chez nous, lors des veillées de familles, les chansons étaient puisées dans les albums de La Bonne Chanson qui trônaient sur le piano de la cuisine. Parallèlement, elles ont fait rapidement partie de la culture populaire québécoise au milieu du siècle dernier.

 

Quel souvenir merveilleux que de se remémorer ces belles chansons ! L’abbé Gadbois a réussi son pari, lui qui voulait contrer l'influence grandissante de la chanson française ou américaine dans les foyers et à la radio.

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# 3085                 20 septembre 2016

 

Les amis d’enfance

Dans mon enfance, je n’ai pas eu d’amis en dehors de ma famille. La raison est simple. Il n’y avait pas de jeunes de mon âge dans les environs du domicile de mes parents. À l’époque, dans la partie Ouest du rang 5 où je demeurais, il y avait une seule famille qui avait des enfants. Le plus jeune avait 10 ans quand j’avais 6 ans et 15 ans quand j’avais 11 ans. Les âges nous séparaient.

 

Dans ma famille, j’avais une sœur quatre ans plus âgée que moi et un frère deux ans plus jeune. Ce dernier n’avait pas les mêmes intérêts que moi.

 

Sur le chemin de l’école, j’étais toujours avec des membres de ma famille. Nous étions trois ou quatre selon les années à marcher contre vents et froid vers l’école sur une distance de moins d’un kilomètre.

 

À l’est de l’école, il y avait une seule famille qui avait deux enfants de près de mon âge. D’ailleurs, la mère de ces enfants était la cousine de ma mère. Nous nous rencontrions en classe, mais comme, la plupart du temps, le silence était de rigueur, il était difficile de tisser des liens d’amitié.

 

Le seul moment où il était possible de fraterniser, c’était sur l’heure du dîner quand nous prenions notre repas à l’école en hiver lors de grands froids. Bien sûr que des rapprochements s’opéraient, mais ce n’était pas suffisant pour en arriver à une certaine complicité.

 

Quand j’ai marché au catéchisme à 11 ans, j’ai pu m’entretenir avec des jeunes de mon âge. Encore là, la durée des échanges ne permettait pas d’établir une relation approfondie.

 

Ce n’est qu’à 12 ans, lors de mon entrée au Séminaire, que j’ai pu me faire de véritables amis. La première année, nous étions 160 élèves à entreprendre des études classiques. Dans ce groupe, il y en avait une bonne douzaine qui était à peu près de mon âge. Les autres plus âgés avaient tendance à me considérer comme un bébé.

 

Si j’ai eu peu d’amis dans mon enfance, mes confrères ont largement compensé et encore aujourd’hui nous nous rencontrons assez souvent dans le cadre d’une amitié durable. D’ailleurs, certains de mes confrères plus âgés m’ont déjà admis qu’ils auraient aimé mieux me connaître dans le temps.

 

Qu’on le veuille ou non, l’âge est un critère de sélection très important dans la possibilité de se faire des amis.

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# 3035                 31 août 2016

 

Les chevaux

Mon père a toujours eu deux chevaux. Cela était nécessaire, car il fallait en avoir deux pour tirer la faucheuse. Chacun était placé de chaque côté d’un pôle. Après le fauchage, l’un servait à faire le râtelage à l’aide d’un grand râteau et l’autre à tirer la charrette de foin.

 

Quand j’étais jeune, mon  père avait une jument grise qu’on appelait la Grise. Elle était douce et facile à conduire. Elle aimait se faire voir et, lors des déplacements vers le village, elle était pleine d’exubérance. Elle aimait galoper. Mon père avait aussi un étalon de couleur brune appelé le Pitou. Celui-ci était plutôt paresseux. Les deux formaient quand même une bonne « team », comme on disait à l’époque.

 

Quand la Grise eut 12 ou 13 ans, mon père décida de s’en départir. Il l’échangea contre un cheval qui était estampé comme venant de l’Ouest canadien. C’était probablement un cheval sauvage qu’on avait capturé. Quand ma mère a vu ce cheval qui s’appelait le Black, elle a dit à mon père : « Tu as fait une mauvaise transaction. Ce n’est pas un cheval pour toi ». Autant ma mère était bonne en affaires, autant mon père avait de la difficulté dans ce domaine.

 

Quelques jours plus tard, mon père est allé au sixième rang pour charroyer des billots. Croyez-le ou non, le Black s’est dételé et, à la course, s’est enfui vers l’étable. C’est une distance d’au moins deux milles. La porte de l’étable étant en deux parties et la partie la plus basse étant fermée, il a attendu le cou sur le cadre de la porte. L’intuition de ma mère venait de se confirmer.

 

Mon père est allé voir le maquignon et il a échangé le Black contre une jument qu’on appelait la Nelle. Cette jument avait été mal domptée. Elle ne comprenait pas les ordres « hue » ou « ya ». Bien plus, il ne fallait pas tirer sur les cordeaux pour l’arrêter, car elle partait à la course. Le seul ordre qu’elle comprenait, c’était lorsqu’on tirait à droite ou à gauche sur les cordeaux.

 

Lors de quelques étés, j’ai été assigné au grand râteau et c’est la Nelle que je devais conduire. Au début des foins, c’était très difficile. Le grand râteau étant très large, lorsqu’on entrait dans un champ, il ne restait qu’un ou deux pouces de chaque côté de la clôture. Il fallait que je vise le centre, sinon la clôture aurait été arrachée.

 

J’ai compris rapidement qu’il fallait l’épuiser pour qu’elle se calme. À la fin de la saison, elle était plus facile à diriger. Un jour que je devais descendre une grande côte le râteau levé, elle est partie à la course. Je ne pouvais pas la retenir comme, c’était normal pour elle, en tirant sur les cordeaux. J’ai baissé rapidement le râteau et j’ai tiré de toutes mes forces vers la droite. Elle a dû interrompre sa descente, mais j’avais eu le temps d’avoir peur.

 

Qu’est-il advenu de la Grise ? Un après-midi d’août, j’ai vu passer devant la maison un garçon de 14 ou 15 ans qui la tenait par la bride et qui l’amenait à la ferme de son père, un M. Belzile, qui demeurait au troisième rang de Trois-Pistoles. Je ne sais pas si l’adolescent était venu à pied. Peut-être son père l’avait-il amené en automobile ? Une chose est sûre, le jeune garçon a dû parcourir une distance de près de 10 milles pour son retour.

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# 2975                 21 juillet 2016

 

Mariage de mes parents

Le 30 mars 1932 à 7 heures du matin, mon père Edmond Jean et ma mère Marie-Laure Théberge se marie en l’église de Saint-Mathieu-de-Rioux devant le curé Joseph Gauvin.

 

La famille Théberge est là de même certains membres de la famille Jean et de la famille adoptive. Les témoins sont le père adoptif d’Edmond, Ludger Ouellet, et le père de Marie-Laure, Émile Théberge. Outre les époux et les témoins, Léo Théberge, frère de Marie-Laure, appose sa signature sur l’acte de mariage.

 

Le dîner de noces a lieu chez Émile Théberge. En après-midi, les jeunes époux montent dans la carriole tirée par un cheval et se rendent au rang 5 dans leur nouvelle résidence, sur une ferme achetée quelques mois auparavant de Philéas Gaudreau. La soirée de noces est prévue pour le même soir, mais mon père décide en arrivant chez lui qu’il ne veut pas y aller. Alors, mes parents ne se présentent pas. Ma mère qui aime beaucoup les relations sociales et familiales est très déçue.

 

Voici ce que Marie-Ange Jean, la sœur de mon père, a écrit dans son autobiographie :

« Pendant ma deuxième année d'enseignement à Saint-Mathieu, mon frère Edmond acheta la terre de Philéas Gaudreau. Comme il était seul, il me demanda pour aller rester avec lui. Je quittai ma pension chez M. Bérubé pour aller rester avec lui. Je m'avisai de faire du grand ménage par les soirs et les fins de semaine, me voilà lavant murs et plafonds. Après quelques jours, j'avais de la peine à me tenir droite, j'avais mal aux reins, j'avais les muscles endoloris. C'était le fun pour la petite maîtresse d'école, ah ! ah ! ».

 

« Mon frère se maria quelques mois après avec Marie-Laure Théberge, une fille très bien qui prit sa place comme maîtresse de la maison. Je pris pension chez eux pour finir l'année scolaire. »

 

Selon la coutume, mes parents ne firent pas de voyages de noces. C’est beaucoup plus tard en 1965 qu’ils firent leur premier voyage ensemble. Voici ce que ma mère a écrit à ce sujet :

 

« Oui, nous avons fait notre voyage de noces. Ça faisait 33 ans que nous étions mariés. Papa, la maladie l’a pris en montant. Rendus à Montréal − Mont-Laurier, on a pu se rendre à Val d’Or où il a été hospitalisé. Il a subi une opération de la prostate. Il a été un mois à l’hôpital. […] On a été 6 jours à notre voyage, nous sommes allés à Barraute et Amos. C’est le premier voyage que nous faisions, partis le 18 août 1965 ».

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# 2935                 5 juillet 2016

Médaille du scapulaire

Il y avait autrefois des pratiques religieuses encouragées par l’Église qui peuvent aujourd’hui nous surprendre. Quand j’étais jeune, ma mère nous faisait porter une médaille du scapulaire.

 

À l’origine, le scapulaire était un vêtement religieux de couleur brune, formé d’une seule pièce. Il était percé en son centre pour permettre à la tête de passer. Un côté pendait sur la poitrine et l’autre, dans le dos. On raconte que la Vierge Marie, lors d’une apparition à Simon Stock en 1251, lui avait donné un scapulaire en lui disant : « Quiconque meurt revêtu de ce scapulaire sera préservé des flammes éternelles. » Cette promesse a été interprétée par l’Église comme une certitude de ne pas aller en enfer à la mort et d’être délivré du purgatoire le samedi après la mort, sans compter la protection constante, durant la vie, dans tous les dangers de l'âme et du corps.

 

Comme ce vêtement était peu pratique pour les laïcs, il a été remplacé par  deux morceaux de laine brune de forme carrée. Les morceaux étaient reliés par un cordon dont un morceau était porté sur la poitrine et l’autre, sur le dos.

 

Plus tard, le scapulaire a été remplacé par deux petits carrés de tissu  en laine sur lesquels étaient cousues l'image du Sacré-Cœur de Jésus et  l'image de Notre-Dame du Mont-Carmel. Il se portait alors sur la poitrine.

 

Si je me souviens bien, le scapulaire que ma mère avait confectionné était composé d’un morceau d’étoffe brune de forme carrée sur lequel était attachée une médaille du Sacré-Cœur. Un court cordon relié au tissu pouvait être épinglé à notre camisole. Il est probable que la médaille avait été bénie par un prêtre.

 

L’Église recommandait de porter ce scapulaire en tout temps, mais ma mère l’exigeait seulement pour les sorties à l’extérieur de la maison, comme pour la messe et les autres cérémonies religieuses. Elle craignait alors que nous ayons un accident lors des déplacements. Le scapulaire était alors une protection. S’il arrivait malheur, au moins nous ne mourrions pas en état de péché mortel et nous irions rapidement au paradis. Nous demeurions alors à environ trois milles et demi de l’église.

 

Personnellement, je n’ai jamais cru aux bienfaits du scapulaire. Dès mon retour à la maison, il se retrouvait dans un tiroir de mon bureau. Le port du scapulaire dans ma famille n’a pas duré très longtemps, probablement à cause de notre indifférence.

Un fait inusité, Jean-Paul II qui a  été pape de 1978 à 2005 avait toujours deux scapulaires en sa possession : un qu'il portait de jour comme de nuit et un second plastifié qu'il portait lors de sa toilette quotidienne dans le but de rester continuellement sous la protection de la Vierge Marie. J’aimerais connaître l’opinion du pape François sur le port du scapulaire.

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# 2895                 19 juin 2016

Grange de mon père

Les granges-étables d’autrefois étaient construites à peu près sur le même modèle. La structure était de bois. Elles comportaient deux étages. Le rez-de-chaussée qu’on appelait étable abritait les animaux d’élevage comme les chevaux, les bœufs, les porcs et les moutons. Le deuxième étage constituait la grange qui servait à stocker les récoltes de foin ou de grain et à remiser certains instruments agricoles.

 

Mon père a bâti une grange-étable neuve en 1946 (voir ci-contre). Elle était dans la direction est-ouest au nord du chemin. Voici sa description :

 

Sur la devanture, il y avait deux portes : l’une pour faire circuler les chevaux et l’autre, les vaches. Le plancher était de ciment. Transversalement, il y avait deux allées. L’une était au même niveau que le plancher et était destinée à la circulation. L’autre était basse de trois ou quatre pouces et servaient à recueillir le fumier des animaux comme les chevaux et les vaches.

 

Du côté ouest, au nord on comptait trois crèches pour les chevaux et au sud un clos pour les cochons et un petit clos pour la saillie. En face de la première porte de l’ouest, il y avait le « corps à l’eau » et une porte pour entrer dans la remise. À l’est, au nord se trouvaient une dizaine de crèches pour les vaches et une autre porte pour atteindre la remise. Au sud, un autre clos à cochons et trois crèches pour les taurailles.

 

Au nord, il y avait la remise. Une allée constituée d’un plancher en bois permettait aux personnes de circuler pour soigner les chevaux et les vaches. Le foin et la paille étaient entassés plus au nord.

 

À l’extrémité Ouest de la remise, il y avait une porte qui conduisait à la bergerie, endroit où les moutons passaient l’hiver en libre mouvement.

 

Sur la photo de la grange, on voit à gauche une annexe pour cacher le fumier et à droite l’entrée du fenil.

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# 2860             5 juin 2016

Message de Marsha

J’ai reçu dernièrement un courriel d’une petite-cousine qui vit à New York où elle est née. Le message était accompagné de trois photos qui apparaissent à la fin de ce texte. Personnellement, je n’avais jamais vu de photo de ma grand-mère Élise Boucher. Même tante Marie-Ange Jean, sa fille, n’a jamais vu de photo de sa mère. J’ai traduit le message en français. Le voilà.

……………….

 

Bonjour cousin !
Mon nom est Marsha Hodgson. Je suis la fille de Barbara Belsaguy, une cousine de New York dont le nom est mentionné dans les mémoires de Marie-Ange Jean. Barbara est la fille de Marie Antoinette qui est la sœur de Marie-Ange. Pendant 2 ans et demi, Barbara a vécu à la ferme de sa tante (située au rang 3 Ouest à Saint-Mathieu-de-Rioux).

Barbara est devenue policière à la ville de New York. Plus tard, elle a prononcé des vœux dans l'ordre des Carmes Déchaux. Elle a maintenant 83 ans et elle vit sur l'île de la Jamaïque dans les Antilles. Elle est très impliquée dans son église paroissiale.

Quand j'avais environ 5 ans, vers 1957, j'ai eu la chance de visiter la ferme de tante Marie-Ange dont je garde beaucoup de bons souvenirs qui sont encore chers à mon cœur.

Pour une jeune enfant vivant dans un petit appartement de Brooklyn, cette maison de ferme semblait être un grand manoir.

Après toutes ces années à avoir compté seulement sur ma mémoire, c’est tout un régal de voir les photos de Marie-Ange, sa famille et la ferme. C’est exactement comme je me souviens. Je souhaiterais que vous puissiez voir à quel point je suis souriante en ce moment ... aussi, avec quelques larmes aux yeux !

Puis, il y a la photo de la charrette à foin. Oh mon Dieu ! Lors de ma visite, nous étions possiblement dans la même charrette pour aller, soit au foin, soit  à la cueillette de framboises.

Au retour à la maison, tante Marie-Ange m'a donné un panier et m’a demandé d'aller ramasser les œufs au poulailler. J'étais heureuse qu’on m’assigne des tâches, mais celle-ci a été très excitante et satisfaisante pour une jeune enfant.

Dans sa merveilleuse cuisine, tante Marie-Ange préparait des tartes aux framboises cueillies ce jour-là. Nous, tout petit, étions juste à côté d'elle, la regardant attentivement, attendant avec impatience notre tour de faire nos propres petites tartes.

Elle a donné à chacun un couvercle de pot en métal, qui allait bientôt être utilisé comme assiette à tartes.

Après que tante Marie-Ange eut terminé la découpe des morceaux de pâte nécessaire pour ses tartes, elle a donné aux enfants des restes de morceaux pour nos petits moules, puis elle nous a aidés à les remplir de framboises. Aujourd’hui, je peux presque sentir et goûter ce précieux régal.

Ce fut une expérience merveilleuse pour une enfant de la ville. C’est, d’ailleurs, une histoire que j’ai souvent racontée.

La lecture des mémoires de Marie-Ange m’a fait chaud au cœur. Il y a des histoires que j'avais entendues en partie, et un grand nombre que j’ignorais, par exemple, qu'elle était enseignante.

Il est particulièrement agréable de constater son sens de l’humour, ce qui est quelque chose que ma grand-mère Marie Antoinette possédait aussi.

Ma grand-mère m’a raconté que, dans sa jeunesse, un jour, elle était assise sur une balançoire à deux bancs en face d'un charmant jeune homme. Au cours de leur conversation, leurs genoux se sont frappés ... et, grand-mère a passé quelques semaines terribles en espérant qu'elle n'était pas tombée enceinte ! Bien que les histoires qu’elle me racontait touchaient peu au temps de sa vie au couvent après que leur mère soit malheureusement décédée, cette histoire de balançoire montre comment elle a été mal préparée à la vie, elle qui a vécu son enfance sans la chance d'avoir sa mère à ses côtés. Voilà une autre raison pour laquelle je trouve les mémoires de Marie-Ange si poignante.

Tante Marguerite est la sœur de ma grand-mère dont je me souviens le plus. Elle avait un accent français très prononcé. Le plus souvent lors de nos visites en vacances, elle passait la plupart du temps à cuisiner. Son mari était John Russo, avec qui j’ai vraiment passé plus de temps. Leur famille était très proche et aimante. J’aurais aimé que nous n’ayons pas perdu le contact après le décès de ma grand-mère, mes parents ayant déménagé au loin.

Quand j'avais 15 ans, en 1967, je suis allée au Canada pour la dernière fois, accompagnant à Montréal ma grand-mère au mariage de Raymond Perrin, fils cadet de sa sœur Rosanne. La découverte de sa maison fut un choc culturel pour moi ! Rideaux de velours, un salon pour recevoir de la compagnie et pauvre tante Rosanne qui semblait un peu frêle de corps, mais certainement pas d'esprit.

Lors de cette promenade, je fis la connaissance d’un fringant jeune homme. C’était son fils Claude. Claude ? « C-L-A-U-D-E » ?

Eh bien, à cause de l'accent prononcé de ma propre grand-mère, je pensais que les noms de mes deux cousins ​​étaient Glode et Ramo. Cette petite histoire a fait rire Claude. Des années plus tard, sa fille Caroline et moi, nous nous sommes rencontrées brièvement sur internet. Ce fut triste d'apprendre le décès de Claude.

Au cours d’un voyage à Montréal, lors de l’Expo '67, grand-mère et moi demeurions chez sa sœur Valentine. Ce fut la première fois que je pris un verre d'alcool, juste un petit verre de Sherry. Leur voisin avait un animal de compagnie, un singe-araignée. Je pensais que c’était à la fois bizarre et cool. Au petit déjeuner, nous avons mangé des rôtis avec BEURRE D’ÉRABLE. Oh mon Dieu ! Aujourd’hui, j’aimerais en avoir, mais c’est beaucoup trop cher pour s’en délecter sur une base quotidienne.

Ensuite, il y a l'oncle Léo. Quelle grande présence il manifestait ! Il nous a fait profiter des merveilles de l’Expo 67 pendant trois jours, mais il a fallu attendre les derniers moments de notre dernière visite là-bas pour qu'il acquiesce finalement à ma demande constante d’aller au pavillon britannique. Je suppose que cela illustre oncle Léo, euh, et ses sentiments sur l'espoir éternel du Québec à la souveraineté.

Un après-midi, ma grand-mère et moi, nous sommes allés à un restaurant pour luncher. Elle parlait en anglais et elle m’a indiqué que les employés derrière le comptoir se moquaient de nous. Alors, je demandai à ma grand-mère de me raconter une histoire en français. Quand elle sourirait, je dirais « Oui ! ». Quand elle froncerait les sourcils, je dirais « Non ! ». Eh bien, les hommes derrière le comptoir sont devenus mal à l’aise ... ce qui m'a permis de profiter d’un deuxième morceau merveilleux de tarte aux framboises canadienne-française, cette fois avec les compliments du restaurant. J’ai toujours eu bien du plaisir avec ma grand-mère.

Désolé de m’être emportée à vous raconter tant de mes propres souvenirs.

Après avoir lu les mémoires de Marie-Ange, j’espère que les autres membres de la famille
ont eu la chance d’en faire autant.

Je suis tombée sur des photos de Théophile Jean et d’Élise Boucher. Je les joins ... juste au cas où vous n’auriez pas encore eu le plaisir de voir à quoi ils ressemblaient.

Désolé de ne pas vous avoir écrit en français !

Votre cousine qui vit au loin,

Marsha, Staten Island, New York

(Staten Island est l’un des cinq arrondissements de New York)

 Dans l'ordre, on voit Élise Boucher, Théophile Jean et Marsha Hodgson.

                            

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# 2845            30 mai 2016

Les indulgences

Quand j’allais à l’école primaire autour des années 1950, les indulgences étaient liées au sacrement de pénitence. Le prêtre en confession pardonnait les péchés, souvent imaginaires, dont nous nous accusions. À l’école, on nous disait que ce pardon effaçait le péché. Mais, une nuance que je n’avais pas saisie à l’époque, le pardon n’enlevait pas la peine temporelle due au péché. Cette peine temporelle devait se traduire par un temps de purgatoire qui ne pouvait être atténué ou effacé que par des actes de charité ou encore par des indulgences.

 

Une indulgence était dite partielle ou plénière. Lorsqu’elle était partielle, elle se comptait en nombre de jours, de mois et d’années. C’était donc une remise de peine qui nous était offerte. Dans notre petite tête, nous comprenions que ce serait un temps en moins au purgatoire.

 

Une indulgence était plénière lorsqu’elle libérait totalement de la peine due au péché. Nous pensions alors être exemptés totalement du purgatoire. Nous ne comprenions pas pourquoi on pouvait acquérir des indulgences plénières à répétition.

 

Les indulgences partielles étaient accordées suite à la récitation d’une prière généralement très courte. Les prêtres ou les religieuses diffusaient des images de saints ou de saintes. Sur l’endos, on y trouvait une prière et le temps gagné en rémission de peine. Les indulgences partielles étaient aussi liées à des paiements de messe ou à des travaux au bénéfice de l’église locale.

 

On pouvait gagner des indulgences plénières, par exemple, en récitant le chapelet dans une église seul ou à plusieurs, en adorant le Saint-Sacrement pendant une demi-heure au moins, en faisant un chemin de croix, en priant pour les défunts lors d’une visite dans un cimetière.

 

Il fut un temps où des indulgences étaient accordées aux personnes qui faisaient des dons en argent au Vatican. La période de remise de peine variait à la hauteur de la contribution. Ce marchandage éhonté, de même que l’obtention d’indulgences importantes pour des prières courtes, ont provoqué un phénomène d’inflation qui a détruit peu à peu le système inventé par les papes successifs.

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# 2800            11 mai 2016

Sur la Côte-Nord

Quand j’ai œuvré pour le ministère de l’Éducation au début des années 1980, j’étais posté à Sept-Îles. J’ai pris l’avion plus de 100 fois. Le territoire de la Côte-Nord est vaste. À part la Basse-Côte-Nord, trois villes n’étaient pas reliées par une route. C’était Fermont, Schefferville et Gagnon. Cette dernière ville existait encore à l’époque. Dans chacun de ces endroits, j’y suis allé deux fois. La plupart de ces voyages se faisaient dans un petit avion.

 

Un jour, je suis allé à Gagnon dans un avion à quatre places permettant trois passagers. J’avais le vertige en pensant à l’éventualité que le pilote perde connaissance pour une raison ou pour une autre. Je me suis assis derrière lui. Dix minutes après le décollage, son siège se disloqua vers l’arrière. Je dis à haute voix : « Ça commence de même. » La dame qui était à mes côtés devient blanche de peur. J’ai tout de suite regretté mes propos. Le mal était fait. Comme pour me punir, j’ai dû tenir le siège du pilote pendant le reste du voyage.

 

Une fois que j’étais à Gagnon, pour le retour, la directrice de l’école vérifia pour moi et deux de mes collègues l’état de nos réservations. Mon nom n’apparaissait plus sur la liste. Nous nous sommes précipités à l’aéroport. Le commis m’a dit : « Il n’y a pas d’autre place. Une seule personne n’est pas encore arrivée. Si elle n’est pas ici 15 minutes avant le départ, je pourrai vous transférer sa réservation. » J’ai fait le pied de grue devant le comptoir pendant au moins 20 minutes. Il fallait que je parte. Je regardais ma montre presqu’à toutes les minutes. Le délai arriva. Le commis valida mon billet d’avion. L’opération à peine terminée, un homme se présenta. Sa réservation avait été annulée. Il était furieux.

 

Un autre jour en hiver, je suis allé à Schefferville dans un avion d’une dizaine de places. Il faisait au moins -25 degrés à l’extérieur. C’était le matin et il n’y avait pas eu de chauffage pendant la nuit. À cause de l’humidité, il faisait plus froid que dehors.

 

Dans mes deux voyages à Fermont, je n’ai pas eu de pépin. Toutefois, quand je me promenais le soir après le souper dans le Mur, je me demandais ce que je faisais là. Le Mur, long de 1,3 kilomètre et haut de 50 mètres, est un vaste complexe qui sert d’écran afin de protéger le reste de la ville des forts vents en provenance du nord. Il regroupe les commerces et les services aux citoyens. On y retrouve, par exemple, une épicerie, des magasins, un bureau de poste, une école, les bureaux de la ville et de la commission scolaire, ainsi qu'un hôtel et diverses installations sportives. À l’époque, tous les services y étaient regroupés, excepté l'unique station d’essence et un salon funéraire. Ceux qui résidaient en permanence à l’hôtel pouvaient ne jamais sortir dehors s’ils travaillaient dans le Mur.

 

J’ai fait quelques voyages en petits avions dans l’axe Sept-Îles−Baie-Comeau. Un jour, j’étais seul avec le pilote. Nous avons voyagé tout au long au-dessus du fleuve Saint-Laurent. Je n’osais pas regarder en bas et je me demandais ce que je ferais si le pilote ne pouvait plus remplir sa tâche. En regardant les nombreux cadrans devant moi, je devenais étourdi.

 

Un autre jour, je revenais de Montréal vers Sept-Îles. Quand nous sommes parvenus à destination, l’avion a tournoyé autour de l’aéroport pendant près d’une heure. À un moment donné, le pilote a dit : « Il est impossible actuellement d’atterrir à Sept-Îles à cause de la brume. Nous retournons à Montréal. » Avant l’atterrissage, l’hôtesse a répété sa formule habituelle : « Bienvenue à Montréal. » Personne n’a trouvé ça drôle. Une clameur de mécontentement s’est élevée.

 

Un autre jour, je revenais encore de Montréal vers Sept-Îles. Le pilote nous fit descendre à Baie-Comeau. Le lendemain, nous avons voyagé vers Sept-Îles en autobus scolaire. Qui a connu, à l’époque, les méandres de la route qui séparait les deux villes, sait que faire 250 kilomètres dans un tel véhicule n’est pas de tout repos. Quand j’arrivai à Sept-Îles, je pris un taxi pour me rendre chez moi, alors que je demeurais à moins de cinq minutes de marche. J’étais exténué.

 

Mon plus beau souvenir, c’est lorsque j’ai fait le trajet Sept-Îles−Baie-Comeau dans l’avion du Gouvernement en compagnie du ministre de l’Éducation de l’époque, Camille Laurin.

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# 2730              6 avril 2016

Les moutons

Bon an mal an, mon père élevait au moins une douzaine de moutons. En 1937, à Saint-Mathieu-de-Rioux, on comptait 1000 moutons. De ce nombre, 600 bêtes ont suivi le chemin de l’abattoir et 75 ont servi aux besoins domestiques. Le revenu moyen par cultivateur a été de 30 $. À cette époque, la viande de mouton avait mauvaise réputation. Je ne me souviens pas que mon père ait abattu des moutons pour leur chair. Il vendait l’animal vivant à des commerçants.

 

Chez nous, pendant l’été, les moutons paissaient dans des enclos loin de la maison. Ces enclos étaient défrichés seulement en partie, comme au sixième rang. Les bêtes étaient parfois la proie des ours ou d’autres prédateurs parce qu’ils étaient presqu’en forêt. Je me souviens d’avoir vu au moins une fois la carcasse d’un mouton dans une clairière d’épinettes. Pendant l’hiver, les moutons étaient gardés dans une annexe de la grange, évidemment non chauffée, qu’on appelait la bergerie.

 

La raison première pour faire l’élevage des moutons était la laine qui servait totalement à l’usage domestique. Au printemps, la tonte s’effectuait. Je me souviens d’avoir vu au moins une fois ma mère accomplir cette tâche. Mon frère ainé tenait l’animal et, avec l’aide de grands ciseaux, elle enlevait sa toison.  Par la suite, la laine était débarrassée d’impuretés visibles et elle était placée dans des récipients qui contenaient de l’eau chaude. Après avoir été trempée, la laine était « bouillie » sur le poêle à bois. Cela donnait une senteur épouvantable dans la maison parce que la laine contenait encore, notamment, du suint et de la graisse.

 

Une fois cette opération terminée, ma mère faisait des paquets et envoyait le tout par la poste à l’Isle-Verte où il y avait une filature. Au bout de quelques semaines, le tout revenait en boudins. Ma mère sortait son rouet et filait la laine. Le dévidoir servait à emmagasiner temporairement le fil de la bobine du rouet pour constituer un écheveau. Par la suite, on distribuait la laine à la main en faisant des pelotes. Les fils pouvaient alors servir pour le tricot ou le tissage.

Avec la laine, ma mère confectionnait notamment des bas, des gilets, des couvre-tête, des camisoles, des pantoufles, des foulards, des sacs d’école, des revêtements de coussins.

 

La photo du dévidoir a été prise sur le site Kijiji.

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# 2685              19 mars 2016

Les véhicules motorisés

Selon Marie-Ange Jean dans ses mémoires, Eugène Vaillancourt fut le premier à Saint-Mathieu à acheter une automobile en 1917. À ce moment, les véhicules motorisés n’étaient pas équipés de clignotants. Pour indiquer qu’on tournait à gauche ou à droite, il fallait que le conducteur lève la vitre et sorte son bras gauche. Selon la position du bras, l’automobiliste qui suivait décodait l’intention du conducteur. Ce n’est que dans les années 1950 que tous les véhicules possédèrent des clignotants.

 

Jusqu’en 1950, les véhicules motorisés étaient rares à Saint-Mathieu. Il y avait cependant de gros camions, comme des 26 roues, qui servaient principalement à transporter les billots de bois. Pendant l’été, j’en voyais passer tous les jours ouvrables. Ils allaient chercher le bois sur réserve forestière du rang 6 et du Lac-Boisbouscache.

 

Avant que mon père achète sa camionnette en 1952, ma mère cultivait des fraises de jardins. Ses clientes résidaient au village. Une de mes sœurs avait la tâche de livrer les seaux de fraises. Elle hélait le gros camion de transport de bois et se rendait ainsi au village. Pendant que le camionneur allait vider son voyage au moulin à scie, elle faisait le tour des clientes et revenait en camion à la maison.

 

Quand les routes ont été rendues roulantes pendant l’hiver à Saint-Mathieu, il fallait à l’occasion mettre des chaînes aux roues d’en arrière pour pouvoir franchir les côtes jusqu’au rang 5. Les déneigeurs faisaient leur possible, mais leurs équipements n’étaient pas toujours adéquats. La route qui mène à Saint-Simon a connu des épisodes où les automobilistes ont littéralement pris le champ.

 

Les tableaux de bord des véhicules d’autrefois étaient réduits à leur plus simple expression. Il contenait quelques indicateurs comme ceux de la vitesse et du millage (aujourd’hui kilométrage) parcouru. Les témoins d'alarme, d'alerte et de signalisation étaient inexistants au début.

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# 2640              18 février 2016

Les personnes noires

Mon père ne portait pas de jugement sur les personnes qui l’entouraient. Il aurait vendu des billots à un noir qui en faisait le commerce. Ma mère avait plus tendance à juger les races ou les différences. Elle n’aimait pas les Protestants. Toutefois, quand un de ses cousins qui était prêtre devint pasteur protestant, elle l’accueillit à bras ouverts. Quand on était ratoureux, elle nous traitait de petits Juifs. Ce qualificatif était sans malice.

 

Quand j’étais au Séminaire de Rimouski dans les années 1950, j’ai vu des noirs en personne pour la première fois. La télévision était dans ses débuts et elle présentait rarement des noirs, surtout pas dans les téléromans et dans les émissions d’affaires publiques. Les jeunes noirs que j’ai vus en personne venaient d’Afrique et étaient inscrits à l’école de Marine, parce qu’à l’époque cette école était la seule institution francophone en Amérique du Nord qui préparait des marins. Ils venaient prendre leur repas à la cafétéria du Séminaire.

 

En 1962, je demeurais à Longueuil. J’ai eu des problèmes d’estomac et j’ai décidé de consulter un médecin. Comme je n’en connaissais pas, j’ai pris l’annuaire téléphonique. Je suis tombé sur un toubib de patronyme Jean. J’ai obtenu un rendez-vous. Pas longtemps après mon arrivée, un homme est sorti de son bureau et a dit mon nom. C’était un noir. J’ai eu un moment de recul. Rapidement, j’ai accepté la situation. J’étais un peu impressionné parce que c’était la première fois que j’entrais en contact avec un noir. Inutile de dire que ce Haïtien m’a donné un excellent service.

 

Dernièrement, j’ai écrit un conte : Un noir dans la paroisse. Je voulais imaginer les réactions de l’arrivée d’un jeune noir dans une paroisse rurale de la moitié du 20e siècle. Je vous invite à le lire dans le cadre du mois des Noirs. Voir :  http://www.charleries.net/contes.htm#2565.

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# 2580              26 janvier 2016

Le tas de fumier de Job

Quand j’étais à la petite école dans les années 1947-1953, l’histoire sainte était une matière importante. Dans l’ordre, elle venait après le catéchisme. L’histoire sainte se résumait à des petites histoires que l’institutrice nous racontait. L’une de ces histoires qui m’a le plus impressionné est celle de Job.

 

Job est un homme très riche et très pieux. Il vénère Dieu et le comble d’offrandes. Un jour, Dieu et Satan se rencontrent. Voici leur conversation de façon romancée, mais conforme aux écrits de la Bible :

Dieu. – Job est mon meilleur serviteur. Il est intègre et droit. Il ne manque jamais une occasion de démontrer son estime et son admiration à mon égard.

Satan. – Depuis longtemps, tu le protèges. Il a une belle maison, une belle famille et ses troupeaux couvrent le pays. Mais, ce que tu ne sais pas, par ses offrandes, il fait semblant de te vénérer alors qu’il te maudit. Je suis certain que, s’il perdait tous ses biens, tu verrais son attitude changer.

Dieu. – Tu es complètement dans les patates. J’ai confiance en cet homme.

Satan. – Alors, laisse-moi lui infliger des épreuves et tu verras.

 

Satan se met à l’œuvre. Les serviteurs de Job sont assassinés, ses troupeaux sont volés et ses enfants sont écrasés dans l’effondrement de sa maison. Job n’a plus rien. Abandonné de tous, il doit se résigner à vivre sur un tas de fumier. Malgré ces catastrophes, Job conserve sa confiance en Dieu. Dans la Bible, on peut lire que Job déclare alors : « Nu je suis sorti du ventre de ma mère, nu j’y retournerai. Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris : Que le nom du Seigneur soit béni ! »

 

Satan déçu et fâché revient à la charge et, cette fois, il s’attaque à Job lui-même. Ce dernier est frappé par la lèpre. Il est couvert d’ulcères des pieds jusqu’à la tête. Même sa femme lui conseille de renier Dieu. Mais Job ne bronche pas dans sa foi.

 

Dieu est ému par son attitude. Il lui rend la santé et le double de ce qu’il avait perdu. Heureusement l’histoire se termine bien : « Job vécut après 140 ans, et il vit ses fils et les fils de ses fils jusqu'à la quatrième génération. Et Job mourut âgé et rassasié de jours. »

 

Pour un écolier, le tas de fumier est une image très forte qui est à la fois troublante et choquante, car ce n’est pas très ragoutant. Si on ajoute les plaies qui couvrent Job, c’est pas mal dégoutant. Ce jour-là, en revenant de l’école, je regardais le tas de fumier à l’ouest de la grange, et j’y voyais mon père.

 

Depuis ce temps, j’ai appris que Job est aussi cité dans le Coran. D’ailleurs, preuve que l’histoire de Job a frappé l’imaginaire, il existe une expression : « Être pauvre comme Job. »

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# 2535              7 novembre 2015

Le texte d’un écolier

En février 1953, j’ai marché au catéchisme pendant un mois les avant-midis. L’après-midi, je n’allais pas à l’école, vu la distance trop grande à parcourir du village au rang 5. Mon institutrice, Marie-Rose Boulanger, me donnait des travaux à effectuer et je les faisais sur la table de cuisine de grand-père Émile Théberge.

 

Lors d’une semaine, elle m’a demandé de rédiger une composition sur le carême. J’ai écrit un texte dont le titre est : « La Pénitence ». Le voici intégralement :

 

« Oh ! que je le mangerais ce chocolat si aujourd’hui était hier. Il est d’un beau brun, il est tendre et bon. Aujourd’hui, c’est le mercredi des Cendres, je me rappelle, le prêtre m’a mit (sic) de la cendre sur la tête en disant : « Souviens-toi ô homme que tu es poussière et que tu reviendras en poussière. » Il est si tendre, si bon ce chocolat, je le met (sic) sur ma lèvre. Hier, en mangeant mes autres, s’il ne saurait (sic) pas cacher (sic), il serait manger (sic). Je vais essayer de faire ce petit sacrifice pour notre Seigneur, lui il a jeûné pendant quarante jours. Il n’a pas bu ni manger (sic). Oh ! que l’on est faible. »

 

J’avais réussi à faire six fautes dans un court texte. Qui a dit que les jeunes de fin du primaire des années 1950 maîtrisaient mieux leur langue que ceux d’aujourd’hui ?

 

Notez que l’empreinte religieuse est très présente dans le texte.

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# 2490              4 octobre 2015

Marcher au catéchisme

Il existait autrefois une coutume qu’on appelait « marcher au catéchisme ». Au début du 20e siècle, cette activité est une préparation à la première communion. Le chanoine Lionel Groulx a raconté que, lorsqu’il était jeune, marcher au catéchisme était vu comme un geste solennel. L’enfant qui y participait jouissait d’une haute considération de la part de tous, ce qui était une façon de l’obliger à avoir une attitude presque d’adulte.

 

Quand j’étais jeune, cette activité préparait à la communion solennelle. La cérémonie consistait à faire une profession de foi, c’est-à-dire à renouveler les engagements pris au baptême en notre nom, par notre parrain et par notre marraine et sans notre consentement. Aujourd’hui, cette profession de foi se fait lors de la confirmation.

 

C’est le curé qui était responsable de prodiguer l’enseignement religieux à des jeunes de 7e et de 8e année. J’ai marché au catéchisme pendant un mois, soit du 23 février au 20 mars 1953 trois heures pas jour, soit en avant-midi. J’avais alors 11 ans. Nous étions 64 participants à cette activité et j’étais un des plus jeunes.

 

Que nous enseigne le curé ?

Les enseignements du curé Alfred Bérubé touchent l’ensemble du catéchisme de l’époque et, à certains égards, ressemblent à des cours de droit canonique.

 

Nous apprenons les critères d’empêchement de mariage, les sortes de péchés : originels et actuels, mortels et véniels, les commandements de Dieu et de l’Église, le catalogue des indulgences. Nous apprenons que le péché de nos premiers parents a obscurci notre intelligence et affaibli notre volonté, en nous donnant une inclination au mal. Pas très rassurant pour un enfant de 11 ans qui ne réussit pas à identifier les péchés qu’il fait.

 

Nous apprenons, notamment, comment faire pour ne pas tomber dans l’ivrognerie : « Ne pas aller au cabaret ; ne prendre aucune boisson enivrante entre les repas ; fuir la société de ceux qui aiment à boire ; s’engager dans la société de tempérance et en suivre les règles. » Que comprend un enfant de 11 ans qui ne sait même pas ce qu’est un cabaret et qui n’a jamais goûté à une boisson alcoolisée et qui, plus est, n’a jamais vu personne boire de l’alcool, sauf le curé à la messe ?

 

J’ai aimé cette expérience que j’ai trouvée quand même ardue. En effet, j’avais de la difficulté à me concentrer n’ayant jamais était amené à l’école à suivre un cours magistral de plus de deux ou trois minutes.

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# 2470              20 septembre 2015

Deux ans déjà

Ce blogue a été mis en ligne le 20 septembre 2013. Il fête donc son deuxième anniversaire aujourd’hui. Depuis le début, le blogue a progressé. Jusqu’à ce jour, j’ai publié 2470 articles.

 

Aspect personnel

On y trouve 36 contes, un roman, 86 poèmes, les mémoires de Marie-Ange Jean, 73 articles sur la généalogie, 109 de souvenirs, 98 sur Saint-Mathieu-de-Rioux et 80 sur le Séminaire de Rimouski.

 

Récréations

On y trouve  1761 récréations : 212 défis logiques, 280 énigmes, 201 problèmes anciens, 221 quiz mathématiques comportant chacun cinq questions, 298 divertissements mathématiques, 273 trucs mathématiques, 240 distractions de mots et 36 mots siamois.

 

Ajoutons à cela 79 articles de propos mathématiques, 33 de réflexions, 25 sur Rimouski et 43 sur le Québec en général.

 

Le nombre de visiteurs varie de 2000 à 3000 par mois : ce qui donne une moyenne d’un peu plus de 80 visites par jour. Le point culminant s’est étendu sur deux jours consécutifs : 158 visites le 18 juillet 2015 et 177 le 19 juillet suivant.

 

Pendant la dernière période de 30 jours, les visiteurs sont répartis dans 40 pays. Les pays qui fréquentent le plus le blogue sont dans l’ordre : France, Québec-Canada, Suisse, Belgique, États-Unis et l’Île Maurice.

 

Les visiteurs sont répartis dans 188 villes. Les villes les plus présentes sont dans l’ordre : Montréal, Paris, Zurich, Boulogne, Bruxelles et Rimouski.

 

Sous l’aspect personnel, les cinq pages les plus consultées sont dans l’ordre : généalogie, Saint-Mathieu, contes, Rimouski et Séminaire. Sous l’aspect récréatif, ce sont : défis logiques, trucs mathématiques, divertissements mathématiques, quiz et énigmes.

 

Les blogues ont une vie relativement courte pour diverses raisons : manque d’inspiration de la part de l’auteur, bris de motivation, manque de disponibilité, etc. Espérons que Les Charleries pourront encore se faire entendre le plus longtemps possible.

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# 2440             3 septembre 2015

Le chapelet à la radio

Le chapelet à la radio a marqué la plupart des jeunes du diocèse de Rimouski, y inclus ceux de Saint-Mathieu dont les parents ont rapidement mis en pratique les exhortations de leur curé.

 

Dans les années 1950, chaque jour à 19 heures, l’Archevêque de Rimouski, Mgr Charles-Eugène Parent, récitait le chapelet à la radio. Cette émission provenait de la station CJBR de Rimouski, affiliée à Radio-Canada.

 

Dans ma famille, comme dans beaucoup d’autres, toutes les activités cessaient pour dire le chapelet en famille. Agenouillés devant la croix noire, signe de tempérance, nous répondions aux prières de Mgr Parent.  Nous trouvions le temps long car le chapelet durait 15 minutes. Quand nous manquions l’émission, surtout l’été à cause des travaux de la ferme, la récitation du chapelet par ma mère ne dépassait pas 10 minutes.

 

C’est que Mgr Parent passait des messages en commentant les mystères reliés au chapelet. En effet, chacune des cinq dizaines était précédée de l’énoncé commenté d’un mystère parmi 15. Ceux-ci étaient partagés en trois classes : mystères joyeux (lundi et samedi), mystères douloureux (mardi et vendredi) et mystères glorieux (mercredi, samedi et dimanche).

 

Pour ceux qui ne connaissent pas le chapelet, le tout commençait par un signe de croix, suivi d’une intention de prières, du Je crois en Dieu, d’un Notre Père, de trois Je vous salue Marie et du Gloire soit au Père. Suivaient cinq dizaines. Chacune comprenait un Notre Père, 10 Je vous salue Marie et un Gloire soit au Père.

 

À la suite du chapelet, ma mère en profitait pour nous guider dans la récitation des prières comme le Je confesse en Dieu, les neuf actes, les 10 commandements de Dieu, les sept de l’Église, etc. C’était en même temps une façon d’apprendre ces textes par cœur.

 

Au Québec, le Chapelet en famille est mis en ondes le 1er octobre 1950. L'initiative de ce projet revient à l'évêque de Rimouski, Mgr Courchesne. Il suggère à Mgr Paul-Émile Léger, du diocèse de Montréal, de se faire connaître des fidèles de son diocèse en obtenant 15 minutes par semaine de temps d'antenne à la radio. Celui-ci fait le projet de réciter le chapelet à la radio tous les jours. Le directeur des programmes à CKAC, Ferdinand Biondi, accorde un essai d'un mois. La grande aventure du Chapelet en famille commence et dure plusieurs années.

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# 2395              3 août 2015

Les oreillons

C’était le 23 décembre 1947, le dernier jour de l’école avant les vacances de Noël. J’avais six ans. La journée scolaire se déroula comme d’habitude.

 

Quand j’arrivai à la maison, ma mère me regarda et vit que le bas de mes joues commençait à enfler. Elle me dit : « Tu as les oreillons. »

 

Deux de mes sœurs plus âgées que moi étaient déjà alitées. Mère avait fait déménager un demi-lit dans une petite pièce attenante à la salle à manger. Dans ce temps-là, nous couchions dans le grenier, une pièce située au-dessus de la cuisine et qui était peu chauffé, si ce n’est que par une bouche percée dans le plafond vis-à-vis du poêle à bois.

 

Ma mère, qui était une femme débrouillarde, me dit : « Tu vas coucher dans le même lit que tes deux sœurs malades. » Je me retrouvai alors au pied du lit, mais de travers.

 

Quand la soirée du 24 décembre arriva, j’entendis des voix dans la cuisine. J’écoutai attentivement ce qu’on disait : des bonbons, une orange, etc. C’était mon père et ma mère qui préparaient des bas de Noël.

 

Grâce aux oreillons. j’appris qu’on ne me disait pas la vérité quand on me faisait croire que le contenu des bas provenait directement du Père Noël.

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# 2350              25 juillet 2015

Pluies acides

Quand j’étais jeune, mon père avait deux terres : une au rang 5 et l’autre au rang 6 de Saint-Mathieu. Pour se rendre au rang 6, on empruntait la même route que les touristes prenaient pour atteindre le Lac-Boisbouscache, un territoire non organisé. Près de la barrière installée à l’année pour empêcher les curieux d’aller plus loin, un chemin en forêt avait été tracé vers l’est.

 

On franchissait environ un kilomètre en passant sur la partie concédée à la Brown Corporation, puis on atteignait la terre du rang 6.

 

Il y avait là un lopin de terre qui avait déjà été habité par Ferdinand Rousseau au début du 20e siècle. Plus au sud, un autre lopin avait été défriché par François Ouellet. Sur ce dernier lopin, j’ai vu les souches qui prenaient de l’âge. Mon père les a arrachées. Il est arrivé que les moutons passent leur été un peu au sud de ce dernier lopin.

 

En continuant vers le sud dans la forêt et après avoir franchi un pont de construction artisanale, on atteignait un immense terrain plat. Nous appelions ce terrain Les prairies. La raison est que, vers l’ouest, il y avait un lac, soit le lac des Prairies. Le terrain était entouré de forêts et était borné au sud par le Lac-Boisbouscache.

 

Au nord de ce terrain, il y avait un très petit camp composé de deux bancs, face à face. On y allait pour prendre le lunch du midi. Tout à côté, il y avait une vieille grange, d’ailleurs très petite, où mon père pouvait décharger ses voyages de foin, car on était à au moins trois kilomètres de la maison. Faire l’aller-retour avec un voyage de foin tiré par un cheval prenait un temps considérable. Pendant la saison morte, mon père allait chercher le foin qui y avait été remisé.

 

Devant le petit camp, il y avait une source d’eau qui nous permettait de nous désaltérer. Toutefois, quand j’ai eu 10 ans, soit en 1951, mon père nous défendit de boire cette eau. La raison était que la pollution engendrée par les usines des États-Unis pouvait avoir contaminé l’eau. Étant donné que l’eau provenait d’une source souterraine, il est peu probable que cela était le cas, mais il fallait agir par précaution.

 

Cette expérience avec la pollution qui provoquait des pluies acides jusque sur nos terres québécoises a été un choc pour moi. Je me disais qu’il y avait des « méchants » qui ne se souciaient pas de notre santé en déversant des résidus toxiques sur des terres jadis pures. Une seule raison semblait exister. « Il est important de faire de l’argent sans se préoccuper de la nature. »

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# 2295              30 juin 2015

La fenaison à l’ancienne

Dans les années 1940, la récolte de foin commençait vers le 15 juillet dans la région du Bas-Saint-Laurent. Alors que les cultivateurs voisins avaient commencé à faucher, mon père préparait sa faucheuse. Il démontait les pièces de l’instrument, les huilait abondamment et les replaçait en les vissant solidement. Ma mère n’était pas contente de son retard et le lui reprochait.

 

Pendant cette journée où mon père bossait sur la faucheuse, il était heureux. Il appréhendait le début des récoltes, car il n’aimait pas travailler sur la terre.

 

Voici comment se faisait la fenaison sur la ferme familiale :

1. Le fauchage

La première opération consistait à faire le tour du champ pour faucher une lisière avec la petite faux, afin de ne pas écraser indûment le foin. Par la suite, mon père attelait ses deux chevaux à la faucheuse. Cet instrument avait un long manche composé de lames coupantes qui avaient été soigneusement aiguisées. En faisant le va-et-vient, les lames coupaient le foin. Il fallait surveiller les roches, car dans ce temps-là, on disait, à la blague, que les roches poussaient comme l’herbe.

 

2. Le fanage

Le foin coupé était laissé sur le sol un ou deux jours. À mesure que la saison avançait, le foin était plus sec. La période de fanage était plus courte. Quand la pluie s’invitait, le foin restait plus longtemps. Si la pluie persistait, il fallait au moyen d’une fourche faire des tas. Cela protégeait une grande partie du foin. Parfois, il fallait le retourner pour éviter les moisissures.

 

3. L’andainage

Sauf dans les terrains marécageux, l’andainage se faisait avec un grand râteau tiré par un cheval. Les dents recourbées du râteau emmagasinaient le foin. À un moment donné, il s’agissait de faire basculer le râteau et de produire ainsi un alignement de foin qu’on appelle andain. Cette tâche revenait généralement au plus vieux de la famille.

 

4. Le ramassage

Après le passage du grand râteau, le foin était prêt à être ramassé. Mon père ou les garçons à partir de 14 ans utilisaient une fourche pour remplir la charrette tirée par un cheval. Il fallait un jeune à partir de 8 ou 9 ans pour fouler le foin afin d’en mettre le plus possible dans le « rack ». Derrière celui qui ramassait le foin, ordinairement les filles, munies d’un petit râteau, ratissaient les brindilles qui restaient sur le sol. Mon père était très exigeant pour cette dernière opération.

 

5. L’entreposage

La charrette se dirigeait vers le fenil de la grange où, au moyen d’une fourche, le foin était déchargé dans des tasseries qui partaient du sol. Quand le foin débordait sur le fenil, il fallait qu’un jeune soit sur la tasserie pour pousser le foin dans les extrémités et le fouler au besoin. Cette opération était difficile pour les poumons car la grange devenait vite remplie de poussières de foin.

 

On aura remarqué que tout se fait à la force des bras, aidé de fourches et de râteaux. Avant la venue de la faucheuse et du grand râteau, le travail se faisait avec une serpe ou un petite faux pour le fauchage et avec une fourche et un petit râteau pour l’andainage et le ramassage. Le cheval servait uniquement pour les transport du foin.

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# 2250              21 juin 2015

Mes deuils patrimoniaux

On dit parfois qu’il ne faut pas être nostalgique, mais cela fait du bien à l’occasion de revoir les endroits où l’on a vécu. Voici ce qui s’est passé dans mon cas :

 

• La maison où je suis né, au rang 5, a été démolie en 1970, de même que toutes les dépendances.

 

• Les arbres fruitiers qui s’y trouvaient ont disparu un à un en raison de l’élargissement de la route ou de leur âge.

 

• La maison où mes parents ont habité à leur retraite a brûlé après qu’elle ait été vendue.

 

• L’école du rang où j’ai fait mes études primaires a été remplacée par une autre en 1954, qui à son tour a été démolie.

 

• Le rang où je suis né était habité par des cultivateurs. Aujourd’hui, il n’est plus cultivé. La forêt y reprend tranquillement les droits qu’on lui avait aliénés.

 

• La terre du rang 6 de mon père n’est plus qu’une immense forêt. Impossible d’avoir des points de repère pour s’y reconnaître.

 

• Le Séminaire où j’ai fait mes études secondaires et collégiales a été transformé en cégep. La bâtisse est encore là, mais elle a subi de nombreuses transformations.

 

Je suis conscient de ne pas être le seul dans ce cas, loin de là. Une paroisse comme Saint-Mathieu-de-Rioux a subi de nombreux changements au cours du 20e siècle.

 

Si j’ai recensé mes « deuils », ce n’est pas pour me plaindre, c’est pour mieux comprendre le passé. Perdre ses souvenirs est toujours navrant, mais cela ne nous empêche pas de vivre.

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# 2205              12 juin 2015

Les sous noirs

Il y a 100 ans et plus, le sou noir avait une valeur marchande relativement importante. Il y eut le sou de la Propagation de la foi et le sou de la Sainte-Enfance. Dans son Catéchisme des Caisses populaires, Alphonse Desjardins insiste sur le sou et organise de petites caisses dans les écoles où les jeunes pourront déposer leur sou noir.

 

Depuis une cinquantaine d’années, l’argent circule plus au Québec. Aussi, il y a quelques années, le Gouvernement fédéral a aboli le sou noir parce qu’il était devenu encombrant.

 

Voici le coût de certains produits en 1887, puisés dans le site Ligne du temps :

1 livre de pain : 4 sous

1 livre d’orge : 4 sous

1 livre de farine : 4 sous

1 livre de sucre : 6 sous

1 livre de lard : 10 sous

1 livre de graisse : 12 sous

1 livre de jambon : 14 sous

1 douzaine d'œufs : 15 sous (En 2015, 1 douzaine d’œufs coûte autour de 5 $)

1 boîte de saumons : 16 sous

1 pinte de mélasse : 19 sous

1 livre de beurre : 22 sous

1 poche de 60 livres de pommes de terre : 70 sous

 

Le menu du jour dans un restaurant coûtait alors 25 sous. On imagine que les moins bien nantis donnaient 1 ou 2 sous noirs de pourboire et que les riches étalaient un gros cinq cents blanc sur la table.

 

Notez qu’une livre équivaut à 453 grammes ou à près d’un demi-kilogramme.

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# 2155             2 juin 2015

Mathieu Ouellet (1921-2000)

Mathieu Ouellet est le fils de J.-Émile Ouellet et de Célina Bérubé. Il est le cousin germain de ma mère. Il est né le 12 octobre 1921. Il fait son cours classique au Séminaire de Rimouski en même temps que son frère aîné Ulric. Les deux frères sont ordonnés prêtres le 6 février 1949 à Rimouski par Mgr Georges Courchesne.

 

En août 1953, alors qu’il assiste à la soirée de noces d’une de mes sœurs mariée avec son frère, Mathieu Ouellet m’a invité à l’écart. Je venais de m’inscrire au Séminaire. Il m’a demandé si je voulais devenir prêtre. J’ai répondu dans l’affirmative. Il a conclu en disant : « De toute façon, il te reste huit ans pour y penser. » J’ai senti dans son regard qu’il n’était pas certain d’approuver mon choix.

 

Au milieu des années 1950, les Mathéens apprennent qu’il a quitté la prêtrise, qu’il est parti avec une femme à Montréal et, comble de tout, il est devenu pasteur protestant. Ce fut un choc épouvantable dans la paroisse. Certains disaient que c’était à cause de cette femme. On le sait, à l’époque, la femme était considérée comme un « objet » de péché. D’autres étaient scandalisés du fait qu’il avait quitté l’Église catholique. Un citoyen très respectable de Saint-Mathieu m’avait dit : « Mathieu Ouellet, il va brûler en enfer et pour longtemps. » Ces propos étaient énoncés avec une telle vigueur et une telle rage qu’ils n’admettaient aucune réplique. » Dans tout ça, ma mère était très éprouvée, mais elle a toujours dit qu’il ne fallait pas le juger.

 

Pour ajouter au rejet, Mgr Charles-Eugène Parent est venu voir ses parents à Saint-Mathieu et leur a défendu de laisser entrer leur fils dans la maison paternelle, à moins que ce soit pendant la nuit. Pourtant ces parents avaient donné, à part lui, deux fils et une religieuse à l’Église.

 

À l’entrée principale du couvent, il y avait un cadre qui montrait individuellement les fils prêtres de la paroisse depuis ses débuts. Un jour, je suis allé au couvent. J’ai été surpris et fâché qu’on ait découpé maladroitement et enlevé la photo de Mathieu, laissant là un trou.

 

En 1966, quand Mgr Parent a su que j’écrivais l’album-souvenir, il m’a fait venir à l’archevêché. Après les politesses d’usage, il m’a dit : « Mathieu Ouellet, tu n’en parles pas dans l’album. Pour nous, il est mort. » J’ai obéi de reculons, parce que je faisais ainsi un accroc à l’histoire. » Quand j’y pense aujourd’hui, connaissant la mentalité de l’époque, je me pardonne.

 

En 1987, Mathieu Ouellet prend sa retraite et s’installe à Saint-Mathieu. En 1991, alors que Saint-Mathieu fête son 125e anniversaire, Claire Pelletier, son épouse, m’avait demandé d’écrire le texte de la soirée historique. Le couple avait acheté une maison au village lorsque Mathieu avait pris sa retraite.

 

Un après-midi, je me suis rendu chez le couple. À brûle-pourpoint, Mathieu m’a demandé pourquoi je n’avais pas cité son nom dans l’album-souvenir du centenaire. J’étais mal à l’aise. J’ai réfléchi deux secondes et j’ai enchaîné : « Mgr Parent est maintenant décédé. Je peux vous raconter ce qui s’est passé même si c’était une conversation privée. » Je lui ai dit textuellement ce que l’archevêque m’avait dit. Il a baissé la tête, sans dire un mot. J’ai ajouté : « Pour le 125e, je vais me racheter et j’ai déjà décidé de vous nommer comme prêtre. »

 

Mgr Parent a été très sévère dans ce dossier, mais cela ne lui enlève par ses qualités humaines et spirituelles.

 

Mathieu est décédé le 28 avril 2000. Il repose dans le cimetière catholique de Saint-Mathieu. Signe que les temps ont changé. En 2004, un livre a été publié sur les prêtres du diocèse. Le nom de Mathieu Ouellet y apparaît.

 

Mathieu Ouellet a subi les pires humiliations. Il a été rejeté, mais il a vécu contre vents et marées toutes ces épreuves s’appliquant à vivre la vie qu’il désirait. Pour moi, c’est un héros.

 

Les jeunes qui liront cette histoire vraie auront sûrement de la difficulté à comprendre comment des personnes pourtant honnêtes et vertueuses ont pu le lapider sur la place publique et manifester une telle hargne à son égard. Ils diront : « Qu’avait-il donc fait de si grave ? ».  

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# 2115             25 mai 2015

Jean-Baptiste Paradis (1863-1956)

Jean-Baptiste Paradis est le fils de Joseph Paradis et de Lucrèce Michaud. Il épouse Géraldine Ouellet, fille d’Étienne Ouellet et de Rachel Lévesque, le 21 octobre 1884 à Saint-Mathieu.

 

Le 1er janvier 1953, je m’en allais à la messe avec ma mère. Je chantonne : « C’est dans le temps du Jour de l’An. » Le trottoir n’est pas déblayé. Quand une voiture à cheval passe, il faut grimper sur le banc de neige. Tout à coup, je vois un vieillard se diriger vers nous. Ma mère se tourne vers moi et dit : « C’est mon grand oncle Jean-Baptiste Paradis. » J’étais fort surpris. Je n’avais jamais entendu parler de lui. Je connaissais les oncles et les tantes de ma mère, mais un grand oncle, pas.

 

J’avais 11 ans et cet homme me paraissait un vieillard. Ma mère, toujours aussi charmante, l’interpelle :

– Bonjour, mon oncle Jean Baptiste.

– Je pense que tu es la fille à Marie-Luce, ma nièce, de reprendre Jean-Baptiste.

– Oui et comment va votre santé, de répondre ma mère ?

– Tu sais, Marie-Laure, j’ai 90 ans. À part quelques troubles d’estomac, ma santé est bonne. Je pense que le bon Dieu ne veut pas de moi au paradis (ricanement).

 

En se tournant vers moi, il poursuit :

– C’est ton gars ?

– Oui, il veut aller au Séminaire en septembre et faire un prêtre.

– C’est bien. Le clergé a besoin de relève. Mais comment va ton père, Émile Théberge ?

– Il commence à être en enfance. Certains jours, il fait des fugues. Il veut aller trouver son père pour faire du sucre. Vous savez que son père est mort depuis une trentaine d’années.

– Pourtant, il n’est pas vieux.

– C’est vrai, il n’a que 71 ans.

 

Pendant la messe, j’ai eu la réflexion suivante : « Si mon arrière grand-oncle a 90 ans, il est né en 1863. Il avait quatre ans quand la Confédération a vu le jour. Il avait 55 ans quand la première guerre mondiale a éclaté. » J’étais de plus en plus étonné. C’est probablement le plus vieil homme que j’avais déjà rencontré. Toutefois, j’avais de la difficulté à comprendre que lui, mon arrière grand-oncle, qui était né en 1863, vivait encore alors que mon grand-père Jean était décédé depuis 31 ans.

 

Au retour de la messe, ma mère m’a expliqué que son grand-oncle avait épousé une fille d’Étienne Ouellet qui était le grand-père de sa mère. Il n’en fallait pas davantage pour que je le trouve encore plus vieux.

 

Jean-Baptiste Paradis est décédé le 19 janvier 1956 à 93 ans, trois ans après cette rencontre. Je n’ai pas connu son épouse, car elle est décédée en 1944.

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# 2080             18 mai 2015

La pulpe

Produire de la pulpe était une opération différente de celle de faire des billots. Mon père choisissait les sapins ou les épinettes de taille plus petite ou encore dont la croissance se faisait plutôt vers le bas. Une fois abattu au moyen d’un godin (scie à archet), l’arbre était taillé en billes de quatre pieds, que nous appelions pitounes. Il fallait enlever l’écorce. Cette tâche nous revenait à partir de 9 ou de 10 ans. Nous commencions par faire une saignée dans l’écorce avec une palette de fer recourbée en une extrémité légèrement coupante. Cet outil avait probablement était fabriqué par le forgeron du village.

 

Par la suite, nous tirions sur l’écorce pour que des lanières se forment. La première lanière était la plus difficile à extirper. Les autres suivaient en soulevant l’écorce toujours avec la palette. Cette opération d’épluchage était appelée pleumer de la pitoune.

 

J’aimais beaucoup accomplir cette tâche. Nous étions en pleine forêt dont la senteur est idyllique. Il y avait toutefois deux inconvénients : la gomme de sapin ou d’épinette et les mouches noires ou les maringouins. Les mains brunissaient rapidement au contact de cette gomme sur laquelle s’agglutinaient les poussières d’écorces. Il était alors plus difficile de chasser les insectes ravageurs.

 

Un été, l’oncle Léo Jean qui vivait à Montréal est venu passer une semaine chez mes parents. Il en a profité pour venir scier quelques pitounes et en faire le pleumage avec nous. C’était, pour lui, pas mal différent que la vie en ville.

 

Le 27 juillet 1951, mon père a vendu du bois de pulpe pour 350 $. C’est donc dire qu’on en a pleumé des pitounes cet été là, qu’on s’est fait piquer par les mouches à profusion et que nos mains se sont transformées plusieurs fois en un résidu brunâtre mêlé de gommes et de poussières d’écorce.

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# 2010             26 avril 2015

Un enfant perdu

Nous sommes en 1946. J’ai 5 ans. Mes deux sœurs ainées décident d’aller cueillir des framboises sur la terre de Cyprien Plourde, aujourd’hui Bernard Vachon. Je veux aller avec elles, mais celles-ci ne veulent pas m’emmener prétextant que je serais un embarras.

 

Je sors de la maison en même temps qu’elles. Elles font le tour de la maison et font semblant d’emprunter la route du rang 6. Je m’engage dans cette route. Quand je m’aperçois que je ne les vois pas, je reviens sur mes pas. Parvenu au coin de la maison, une surprise m’attend. Elles ne sont pas sur la route du rang 5. Je me rappelle très bien de ma mine déconfite quand je réalisai qu’elle s’était volatilisée.

 

J’emprunte alors la route du rang 6. Pour le reste, je n’ai aucun souvenir, mais on me l’a raconté si souvent que j’en connais les détails.

 

Je me sens probablement perdu. À 100 mètres de la maison, je me couche le long du chemin et je me mets à pleurer. Combien de temps ai-je été dans cette position ? Je n’en ai aucune idée.

 

À un moment donné, la voisine Hélène Jean, l’épouse d’Hormidas Gaudreau, dont la maison était à un arpent de celle de mes parents, entend des pleurs. Elle vient voir ce qui se passe et, toute heureuse, me ramène à la maison.

 

Les parents de ce temps-là ne s’inquiétaient pas outre mesure pour leurs enfants. Cette route du rang 6 voyait passer souvent des camionneurs qui transportaient des billots du Lac-Boisbouscache à la scierie Dionne située sur la rive nord du Petit lac Saint-Mathieu. Il est certain que si un camionneur m’avait vu à cet endroit, il aurait arrêté son véhicule et m’aurait conduit chez mes parents.

 

Les enlèvements d’enfants étaient, à l’époque, un phénomène rare. Les gens qui circulaient dans les chemins du rang 6, comme les touristes par exemple, étaient des gens honnêtes qui n’auraient jamais pensé profiter de la situation. Du moins, tout le monde le pensait alors.

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# 1975             19 avril 2015

Les petits Chinois

Quand j’étais au primaire, il y avait annuellement un événement qui frappait notre imagination et qui nous séduisait : c’était l’achat de petits Chinois.

 

Un petit Chinois coûtait généralement 25 sous. À mon école de rang, nous pouvions en avoir deux pour 25 sous. Quand nous avions accumulé les 13 sous pour un enfant, c’était un exploit. Alors, il ne m’est jamais venu à l’idée d’acheter deux petits Chinois.

 

On nous remettait alors une image sur laquelle on pouvait inscrire le prénom de baptême de l’enfant qu’on voulait faire entrer dans l’Église. Évidemment, on lui donnait un prénom français. C’était une expérience unique. À 8 ou 9 ans, avoir réussi à acheter un enfant et lui assurer le salut éternel nous donnaient des frissons. Par le fait, nous devenions parrain ou marraine de cet enfant. Quelle responsabilité !

 

L’institutrice nous disait alors que la Chine était située vis-à-vis de nous et que si, on creusait un immense trou dans la terre, on aboutirait dans ce pays. On faisait des gorges chaudes : « Pourquoi ne pas leur faire passer les sous par ce trou ? »

 

D’où nous venaient les sous ? Je ne me souviens pas que, dans mon enfance, j’aie acheté des friandises. Nous avions chacun une tirelire et chaque sou gagné à gauche ou à droite y était entreposé. Si le montant requis n’était pas atteint pour acheter un petit Chinois, on demandait à nos parents de combler le tout. Si nous n’avions pas les 13 sous, nous pouvions placer quelques sous dans une petite boîte en carton sur le bureau de l’institutrice.

 

Ma mère nous expliquait que l’achat de petits Chinois était une activité de l’œuvre de la Sainte-Enfance. Les montants reçus servaient non seulement à sauver les âmes des petits Chinois par le baptême, mais aussi à les éduquer de façon chrétienne de façon à éviter qu’ils brûlent éternellement en enfer.

 

Quand on demandait à l’institutrice ce qu’on faisait de nos dons, elle se contentait de dire que l’argent était versé à des missionnaires québécois en Chine. Cette réponse nous décevait parce que, dans notre tête d’enfant, le petit Chinois acheté nous appartenait et c’est pour lui seul qu’on acceptait de donner. On avait l’impression de faire vivre un petit Chinois pour 13 sous, alors que, dans la pratique, il en fallait plus pour leur venir véritablement en aide.

 

J’imagine (!) que les petits Chinois que nous avons achetés et rachetés et qui, aujourd’hui, sont septuagénaires sont en train de mettre en branle une activité qui consiste à acheter et racheter des petits Québécois dont les parents ou les grands-parents, pour la plupart, ne s’intéressent pas à l’Église.

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# 1935             11 avril 2015

Une rencontre inoubliable

Nous sommes au début de juillet 1948. J’avais 7 ans. Le soleil plombe ses chauds rayons sur la campagne. Les oiseaux piaillent tout autour de la maison. Après le train et la prière du matin en famille, ma mère décide que nous irions aux petites fraises au rang 6 sur la terre d’Hormidas Gaudreau. Elle prépare notre dîner.

 

Ma mère sait que Philéas Gaudreau, alors âgé de 72 ans, et Delphine Dionne, 74 ans, séjournent dans un petit camp pour une partie de l’été sur la terre de leur fils, Hormidas. Alors, elle nous recommande de leur demander la permission d’y cueillir des fraises.

 

Je pars avec mes trois sœurs plus âgées. Après une bonne vingtaine de minutes de marche, nous passons à travers bois et nous atteignons le petit camp situé à l’orée de la forêt. Nous cognons à la porte. Ils nous reçoivent aimablement comme les paysans de l’époque savaient le faire. Nous nous présentons. L’un d’eux a dit : « Ah ! les enfants d’Edmond Jean ». Ils connaissaient très bien mon père car Philéas était le cousin germain de mon père et c’est à lui qu’ils avaient vendu leur terre du rang 5 et une partie de leur terre du rang 6 en 1932, soit 16 ans plus tôt.

 

C’était impressionnant de voir ces deux vieillards – c’est ainsi qu’on appelait les gens de 70 ans et plus à l’époque – qui semblaient très heureux de vivre dans la nature, loin du village où ils résidaient. Le camp était très petit, probablement deux mètres sur trois mètres. Au centre, il y avait un petit poêle. Autour du poêle, deux chaises berçantes ; au mur, deux ou trois tablettes pour déposer la vaisselle et des chaudrons vieillots accrochés sur des clous ; derrière le poêle, un lit.

 

Ils nous ont autorisés à cueillir des fraises à la condition qu’on leur laisse un certain périmètre autour de leur camp. Ils avaient l’habitude d’en cueillir pour leurs repas. Nous avons respecté leur exigence même si on devait laisser de côté de beaux ronds.

 

C’était la première fois que je voyais le couple et ce fut la dernière. Delphine est décédée en septembre 1949, un an plus tard, et Philéas, en avril 1952.

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# 1895             3 avril 2015

Les anges gardiens

Quand j’étais dans la petite enfance, ma mère me racontait que chaque personne avait un ange qui le surveillait et le protégeait. Quand j’entendais le chant de Noël Les anges dans nos campagnes dont la première strophe était : « Les anges dans nos campagnes ont entonné l'hymne des cieux et l'écho de nos montagnes redit ce chant mélodieux. », je me disais avec satisfaction que les anges savaient aussi chanter.

 

Personnellement, je n’ai jamais senti un ange sur mon épaule et je ne pouvais réussir à y croire. Toutefois, à l’école, l’institutrice tenait les mêmes propos que ma mère. Elle nous enseignait que « les anges étaient de purs esprits créés à l’image et à la ressemblance de Dieu pour l’adorer et le servir ». Elle ajoutait : « Les anges s’occupent de nous ; ils ont souvent été envoyés par Dieu à l’homme comme messagers, et ils nous sont aussi donnés comme gardiens et protecteurs. »

 

Je pensais en moi-même : « C’est bien ce que ma mère disait ». Pour préciser sa pensée (ou la pensée du petit catéchisme), l’institutrice confirmait que chacun avait son propre ange gardien. « Dieu, disait-elle, a donné à chacun de nous un ange gardien pour nous préserver du mal et nous aider à être de bons chrétiens. Nous devons respecter sa présence, lui témoigner notre reconnaissance pour les soins charitables qu’il prend de nous, l’invoquer avec confiance dans les tentations, et éviter tout ce qui peut déplaire à Dieu et l’éloigner de nous ».

 

Cette suite de mots n’avait aucun sens pour moi. Comment pouvais-je croire en une entité dont la présence réelle n’existait pas ? Comment se faisait-il qu’à l’école les plus grands faisaient des mauvais coups et désobéissaient à l’institutrice ? N’avaient-ils pas eux aussi un ange gardien et pourquoi cet ange n’intervenait-il pas ?

 

Par la suite, l’histoire devenait à la fois plus intéressante, mais plus troublante. En effet, l’institutrice ajoutait que, lorsque les anges ont été créés, ils étaient bons et heureux, mais que certains, par orgueil, avaient désobéi à Dieu et avaient été précipités en enfer. Ils étaient devenus des mauvais anges ou des démons.

 

La question que je me posais alors : « Mon ange gardien, s’il existe, fait-il partie du groupe des bons ou des mauvais anges ou peut-il en même temps être bon ou mauvais ? » Je n’ai jamais eu de réponse à cette interrogation.

 

En fait, cet enseignement servait beaucoup plus à troubler nos jeunes cerveaux qu’à nous amener à une bonne conduite.

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# 1810             17 mars 2015

Tante Candide Théberge

Tante Candide Théberge est née le 23 mai 1912, soit cinq ans après ma mère qui était sa sœur. Elle est demeurée catherinette toute sa vie ; elle n’a jamais voulu se marier. On a souvent demandé à ma mère la raison de ce choix. La réponse fut toujours évasive. Elle disait qu’il en fallait une dans une famille pour prendre soin de ses vieux parents. L’oncle Paul-Émile Bérubé, qui était marié avec sa sœur plus jeune qu’elle, la taquinait souvent sur son statut, mais, peine perdue, elle le repoussait.

 

Quand j’avais 5 ou 6 ans, tante Candide est venue relever ma mère. Relever était une expression qui signifiait qu’une personne remplaçait la mère pour une période déterminée après l’accouchement. Moi et mon frère plus jeune, nous la suivions dans la maison pour la faire choquer, parce qu’on sentait qu’elle n’avait pas d’autorité sur nous.

 

Quand j’avais 8 ou 9 ans, un 1er novembre, j’étais au village avec ma mère en après-midi et je vis tante Candide sortir de l’église et entrer aussitôt. Je demandai à ma mère pourquoi elle faisait cela. Ma mère me répondit qu’en ce jour de la Toussaint si une personne visitait trois fois l’église, elle gagnait une indulgence plénière. Comme je ne savais pas ce que cela voulait dire, ma mère m’expliqua que même si le péché est effacé par la confession, cela n’enlève pas la peine temporelle due à la faute, qui se traduit par un séjour au purgatoire. En gagnant, une indulgence plénière, tante Candide pouvait penser qu’elle éviterait le purgatoire après sa mort.

 

Plus tard, quand j’ai marché au catéchisme, je suis demeuré chez elle pendant un mois. Elle était très attentive et me traitait avec beaucoup de soin. Un jour qu’elle m’avait demandé de faire une commission au magasin coopératif, elle me donna un sou comme récompense. J’étais content. Une trentaine d’années plus tard, je lui rappelai ce fait et elle me dit : « Aujourd’hui, je t’en donnerais beaucoup plus. » J’avais regretté de lui avoir raconté ce souvenir.

 

Après la mort de sa mère en 1945, elle emménagea avec son père dans le haut-côté de la maison paternelle. Elle n’avait aucune ressource financière si ce n’est les redevances de l’oncle Georges qui avait hérité de la terre de grand-père et la pension de vieillesse de son père. Chaque dimanche, elle recevait aimablement notre famille avant et après la messe.

 

Elle s’occupa de son vieux père jusqu’à sa mort en 1960. Quand celui-ci mourut, il légua à tante Candide, outre ses biens, 1500 $. Les autres enfants ont reçu 170,94 $. Un de mes cousins me racontait que son père, Léo Théberge, lui avait remis son chèque pour la remercier des bons soins qu’elle avait apportés à leur père. Je ne sais pas si ma mère ou d’autres ont fait de même.

 

Dans les années 1990, tante Candide s’est fracturé une hanche en tombant de sa chaise. Elle a alors décidé de ne plus jamais remarcher. Elle a fini ses jours au Centre hospitalier de Trois-Pistoles. J’ai conservé un excellent souvenir d’elle. Je suis certain que les indulgences plénières qu’elle a gagnées lui procurent une belle place dans l’au-delà.  

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# 1770             9 mars 2015

Le bûchage du bois

Quand j’étais jeune, mon père avait deux terres : l’une au cinquième rang de Saint-Mathieu et l’autre au sixième rang. Peu à peu, mon père défrichait des lots en vue de la culture ou du pâturage. À un moment donné, il décida de conserver le peu de forêt qui lui restait en abattant seulement les plus gros arbres ou encore ceux qui en empêchaient d’autres de progresser en taille. Sans connaître le concept, il rationalisait sa production.

 

Mon père n’avait aucun instrument mécanique pour abattre les arbres et pour les découper en billots ou en billes. Avec une hache, il faisait une entaille du côté où l’arbre penchait, même légèrement, tout en tenant compte des arbres des alentours. Il visait à le faire tomber dans une clairière, si peu large soit-elle. Pour les petits troncs, un godin (scie à archet) était suffisant. Il était alors manié par une seule personne. Pour les plus gros troncs, il fallait utiliser un godendart qui est une scie à large lame avec une poignée à chaque extrémité. Deux personnes étaient alors nécessaires.

 

Il fallait être très prudent quand l’arbre tombait. On ne pouvait pas prévoir de façon certaine sa trajectoire car la trace de scie plus ou moins horizontale dans le tronc pouvait faire dévier le mastodonte. Il était de mise aussi de ne pas scier complètement le tronc. Autrement, le bas de l’arbre pouvait être projeté vers l’arrière où d’ordinaire nous nous étions réfugiés. Par contre, il fallait que la trace de scie soit suffisamment complète pour qu’une partie ne demeure pas sur la souche et fendille le tronc en l’éclissant : ce qui pouvait faire rater un beau billot.

 

Quand l’arbre était abattu, il était ébranché à la hache et était transformé en billots qui devaient mesurer chacun 12 pieds. Les billots étaient enchaînés et, à l’aide d’un ou de deux chevaux, étaient traînés dans un endroit où un gros camion pouvait les récupérer. Ils étaient vendus ou encore acheminés à un moulin à scie pour en faire des planches ou des madriers. C’est ainsi que pour la construction de sa grange en 1946, mon père a pu utiliser le bois de sa terre.

 

Les billots étaient vendus en lots. Le prix fluctuait selon l’offre et la demande. Le 12 mars 1951, mon père a vendu 500 billots à Désiré Dionne pour un montant de 425 $ : ce qui équivaut à 4063,65 $ en 2015. À cette époque, les ouvriers gagnaient un dollar l’heure. À titre d’exemple, le salaire de base des mineurs de Noranda, en 1953, était de 1,05 $ l'heure et leur semaine était de 48 heures. Ils ont fait la grève et demandaient une augmentation de 22 cents l'heure et la semaine de 44 heures.

 

Pour les cultivateurs, le bois constituait un revenu d’appoint très important, sans compter que ceux-ci produisaient plus de 90 % de la nourriture de la famille et pouvaient compter sur le bois de chauffage pour passer à travers les rigueurs de l’hiver.

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# 1730             1 mars 2015

Omer Ouellet

Omer Ouellet est le fils d’Adélard Ouellet et d’Emma Ouellet. Il est né le 19 mars 1914. Mon père avait alors 9 ans et il vivait dans la même maison que le couple parce qu’il avait été adopté par Ludger Ouellet et Philomène Lévesque, les parents d’Adélard.

 

Après la naissance d’Omer, mon père vécut dans cette maison jusqu’en 1932. Il a donc vu grandir Omer qui avait 18 ans quand mon père se maria. Ils demeurèrent toujours en contact. C’est d’ailleurs Omer qui fut le contremaître lorsque mon père fit construire une nouvelle grange en 1946. Vers 1950, Omer décida d’aller s’établir à Amos en Abitibi. Il partit avec sa famille, y compris ses parents, de même que son frère Réal et sa famille.

 

Plus tard, quand Omer pris sa retraite, il écrivit son autobiographie. À quelques occasions, il y parla de mon père. Voici ce qu’il dit :

 

« Mon grand-père m’a donné une bicyclette à pédales de seconde main. Elle appartenait à Edmond Jean et c’est moi qui en ai hérité. J’ignore la façon dont s’est faite la transaction. »

 

« Deux ans après ma naissance, soit le 29 mars 1916, est née une sœur Adrienne ... Comme l’accouchement se faisait à la maison, il fallait envoyer les enfants chez le voisin. J’étais seul avec Edmond à passer la nuit chez Majorique Lagacé, et le lendemain matin on est venu nous chercher. » (Mon père avait 11 ans)

 

« À la fin de juin 1924, je suis allé chez mes parents pour les vacances et ne suis plus jamais retourné à l’école du village. J’ai terminé mes études à l’école du rang. Comme l’école était située à un mille et demi de chez moi, l’hiver, je voyageais en voiture. C’est Edmond qui venait me conduire le matin, et le soir c’est le voisin qui venait me chercher ...» (Mon père avait 19 ans. Quand les grands-parents d’Omer ont déménagé au village, Omer les a suivis.)

 

« Je n’ai jamais dit à ma mère ... que j’avais allumé la pipe du père Ferdinand Dionne avec du gros tabac canadien très fort. J’ai fumé par la suite avec la pipe d’Edmond Jean. Il fumait du tabac Alouette beaucoup moins fort. »

 

« Un beau dimanche, Edmond est venu avec ma tante Alma. De temps en temps, il parlait de Marie-Anne à Quénouche, toujours avec humour. Il semblait ne pas la haïr ; mais, il trouvait qu’elle avait les yeux trop blancs. Ils ont passé une veillée agréable dans la balançoire. »

 

Le 20 avril 1926, Adélard va chercher Rosaire à Montréal qui sort de l’hôpital. La saison des sucres semble bien terminée. Le 22 avril, il tombe une neige mouillante et les érables se mettent à couler. Voici ce qu’Omer écrit :

 

« Ma mère prit panique (je n’avais que 12 ans) et demanda à Edmond Jean s’il voulait bien aller ramasser l’eau avec moi. Nous sommes montés à la cabane et dans peu de temps, nous avons ramassé 500 à 600 gallons d’eau. Nous sommes revenus à la maison après avoir rempli tous les vaisseaux que nous avions. Il aurait fallu coucher là pour consommer, mais moi j’étais trop jeune pour avoir conscience des conséquences et Edmond, étant certain que c’était du bénévolat, n’était pas trop intéressé, car à l’époque il était autonome. » (Mon père avait 21 ans. Il a nié ces derniers faits.)

 

En 1934, soit deux ans après le mariage de mes parents, Omer Ouellet a épousé Rose-Aimée Ouellet qui était la fille de Thomas Ouellet et de Rose Théberge. Cette dernière était la sœur de mon grand-père Émile Théberge. Rose-Aimée était donc la cousine germaine de ma mère.

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# 1695             22 février 2015

La modestie

Ma mère a souvent raconté avec quel zèle l’abbé Delphis-Salomon Giguère, curé de Saint-Mathieu de 1919 à 1931, exigeait la modestie chez les femmes à l’église, mais aussi hors de l’église. Il considérait qu’il y avait indécence lorsque la tête, les épaules, la gorge, les genoux et les bras étaient découverts ou couverts de voiles transparents.

 

Selon lui, la femme devait porter des robes très longues dépassant largement les genoux. Un dimanche, lors du sermon, il avait dit : « Dimanche prochain, avant la messe, je serai sur le parvis de l’église avec mon bréviaire (livre de prières pour le prêtre qui mesurait à peu près 12 centimètres de longueur). Si une femme se présente avec une robe pas suffisamment longue, je vais mesurer la distance au sol avec mon bréviaire, sinon elle ne pourra pas entrer dans l’église. »

 

Ce Monsieur Giguère, qui a été curé de Saint-Mathieu pendant 12 ans, était un homme très autoritaire. Il a marqué les paroissiennes de cette époque dont ma mère qui avait entre 12 et 24 ans pendant sa cure. Il n’hésitait pas à faire des remontrances aux femmes et aux jeunes filles sur leur habillement. Voici ce qu’écrit tante Marie-Ange Jean dans ses mémoires : « M. le curé Giguère venait souvent à la classe, s'il y avait un élève qui était en punition, il le ramassait, le mettait ventre en bas sur ses genoux et lui tapait les fesses. Nous autres, les filles, nous étions effrayées. Moi, pour ma part, j'avais peur de le rencontrer. Étant donné que nous étions orphelines, il avait toujours des reproches à nous faire.

 

Un bon après-midi, quand arriva à l'école M. le curé, il m'aperçut portant une robe dont les manches étaient aux coudes. Il m'apostropha disant: "Tu me fais penser à une laveuse. Je ne veux plus te voir avec cette robe-là". Ça m'a fait mal. » (Fin de la citation)

 

Ma mère est demeurée marquée par les exhortations du curé Giguère. Elle ne permettait pas aux plus vieilles de la famille de porter des pantalons soit pour travailler sur la ferme, pour faire la cueillette de petits fruits et encore moins pour aller à l’école. Imaginez en hiver, parcourir plus d’un kilomètre par temps froid et par vent mordant en robe.

 

Le curé Alfred Bérubé (1949-1959) était lui aussi obsédé par l’habillement des femmes et la promiscuité. Un été, dans un sermon, il a raconté qu’il avait été témoin d’une scène intolérable pendant les jours précédents. « Une femme, disait-il, a traversé le village en pantalons courts (bermudas). Quel scandale ! Elle est passée devant l’église, la maison du Seigneur, et même devant le presbytère qui est une maison sainte, soit celle du prêtre. » À l’occasion, il s’insurgeait du fait que des jeunes filles en costume de bain allaient se baigner dans le lac, accompagnées de jeunes garçons.

 

En 1979, j’ai commencé une chronique dans Le Lundi, une revue populaire. J’étais tout fier d’apporter le premier numéro à ma mère et de lui en donner un exemplaire. En voyant la page couverture, ma mère est allée rapidement déposer l’exemplaire dans une armoire sans le feuilleter. Sur le coup, je me demandais pourquoi elle réagissait ainsi. J’ai finalement compris. Sur la page-couverture, on pouvait voir la comédienne Dominique Michel en costume de bain. J’étais déçu. Il est probable que, par l’intervention de ma mère, la revue a brûlé dans les flammes … du poêle.

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# 1650             13 février 2015

La poste

Avant l’arrivée du téléphone, toute communication extérieure se faisait par la poste. Il y avait bien le télégraphe, mais c’était un moyen peu connu. La poste annonçait toutes les nouvelles d’une naissance à un décès. Aussi, son service était reconnu comme essentiel si bien que le camion postal avait priorité sur les routes, comme aujourd’hui une ambulance ou une voiture de police.

 

Quand j’étais au Séminaire, on nous recommandait d’écrire au moins une fois par mois à nos parents. J’en profitais pour décrire quelque peu ce que je vivais au collège et pour demander quelques sous. Au retour, ma mère plaçait dans sa lettre un billet ordinairement d’un dollar, me disant qu’elle aurait voulu m’en envoyer plus mais qu’elle n’en avait pas les moyens. Il en coûtait alors quatre sous pour un timbre.

 

À l’entrée de la salle d’études, il y avait une boîte où nous devions déposer nos lettres. Au moins à la Petite salle, l’enveloppe ne devait pas être cachetée. À ma première année au Séminaire en 1953, sur demande de ma mère, j’avais écrit une lettre à Mgr Charles-Eugène Parent en vue d’obtenir une bourse de 100 dollars. Quelle ne fut pas ma surprise de recevoir, quelques jours plus tard, ma lettre où le directeur des élèves avait corrigé les fautes et me demandant de la reprendre.

 

Dans mes huit années de Séminaire, soit de 1953 à 1961, je n’ai jamais reçu d’appel téléphonique de ma mère. On communiquait toujours selon la méthode éprouvée, soit par la poste. Quand on nous informait de la date de sortie pour un congé, j’écrivais d’avance à ma mère.

 

Il y avait des petits futés qui contournaient le règlement en confiant leurs lettres à des externes qui les déposaient au bureau de poste. On comprendra que ce n’était pas alors une lettre à leurs parents.

 

Autrefois, quand on écrivait une lettre à un fonctionnaire, par exemple, on avait soin d’écrire à la fin Merci d’avance. On ne pouvait se permettre de dépenser quatre sous et une enveloppe pour faire ses remerciements.

 

Aujourd’hui, la poste est en déclin. Les communications personnelles se font par internet. C’est un réel plaisir de pouvoir expédier un courriel qui est reçu instantanément.

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# 1605             4 février 2015

Chicanes de sites

Autrefois, dans plusieurs paroisses, il y eut des chicanes pour déterminer l’emplacement des édifices publiques.

 

À Saint-Mathieu-de-Rioux, le site de la chapelle fut l’objet de vives controverses. Dès 1852, les habitants de la paroisse réclamaient la construction d’une chapelle. Ce ne fut que six ans plus tard que l’évêque de Québec agréa la demande. Lors d’une réunion, avec le curé de l’Isle-Verte alors délégué par l’évêque, il fut proposé que la chapelle soit fixée sur la terre d’Élie Dionne où se trouve aujourd’hui la route qui conduit  aux chalets du Lac Saint-Mathieu. Une croix y fut plantée. Élie Dionne défendit avec vigueur ce choix appuyé par les gens du haut de la paroisse.

 

Les gens du bas de la paroisse proposaient que la chapelle soit située plus à l’est, soit à peu près où se trouve l’église actuelle. Ces derniers y plantèrent une croix. Le curé de Saint-Simon était favorable au site des gens d’en bas. Les deux croix furent arrachées par les partisans du clan adverse. Finalement, le choix des gens d’en bas fut approuvé par l’évêque.

 

J’ai connu un épisode de disputes à propos de l’école du rang 5. Au début des années 1950, le Gouvernement du Québec avait décidé d’y construire une nouvelle école. Les gens de l’ouest où nous vivions favorisaient le même emplacement que l’ancienne école. Les gens de l’est voulaient que le site soit situé à environ six arpents plus à l’est disant que la nouvelle école serait alors plus au centre du rang. D’ailleurs, la majorité des enfants se trouvaient maintenant dans ce secteur.

 

Ma mère avait une sœur qui vivait à l’est. Pendant le temps de la controverse, les deux sœurs ont cessé complètement de se voir, voulant éviter des affrontements inutiles. Pour aller au village, les habitants de l’est devaient passer devant notre maison. Ils détournaient parfois la tête. Le dimanche, les deux sœurs et leur famille se rencontraient chez grand-père Théberge au village. Il n’était jamais question de ce problème.

 

Finalement, le Gouvernement a décidé que la nouvelle école serait construite à quelques pas à l’est de l’ancienne.

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# 1570             28 janvier 2015

La femme d’autrefois

Dans les années 1970, il était acquis que la femme devait être soumise à son mari. D’ailleurs, l’officier de l’Église, le prêtre, l’affirmait sans gêne lors de la cérémonie du mariage. Je vous raconte trois faits vécus en ce temps-là.

 

Lors d’une élection provinciale, le bureau de votation était presqu’en face de chez moi et il fermait à 17 heures. Dix minutes avant la fermeture, je me présentai au bureau. Comme j’allais entrer, un jeune couple me barra le chemin. Le Monsieur, si on peut appeler cela un monsieur, tenait sa femme par le cou. Il la traînait littéralement en lui disant : « Tu vas venir voter, ma ch… et tu vas voter comme moi. » J’étais scandalisé.

 

Un autre jour, alors que mes voisins étaient assis au bord de leur piscine, j’ai entendu la dame dire à quelqu’un d’autre : « Je suis allée à la banque pour emprunter en vue de partir une boutique de vêtements. Le prêt m’a été refusé. On m’a dit que je devais avoir la signature de mon mari. » La dame qui voulait devenir autonome exprima alors sa frustration.

 

Quand j’ai acheté ma première maison, le propriétaire, un père de neuf enfants, a dû la mettre en vente parce qu’il n’arrivait pas à payer ses termes. Je revois encore sa dame qui était assise près de moi dans la salle d’attente du notaire. Elle m’a dit : « Si je n’avais pas eu autant d’enfants, on aurait pu conserver notre maison. J’avais dit au prêtre au confessionnal que je voulais arrêter la famille, mais il m’a dit que je n’en avais pas le droit et que je devais satisfaire mon mari. » J’ai presque regretté d’avoir consenti à cet achat.

 

En ce temps-là, certaines femmes se rebellaient et refusaient d’obéir à leur mari ; mais la plupart trouvait cela normal, croyant fermement qu’elles devaient faire ce sacrifice pour obtenir une place confortable au ciel.

 

Heureusement que des femmes se sont levées pour faire cesser cette exploitation et qu’ainsi les temps ont changé. La femme d’aujourd’hui n’est plus du tout celle de ce temps et la société s’en porte mieux. Pourtant, on remonte seulement à une quarantaine d’années.

 

Chez nous, ma mère a toujours contourné la règle d’obéissance en nous faisant croire que c’est mon père qui décidait, comme dans plusieurs foyers d’ailleurs.

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# 1540             22 janvier 2015

Les travaux des champs

Quand on est élevé en campagne, on se frotte rapidement à la dure réalité des travaux des champs. Dès l’âge de 7 ou 8 ans, on est déjà invité à faire sa part.

 

1. Les patates

Au printemps, c’était la semence des patates. Quand il n’y avait pas d’école, on était invité à découper les patates et à les mettre en terre. Pendant l’été, il fallait arroser les plantes pour détruire les mouches à patates qui rongeaient les tiges. À l’automne, c’était la récolte de ces pommes de terre.

 

2. Les petits fruits des champs

Pendant le mois de juillet, quand il n’y avait pas de travaux de foin, nous partions quatre ou cinq pour aller cueillir des fraises et des framboises, souvent avec le dîner. Les premières journées, c’était magnifique. Le soleil de juillet, les vastes espaces entourés d’arbres, la senteur des plantes, la compétition d’être le meilleur cueilleur, tout nous fascinait et nous faisait vivre des moments inoubliables comme si on était dans un monde irréel. Mais, avec la succession des jours à accomplir la même tâche, cela devenait beaucoup moins grisant. Nous étions heureux de voir la pluie s’inviter parce que cela signifiait un congé de cueillette.

 

3. Les fraises de jardins

Dès que la neige disparaissait et que le sol se réchauffait, il fallait procéder au sarclage des fraisiers. C’était une tâche difficile, surtout quand le sol était dur. Tout en faisait attention pour ne pas arracher les plants, il fallait détruire le plus possible les mauvaises herbes en extirpant les racines quand c’était possible. J’ai peu participé à la cueillette de ces fruits car ma mère se réservait cette tâche délicate. Toutefois, lorsque la cueillette était terminée, il fallait procéder au désherbage toujours à la main et muni d’un sarcloir, outil qui ressemblait à une fourchette mais dont les branches étaient recourbées.

 

4. Le foin

Dès l’âge de 7 ou 8 ans, on était invité à fouler le foin. Mon père emplissait la charrette et il fallait marcher sur le foin pour le tasser le plus possible. Avec les années, on pouvait utiliser la fourche pour déplacer le foin au besoin. À 11 ans, j’ai été engagé par le voisin Hormidas Gaudreau pour faire ce travail. L’année suivante, j’ai effectué la même tâche chez Simon Plourde. Là le travail était plus exigeant, car il fallait aussi fouler sur la tasserie de la grange parmi la poussière de foin qui me faisait tousser.

 

En vieillissant, nous pouvions manier le petit râteau. Il s’agissait alors de ratisser les brins de foin qui restaient sur le champ après que la fourche en ait pris la plus grande partie. Puis, c’était le grand râteau et le ramassage de foin à la fourche pour charger la charrette et faire, à la grange, le déchargement. Mon père n’a jamais eu d’instrument aratoire mécanisé. Tout se faisait à la force des bras. Je me souviens qu’à 18 ans, à la rentrée au Séminaire, un maître de salle est venu me demander si j’avais passé l’été à la plage, tellement j’étais hâlé.

 

5. Les grains

J’ai peu participé aux travaux de ramassage des grains car cela se faisait en septembre alors que j’étais au collège. Toutefois, il m’est arrivé d’aider au battage dans la poussière de la grange pendant les vacances de Noël.

 

Bref, j’ai beaucoup participé aux travaux des champs. Par contre, j’ai peu exécuté de tâches dans l’étable. Je n’ai jamais tiré (trait) une vache. J’ai soigné à l’occasion les porcs, les vaches et les chevaux mais rarement. Par ailleurs, le travail à la maison n’était pas exigé des garçons. C’était les filles qui occupaient ces fonctions.

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# 1495             13 janvier 2015

Jeunesse de mon père

Avant son mariage, mon père Edmond Jean a eu un parcours atypique. Il est né le 2 mars 1905. Quand il avait 5 ans, sa mère décéda laissant 11 orphelins : huit filles et trois garçons. Sa mère avait 41 ans. Elle était mariée depuis 17 ans à Théophile Jean qui avait alors 65 ans. La plus vieille, Adélia, avait 16 ans.

 

Son père fit annoncer au prône qu’il était prêt à donner un de ses garçons. Ludger Ouellet qui était cultivateur au rang 4 se présenta avec son épouse Philomène Lévesque. Le couple choisit mon père. Grand-père Jean accepta et mon père fut adopté sans autre formalité.

 

Le couple Ouellet-Lévesque avait une seule fille, Emma, qui avait alors 29 ans. Celle-ci épousa Adélard, son cousin germain, en 1904 à Newmarket, dans l’état du New Hampshire aux États-Unis. À Saint-Mathieu-de-Rioux, le curé Réal Cayouette avait refusé de les marier à cause du lien de parenté. La rumeur circula qu’il était allé se marier dans ce pays parce que sa future était enceinte. Toutefois, en 1910, au moment de l’adoption de mon père, Adélard n’avait pas encore d’enfant. Son premier fils naîtra en 1914.

 

Quelques mois après l’adoption, le couple Ouellet-Lévesque décida de s’expatrier aux États-Unis. Allait-il rejoindre leur fils Adélard ? Probablement. Une chose est certaine : mon père les accompagnait. Il vécut aux États-Unis environ deux ans où il apprit quelques mots d’anglais ; mais il n’alla pas à l’école pendant ce temps.

 

À leur retour à Saint-Mathieu, mon père avait 8 ou 9 ans. Il commença sa première année à l’école du Faubourg du Moulin. Il aurait pu faire de bonnes études ; mais, il n’était pas intéressé. À 11 ans, il se présenta à l’école avec une cigarette en bouche. L’institutrice lui dit qu’il devait choisir entre la cigarette et l’école. Il rétorqua avec assurance qu’il choisissait la cigarette. C’est ainsi qu’il termina ses études primaires avec à peine une troisième année. On comprendra qu’il désapprit rapidement ce qu’on lui avait enseigné si bien qu’il devint analphabète, ne sachant ni lire ni écrire. Tout ce qu’il a retenu de ses années à l’école, c’était de signer son nom et il le faisait à la façon d’un dessin.

 

Mon père a été confirmé à l’âge de 13 ans. Voici ce que ma mère a écrit dans son journal : « Edmond a été à l’école du Moulin et terminé ses études à 11 ans. Il a été confirmé le 9 avril 1918. »

 

Il travailla sur la ferme et dans l’érablière de Ludger Ouellet. Quand il fut plus âgé, il alla bûcher dans les chantiers aux alentours de la rivière Humqui.

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