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Les charleries Bienvenue sur mon blogue, Ce blogue contient des souvenirs, des anecdotes, des opinions, de la fiction, des bribes d’histoire, des récréations et des documents d’archives. Charles-É. Jean
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Souvenirs |
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#
3385
18 janvier 2017
Mère au foyer
Dans les
années 1950 et bien avant, le rôle de l’homme et de la femme dans la
société était clair. L’homme était le pourvoyeur. Il travaillait dur
parce que les outils étaient rudimentaires. La femme était reléguée au
foyer. Elle avait la tâche de nourrir la famille, d’entretenir la maison
et d’éduquer les enfants. Chez les cultivateurs, elle devait, tant que
les enfants n’étaient pas en âge de travailler, participer aux travaux
des champs et faire la traite des vaches.
C’est le rôle
que ma mère, comme épouse de cultivateur, a tenu sans jamais rechigner.
Elle le savait. Elle était au service de son mari et de ses enfants.
Elle avait accepté d’agir ainsi. Elle y trouvait un bénéfice personnel.
Plus souvent qu’autrement, elle outrepassait son rôle en prenant et en
assumant à peu près toutes les décisions du couple. Elle faisait
semblant que mon père décidait, mais dans la pratique c’est elle qui
était l’initiatrice et la réalisatrice de la plupart des projets.
Évidemment,
le curé qui était nourri et dorloté par une servante préconisait la
soumission de la femme à son mari. Cela n’a pas empêché ma mère d’être
heureuse et de conduire sa barque selon ses propres valeurs.
La femme de
l’époque avait plusieurs enfants. Ma mère en a mis 11 au monde. On peut
difficilement aujourd’hui imaginer cette situation : être enceinte
pendant 11 fois 9 mois. D’ailleurs, quand son dernier enfant est né,
elle avait 47 ans et 6 mois.
On ne parlera
jamais trop de ce que ces femmes au foyer, comme ma mère, ont vécu :
perte d’un enfant à la naissance ou par maladie, inquiétudes pour être
certaines de nourrir convenablement la famille, désir que les enfants
aient une éducation suffisante pour qu’ils soient heureux et aient une
vie à leur mesure. Les femmes au foyer ont contribué à stabiliser la
famille. Les enfants se sentaient en sécurité parce qu’une adulte en
prenait soin à plein temps.
Certaines
femmes auraient pu apporter une contribution significative à la société
et non seulement mettre des enfants au monde pour la patrie. Elles ont
toutefois aidé leur mari à prospérer davantage en leur suggérant des
pistes pour améliorer le sort de la famille.
De nos jours,
la situation a bien changé. Elle n’est pas meilleure, ni pire ; elle est
différente. Dans le passé, si on avait fait appel aux femmes dans
diverses professions, l’équilibre aurait été meilleur. Il était indécent
de négliger des talents qui auraient été un plus pour la société.
Si ma mère avait vécu 50 ans plus
tard, il est fort probable que je ne serais pas là, parce que je suis le
sixième enfant (ce qui dépasse 2 ou 3), mais elle aurait davantage
exploité ses talents de leadership et d’organisatrice. |
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# 3340
31 décembre 2016
Le Jour de l’An
Quand j’étais jeune, ma mère avait acheté un gramophone qui était placé
sur un petit bureau dans la cuisine. Nous avions quelques disques de La
Bolduc. En particulier, dans le temps des Fêtes, nous écoutions la
chanson « C’est dans l’temps du jour de l’an » qui décrit une autre
époque. Voici les paroles de cette chanson :
Préparons-nous son père pour fêter l’jour de l’an
C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
Peinture ton cutter, va ferrer ta jument
C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
Va t’acheter une perruque, fais toé poser des dents
C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
Dis bien à ton n’onc’ Nazaire douè ben v’nir au jour de l’an
C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
Tâche pas de pardre la tête comme t’as fait il y a deux ans
C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
Y en a qui vont prendre un verre, y vont profiter de c’temps-là
C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse
Il y en a qui sentent la pipe et d’autres qui sentent les oignons
C’est dans l’temps du jour de l’an, on s’donne la main, on s’embrasse |
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# 3320
23 décembre 2016
À
la table
Quand j’étais
jeune, les repas se prenaient autour d’une table rectangulaire que mon
père avait fabriquée. Cette table faite en bois franc pouvait accueillir
au moins 10 personnes. Un long banc était disposé du côté Ouest. Il
accueillait les garçons qui prenaient toujours la même place par ordre
d’âge. Mon père s’assoyait du côté nord au bout de la table, ma mère, à
ses côtés et les filles, du même côté que ma mère.
L’idée de
placer les filles du côté Est s’expliquait par le fait que les filles,
mais aussi ma mère, faisaient le service. Les garçons, eux, n’avaient
pas le droit de se lever. Il fallait toujours demander lorsqu’il nous
manquait quelque chose, comme un ustensile.
Au début de
chaque repas, avant que nous prenions place, nous récitions le
bénédicité : « Bénissez-nous, ô mon Dieu, ainsi que la nourriture que
nous allons prendre. Au nom du père, du fils et du Saint-Esprit. Amen. »
C’était la prière recommandée par le petit catéchisme.
Les repas
satisfaisaient toujours notre faim. Rien ne battait les bouillis de
légumes à l’automne, étant donné que les légumes étaient fraîchement
cueillis. En hiver, quoi de plus savoureux que le lièvre. Nous allions
même jusqu’à manger la cervelle. Les tartes ou les gâteaux en portion
limitée suivaient.
S’il arrivait
que nos jeunes estomacs aient encore un petit coin à satisfaire, des
bouchées de pain à satiété trempées dans de la mélasse ou du sirop doré
ne rataient jamais leur coup.
Après le
repas, nous récitions une autre prière : « Merci, mon Dieu, pour le bon
repas que nous avons pris et pour ceux qui l’ont préparé. Au nom du
père, du fils et du Saint-Esprit. Amen. » Cette prière qui est
différente de celle du petit catéchisme a probablement été inventée par
ma mère ou encore elle provenait de ses parents. Nous pouvions alors
quitter la table ou encore continuer à jaser.
Le dimanche
midi, c’était plus solennel. Le menu était plus diversifié que les
autres jours et ma mère remplaçait le bénédicité par l’Angélus en latin.
Ma mère disait la partie marquée V et nous répondions par la partie R.
Voici cette prière :
V. Angelus Domini nuntiavit Mariæ,
Chœur. Ave Maria, gratia plena,
Dominus tecum. Benedicta tu in mulieribus, et benedictus fructus ventris
tui, Jesus.
Sancta Maria, Mater Dei, ora pro
nobis peccatoribus, nunc et in hora mortis nostræ.
V. Ecce Ancilla Domini.
Chœur. Ave Maria, gratia plena,
Dominus tecum …
V. Et Verbum caro factum est.
Chœur. Ave Maria, gratia plena,
Dominus tecum …
V. Ora pro nobis, Sancta Dei Genetrix.
L’Ave Maria est la version latine
du Je vous salue Marie. C’était une des premières prières que nous
apprenions en latin à l’école. |
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# 3260
29 novembre 2016
La
sécurité
De temps à
autre, j’entends des gens dire que, depuis qu’un événement malheureux
s’est passé dans le voisinage, ils ferment leurs portes à clef le soir.
Quand j’étais
jeune dans les années 1940 en campagne, mon père qui pourtant n’était
pas peureux tenait à ce que les portes de la maison soient fermées
à clé pendant la nuit. Le jour, c’était différent. Dans le va-et-vient des
membres de la famille, il aurait été impensable de barricader les
portes.
Quand mes
parents partaient pour une soirée à l’extérieur, l’ainée de mes sœurs
nous gardait. Elle était avertie qu’il fallait barrer les portes dès
leur départ. Un soir que nous étions seuls et que nous étions à jouer au
bureau de poste, un homme frappa à la porte du tambour. Ma sœur alla
répondre sans ouvrir la porte :
- Qui est là
?
- C’est
Joseph Lagacé.
- Mes parents
ne sont pas là.
M. Joseph
venait voir son bon ami, mon père. Il est retourné bredouille.
Il est
étonnant que personne de notre famille ne fût blessé de façon importante
lors des travaux de l’étable et des champs. Il y aurait eu 1000
occasions de vivre ces malheurs. Que ce soit la fourche qui emplissait
le voyage de foin et qui aurait pu malencontreusement atteint un bras ou
même la figure. Que ce soit les vaches qui, lors de la traite, auraient
pu ruer de façon énergique. Que ce soit les chevaux quand on les faisait
boire et qu’il fallait entrer dans leur crèche. C’était autant
d’occasions où le danger était réel.
Que ce soit,
lors des voyages à l’église, où les chevaux devaient cohabiter avec les
automobiles ou les camions. Que ce soit les ours quand nous allions aux
fraises ou que nous allions porter le diner de mon père. Que ce soit les
glissades en toboggan ou en traîneau. Que ce soit le bœuf qu’on devait
écarter pour ne pas qu’il vienne à l’étable pour la traite des vaches.
Que ce soit les jeunes veaux à qui on apportait des chaudières de lait
et qui avaient tendance à foncer sur nous, plutôt par jeu. C’était
autant d’occasions où le danger était réel.
Mes parents
étaient conscients des dangers, mais nous les jeunes en étaient plutôt
indifférents. Ma mère surtout veillait, sans exagération, à ce que notre
environnement soit le plus sécuritaire possible. |
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# 3245
23 novembre 2016
Un
nouveau livre
Les Éditions Goélette viennent de publier un nouveau livre d’énigmes de
mon crû. Le titre est Énigmes et
devinettes du jeudi. Il fait partie d’une collection intitulée
Les jeux de la semaine. Il
est en vente dans les librairies du Québec. Le prix de détail suggéré
est de 5,95 $.
Sur
son site, l’éditeur a écrit : « C'est jeudi et c'est l'heure de relever
un défi ? Mettez votre logique à l'essai et tentez de résoudre ces
casse-tête et devinettes en tous genres ! ».
Les derniers livres que j’ai publiés sont :
– 365 énigmes et devinettes,
tome 2, Les Éditions Goélette, 2010.
– 1001 énigmes et devinettes,
Les Éditions Coup d’œil, 2010.
– 500 énigmes et devinettes,
Les Éditions Coup d’œil, 2012.
– 500 énigmes et devinettes,
Les Éditions Coup d’œil, 2015.
– Saint-Mathieu-de-Rioux raconte
son histoire, Édité par la municipalité, 2016.
En avant-propos, j’ai écrit :
« Les 110 énigmes de ce livre
ont été conçues
pour donner à vos méninges
encore plus de vitalité.
Tout en parcourant le livre,
vous serez surpris de constater
que votre capacité à résoudre des énigmes
s’améliore constamment.
Amusez-vous bien ! »
Un cadeau de Noël pour tous ceux et celles qui aiment les
divertissements intellectuels !
(L’image appartient aux Éditions Goélette.) |
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# 3210
9 novembre 2016
Coutumes d’autrefois
Je vous
présente certaines coutumes qui existaient au Québec en 1950 et avant.
Il n’est pas dit que les personnes qui vivaient à cette époque ont
toutes connu ces coutumes.
• Au 1er
de l’an, quand la famille était rassemblée le matin ou après la messe,
le père debout bénissait mère et enfants qui étaient à genoux. Il
disait : « Je vous bénis, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. »
Certains ajoutaient des souhaits.
• En la fête de l’épiphanie, le 6
janvier, il y avait un souper réunissant la parenté. La ménagère avait
fabriqué un immense gâteau où elle avait caché deux fèves. Les deux
personnes qui trouvaient les fèves dans leur portion de gâteau étaient
reine et roi de la soirée.
• Le soir du Mardi-Gras, des
personnes vêtues de costumes souvent vieillots et la figure cachée
passaient de maison en maison pour une dernière fête avant le carême.
• À
l’automne, les épluchettes de blé d’inde étaient courues. Les jeunes
hommes rêvaient de piger un épi rouge pour pouvoir donner un bec à celle
qu’il reluquait.
• Lorsque les
hommes étaient endimanchés, ils portaient un chapeau de paille ou de
feutre selon les saisons. Ils devaient enlever leur chapeau dans
l’église.
• Lorsque les
femmes étaient endimanchées, elles portaient un voile sur la tête ou un
chapeau de style divers. En tout temps, elles devaient conserver leur
coiffure dans l’église.
• Lors des
cérémonies religieuses, la plupart des familles occupaient leur propre
banc qui avait été loué pour l’année. Les hommes prenaient la première
place du côté de l’allée. Si le père était absent et qu’un adolescent
était présent, c’est ce dernier qui occupait la première place.
• Lors des
fréquentations, c’est toujours le futur époux qui visitait la jeune
fille au domicile de celle-ci. Il n’était pas bien vu de faire ses
rencontres pendant la semaine de travail. Pour faire une sortie à
l’extérieur de la maison ne serait-ce qu’aller prendre une marche, le
prétendant demandait la permission aux parents de la jeune fille.
Ceux-ci acquiesçaient à la condition qu’un membre de la famille agisse à
titre de chaperon.
• La demande
en mariage se faisait souvent au père de la future épouse. Pour
l’occasion, le prétendant avait eu soin de revêtir ses plus beaux
habits.
• À 25 ans,
une jeune fille encore célibataire devenait une vieille fille. On les
appelait les catherinettes. Certaines trouvaient quand même maris par la
suite, parce que tous les hommes ne se mariaient pas avant cet âge.
• Le
parapluie était utilisé seulement par les femmes. Il n’était pas de bon
ton de voir un homme sous un parapluie.
• Lorsque les
gens avaient un problème d’articulations, ils allaient voir un
ramancheur. Celui-ci acceptait
les dons.
• Les parents faisaient peur aux
enfants pour qu’ils se couchent tôt, soit au plus tard à 7 heures du
soir. Le personnage menaçant était le Bonhomme Sept Heures qui risquait
de les enlever. |
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#
3150
16 octobre 2016
Mon
père semait
Nous sommes
en 1950. J’avais neuf ans. Après avoir lu les bandes dessinées du
journal l’Action catholique assis dans une chaise de la cuisine, je
m’approchai de la fenêtre du nord. Je vis mon père en train de semer de
l’avoine dans le clos face à la maison.
J’ai été
surpris de voir que mon père répandait les grains à la main. Je me
disais : « Il me semble qu’il devrait y avoir des instruments pour
effectuer cette tâche. » En même temps, je me suis rappelé le texte du
semeur de l’évangile que nous avions appris à l’école où Jésus disait :
« []Un semeur sortit pour semer. Et comme il semait, des grains sont tombés au
bord du chemin, et les oiseaux, étant venus, ont tout mangé. Mais,
d'autres sont tombés sur de la bonne terre et ils ont donné du fruit au
centième. »
J’espérais que la récolte
soit centuplée. En même temps, je me demandais comment mon père faisait
pour répartir les grains de blé d’une façon convenable. Quand mon père
se rapprocha de la maison, je constatai qu’il ne semait pas avec ses
mains, mais qu’il avait une curieuse poche en bandoulière sur une
épaule.
La poche était de couleur
blanche tirant sur le gris et elle était de toile assez épaisse. Sur le
haut, une fermeture éclair bouclait la poche. Sur le bas, il y avait une
bande de métal qui faisait la largeur de la poche. Sur cette bande était
attachée une manivelle. Il s’agissait pour mon père de tourner la
manivelle, tout en se déplaçant de façon ordonnée pour couvrir
l’ensemble du sol.
J’ai fait des recherches
sur internet pour voir des photos de ce semoir manuel. Je n’ai rien
trouvé. Serait-il possible que cet instrument ait été fabriqué de façon
artisanale par un forgeron ? Une chose est certaine. Il y a toujours eu
des patenteux au Québec. |
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#
3110
30 septembre 2016
Veillées chantantes
Avant
l’avènement de la télévision, la plupart des loisirs, surtout en hiver,
se passaient autour du poêle à bois. Ma mère, voulant promouvoir le
chant dans la famille, a acheté un piano d’une dame de Mont-Joli le 6
novembre 1951. Lors de veillées spéciales à la maison, comme pour les
noces ou les anniversaires, le piano était là pour accompagner les
chanteurs plus ou moins expérimentés.
La même
année, ma mère a acheté les sept tomes de
La Bonne chanson, et plus tard
les tomes 8 et 9. L’auteur de ces albums était l’abbé Charles-Émile
Gadbois, né en 1906 près de Saint-Hyacinthe. En 15 ans, l’auteur a
composé et recueilli plus de 500 chansons. Son leitmotiv était : « Un
foyer où l’on chante est un foyer heureux. »
Le seul fait
de lire les textes de ces albums et de regarder les images propres à
chaque chanson constituait pour moi un vrai voyage vers le passé et un
peu vers l’avenir. On y trouvait des chansons du folklore français, de
même que de nombreuses autres dont les paroles et la musique étaient de
l’abbé Gadbois.
En 1938, le Conseil de
l'instruction publique recommanda à toutes les commissions scolaires
d’acheter les albums de La bonne
chanson et de les diffuser dans toutes les écoles. Toutefois, je ne
me souviens pas d’avoir vu de ces recueils à l’école du rang où
j’allais.
En même temps, le Conseil incita
fortement les familles à se les procurer. L’œuvre de l’abbé Gadbois a
même reçu une bénédiction papale. Ces gestes contribueront grandement au
succès commercial des albums
puisqu’en 20 ans la vente s’élèvera à 30 millions d’exemplaires, alors
que le Québec comptait un peu plus de 3 millions d’habitants à cette
époque.
Chez nous, lors des veillées de
familles, les chansons étaient puisées dans les albums de
La Bonne Chanson qui trônaient sur le piano de la cuisine.
Parallèlement, elles ont fait rapidement partie de la culture populaire
québécoise au milieu du siècle dernier.
Quel souvenir merveilleux que de
se remémorer ces belles chansons ! L’abbé Gadbois a réussi son pari, lui
qui voulait contrer l'influence grandissante de la chanson française ou
américaine dans les foyers et à la radio. |
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#
3085
20 septembre 2016
Les
amis d’enfance
Dans mon
enfance, je n’ai pas eu d’amis en dehors de ma famille. La raison est
simple. Il n’y avait pas de jeunes de mon âge dans les environs du
domicile de mes parents. À l’époque, dans la partie Ouest du rang 5 où
je demeurais, il y avait une seule famille qui avait des enfants. Le
plus jeune avait 10 ans quand j’avais 6 ans et 15 ans quand j’avais 11
ans. Les âges nous séparaient.
Dans ma
famille, j’avais une sœur quatre ans plus âgée que moi et un frère deux
ans plus jeune. Ce dernier n’avait pas les mêmes intérêts que moi.
Sur le chemin
de l’école, j’étais toujours avec des membres de ma famille. Nous étions
trois ou quatre selon les années à marcher contre vents et froid vers
l’école sur une distance de moins d’un kilomètre.
À l’est de
l’école, il y avait une seule famille qui avait deux enfants de près de
mon âge. D’ailleurs, la mère de ces enfants était la cousine de ma mère.
Nous nous rencontrions en classe, mais comme, la plupart du temps, le
silence était de rigueur, il était difficile de tisser des liens
d’amitié.
Le seul
moment où il était possible de fraterniser, c’était sur l’heure du dîner
quand nous prenions notre repas à l’école en hiver lors de grands
froids. Bien sûr que des rapprochements s’opéraient, mais ce n’était pas
suffisant pour en arriver à une certaine complicité.
Quand j’ai
marché au catéchisme à 11 ans, j’ai pu m’entretenir avec des jeunes de
mon âge. Encore là, la durée des échanges ne permettait pas d’établir
une relation approfondie.
Ce n’est qu’à
12 ans, lors de mon entrée au Séminaire, que j’ai pu me faire de
véritables amis. La première année, nous étions 160 élèves à
entreprendre des études classiques. Dans ce groupe, il y en avait une
bonne douzaine qui était à peu près de mon âge. Les autres plus âgés
avaient tendance à me considérer comme un bébé.
Si j’ai eu
peu d’amis dans mon enfance, mes confrères ont largement compensé et
encore aujourd’hui nous nous rencontrons assez souvent dans le cadre
d’une amitié durable. D’ailleurs, certains de mes confrères plus âgés
m’ont déjà admis qu’ils auraient aimé mieux me connaître dans le temps.
Qu’on le veuille ou non, l’âge est
un critère de sélection très important dans la possibilité de se faire
des amis. |
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# 3035
31 août 2016
Les chevaux
Mon père a toujours eu deux chevaux. Cela était nécessaire, car il
fallait en avoir deux pour tirer la faucheuse. Chacun était placé de
chaque côté d’un pôle. Après le fauchage, l’un servait à faire le
râtelage à l’aide d’un grand râteau et l’autre à tirer la charrette de
foin.
Quand j’étais jeune, mon
père avait une jument grise qu’on appelait la Grise. Elle était douce et
facile à conduire. Elle aimait se faire voir et, lors des déplacements
vers le village, elle était pleine d’exubérance. Elle aimait galoper.
Mon père avait aussi un étalon de couleur brune appelé le Pitou.
Celui-ci était plutôt paresseux. Les deux formaient quand même une bonne
« team », comme on disait à l’époque.
Quand la Grise eut 12 ou 13 ans, mon père décida de s’en départir. Il
l’échangea contre un cheval qui était estampé comme venant de l’Ouest
canadien. C’était probablement un cheval sauvage qu’on avait capturé.
Quand ma mère a vu ce cheval qui s’appelait le Black, elle a dit à mon
père : « Tu as fait une mauvaise transaction. Ce n’est pas un cheval
pour toi ». Autant ma mère était bonne en affaires, autant mon père
avait de la difficulté dans ce domaine.
Quelques jours plus tard, mon père est allé au sixième rang pour
charroyer des billots. Croyez-le ou non, le Black s’est dételé et, à la
course, s’est enfui vers l’étable. C’est une distance d’au moins deux
milles. La porte de l’étable étant en deux parties et la partie la plus
basse étant fermée, il a attendu le cou sur le cadre de la porte.
L’intuition de ma mère venait de se confirmer.
Mon père est allé voir le maquignon et il a échangé le Black contre une
jument qu’on appelait la Nelle. Cette jument avait été mal domptée. Elle
ne comprenait pas les ordres « hue » ou « ya ». Bien plus, il ne fallait
pas tirer sur les cordeaux pour l’arrêter, car elle partait à la course.
Le seul ordre qu’elle comprenait, c’était lorsqu’on tirait à droite ou à
gauche sur les cordeaux.
Lors de quelques étés, j’ai été assigné au grand râteau et c’est la
Nelle que je devais conduire. Au début des foins, c’était très
difficile. Le grand râteau étant très large, lorsqu’on entrait dans un
champ, il ne restait qu’un ou deux pouces de chaque côté de la clôture.
Il fallait que je vise le centre, sinon la clôture aurait été arrachée.
J’ai compris rapidement qu’il fallait l’épuiser pour qu’elle se calme. À
la fin de la saison, elle était plus facile à diriger. Un jour que je
devais descendre une grande côte le râteau levé, elle est partie à la
course. Je ne pouvais pas la retenir comme, c’était normal pour elle, en
tirant sur les cordeaux. J’ai baissé rapidement le râteau et j’ai tiré
de toutes mes forces vers la droite. Elle a dû interrompre sa descente,
mais j’avais eu le temps d’avoir peur.
Qu’est-il advenu de la Grise ? Un après-midi d’août, j’ai vu passer
devant la maison un garçon de 14 ou 15 ans qui la tenait par la bride et
qui l’amenait à la ferme de son père, un M. Belzile, qui demeurait au
troisième rang de Trois-Pistoles. Je ne sais pas si l’adolescent était
venu à pied. Peut-être son père l’avait-il amené en automobile ? Une
chose est sûre, le jeune garçon a dû parcourir une distance de près de
10 milles pour son retour. |
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# 2975
21 juillet 2016
Mariage de mes parents
Le 30 mars 1932 à 7 heures du matin, mon père Edmond Jean et ma mère
Marie-Laure Théberge se marie en l’église de Saint-Mathieu-de-Rioux
devant le curé Joseph Gauvin.
La famille Théberge est là de même certains membres de la famille Jean
et de la famille adoptive. Les témoins sont le père adoptif d’Edmond,
Ludger Ouellet, et le père de Marie-Laure, Émile Théberge. Outre les
époux et les témoins, Léo Théberge, frère de Marie-Laure, appose sa
signature sur l’acte de mariage.
Le dîner de noces a lieu chez Émile Théberge. En après-midi, les jeunes
époux montent dans la carriole tirée par un cheval et se rendent au rang
5 dans leur nouvelle résidence, sur une ferme achetée quelques mois
auparavant de Philéas Gaudreau. La soirée de noces est prévue pour le
même soir, mais mon père décide en arrivant chez lui qu’il ne veut pas y
aller. Alors, mes parents ne se présentent pas. Ma mère qui aime
beaucoup les relations sociales et familiales est très déçue.
Voici ce que Marie-Ange Jean, la sœur de mon père, a écrit dans son
autobiographie :
« Pendant ma deuxième année d'enseignement à Saint-Mathieu, mon frère
Edmond acheta la terre de Philéas Gaudreau. Comme il était seul, il me
demanda pour aller rester avec lui. Je quittai ma pension chez M. Bérubé
pour aller rester avec lui. Je m'avisai de faire du grand ménage par les
soirs et les fins de semaine, me voilà lavant murs et plafonds. Après
quelques jours, j'avais de la peine à me tenir droite, j'avais mal aux
reins, j'avais les muscles endoloris. C'était le fun pour la petite
maîtresse d'école, ah ! ah ! ».
« Mon frère se maria quelques mois après avec Marie-Laure Théberge, une
fille très bien qui prit sa place comme maîtresse de la maison. Je pris
pension chez eux pour finir l'année scolaire. »
Selon la coutume, mes parents ne firent pas de voyages de noces. C’est
beaucoup plus tard en 1965 qu’ils firent leur premier voyage ensemble.
Voici ce que ma mère a écrit à ce sujet :
« Oui, nous avons fait notre voyage de noces. Ça faisait 33 ans que nous
étions mariés. Papa, la maladie l’a pris en montant. Rendus à Montréal −
Mont-Laurier, on a pu se rendre à Val d’Or où il a été hospitalisé. Il a
subi une opération de la prostate. Il a été un mois à l’hôpital. […] On
a été 6 jours à notre voyage, nous sommes allés à Barraute et Amos.
C’est le premier voyage que nous faisions, partis le 18 août 1965 ». |
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# 2935
5 juillet 2016
Médaille du scapulaire
Il y avait autrefois des pratiques religieuses encouragées par l’Église
qui peuvent aujourd’hui nous surprendre. Quand j’étais jeune, ma mère
nous faisait porter une médaille du scapulaire.
À l’origine, le scapulaire était un vêtement religieux de couleur brune, formé d’une seule pièce. Il était percé en son centre pour
permettre à la tête de passer. Un côté pendait sur la poitrine et
l’autre, dans le dos. On raconte que la Vierge Marie, lors d’une
apparition à Simon Stock en 1251, lui avait donné un scapulaire en lui
disant : « Quiconque meurt revêtu de ce scapulaire sera préservé des
flammes éternelles. » Cette promesse a été interprétée par l’Église
comme une certitude de ne pas aller en enfer à la mort et d’être délivré
du purgatoire le samedi après la mort, sans compter la protection
constante, durant la vie, dans tous les dangers de l'âme et du corps.
Comme ce vêtement était peu pratique pour les laïcs, il a été remplacé
par deux morceaux de laine
brune de forme carrée. Les morceaux étaient reliés par un cordon dont un
morceau était porté sur la poitrine et l’autre, sur le dos.
Plus tard, le scapulaire a été remplacé par deux petits carrés de tissu
en laine sur lesquels étaient cousues l'image du Sacré-Cœur de Jésus et
l'image de Notre-Dame du Mont-Carmel. Il se portait alors sur la
poitrine.
Si je me souviens bien, le scapulaire que ma mère avait confectionné
était composé d’un morceau d’étoffe brune de forme carrée sur lequel
était attachée une médaille du Sacré-Cœur. Un court cordon relié au
tissu pouvait être épinglé à notre camisole. Il est probable que la
médaille avait été bénie par un prêtre.
L’Église recommandait de porter ce scapulaire en tout temps, mais ma
mère l’exigeait seulement pour les sorties à l’extérieur de la maison,
comme pour la messe et les autres cérémonies religieuses. Elle craignait
alors que nous ayons un accident lors des déplacements. Le scapulaire
était alors une protection. S’il arrivait malheur, au moins nous ne
mourrions pas en état de péché mortel et nous irions rapidement au
paradis. Nous demeurions alors à environ trois milles et demi de
l’église.
Personnellement, je n’ai jamais cru aux bienfaits du scapulaire. Dès mon
retour à la maison, il se retrouvait dans un tiroir de mon bureau. Le
port du scapulaire dans ma famille n’a pas duré très longtemps,
probablement à cause de notre indifférence.
Un fait inusité, Jean-Paul II qui a
été pape de 1978 à 2005 avait toujours deux scapulaires en sa
possession : un qu'il portait de jour comme de nuit et un second
plastifié qu'il portait lors de sa toilette quotidienne dans le but de
rester continuellement sous la protection de la Vierge Marie. J’aimerais
connaître l’opinion du pape François sur le port du scapulaire. |
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#
2895
19 juin 2016
Grange de mon père Les granges-étables d’autrefois étaient
construites à peu près sur le même modèle. La structure était de bois.
Elles comportaient deux étages. Le rez-de-chaussée qu’on appelait
étable abritait les animaux
d’élevage comme les chevaux, les bœufs, les porcs et les moutons. Le
deuxième étage constituait la grange qui servait à stocker les récoltes
de foin ou de grain et à remiser certains instruments agricoles.
Mon
père a bâti une grange-étable neuve en 1946 (voir ci-contre). Elle était
dans la direction est-ouest au nord du chemin. Voici sa description : Sur la devanture, il y avait deux portes : l’une
pour faire circuler les chevaux et l’autre, les vaches. Le plancher
était de ciment. Transversalement, il y avait deux allées. L’une était
au même niveau que le plancher et était destinée à la circulation.
L’autre était basse de trois ou quatre pouces et servaient à recueillir
le fumier des animaux comme les chevaux et les vaches. Du côté ouest, au nord on comptait trois crèches
pour les chevaux et au sud un clos pour les cochons et un petit clos
pour la saillie. En face de la première porte de l’ouest, il y avait le
« corps à l’eau » et une porte pour entrer dans la remise. À l’est, au
nord se trouvaient une dizaine de crèches pour les vaches et une autre
porte pour atteindre la remise. Au sud, un autre clos à cochons et trois
crèches pour les taurailles. Au nord, il y avait la remise. Une allée
constituée d’un plancher en bois permettait aux personnes de circuler
pour soigner les chevaux et les vaches. Le foin et la paille étaient
entassés plus au nord. À l’extrémité Ouest de la remise, il y avait une
porte qui conduisait à la bergerie, endroit où les moutons passaient
l’hiver en libre mouvement. Sur la photo de la grange, on voit à gauche une
annexe pour cacher le fumier et à droite l’entrée du fenil.
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# 2860
5 juin 2016
Message de Marsha
J’ai reçu dernièrement un courriel d’une petite-cousine qui vit à New
York où elle est née. Le message était accompagné de trois photos qui
apparaissent
à la fin de ce
texte. Personnellement, je n’avais jamais vu de photo de ma grand-mère
Élise Boucher. Même tante Marie-Ange Jean, sa fille, n’a jamais vu de
photo de sa mère. J’ai traduit le message en français. Le voilà.
……………….
Bonjour cousin !
Barbara est devenue policière à la ville de New York. Plus tard, elle a
prononcé des vœux dans l'ordre des Carmes Déchaux. Elle a maintenant 83
ans et elle vit sur l'île de la Jamaïque dans les Antilles. Elle est
très impliquée dans son église paroissiale. (Staten Island est l’un des cinq arrondissements de New York) |
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# 2845
30 mai 2016
Les indulgences
Quand j’allais à l’école primaire autour des années 1950, les
indulgences étaient liées au sacrement de pénitence. Le prêtre en
confession pardonnait les péchés, souvent imaginaires, dont nous nous
accusions. À l’école, on nous disait que ce pardon effaçait le péché.
Mais, une nuance que je n’avais pas saisie à l’époque, le pardon
n’enlevait pas la peine temporelle due au péché. Cette peine temporelle
devait se traduire par un temps de purgatoire qui ne pouvait être
atténué ou effacé que par des actes de charité ou encore par des
indulgences.
Une indulgence était dite partielle ou plénière. Lorsqu’elle était
partielle, elle se comptait en nombre de jours, de mois et d’années.
C’était donc une remise de peine qui nous était offerte. Dans notre
petite tête, nous comprenions que ce serait un temps en moins au
purgatoire.
Une indulgence était plénière lorsqu’elle libérait totalement de la
peine due au péché. Nous pensions alors être exemptés totalement du
purgatoire. Nous ne comprenions pas pourquoi on pouvait acquérir des
indulgences plénières à répétition.
Les indulgences partielles étaient accordées suite à la récitation d’une
prière généralement très courte. Les prêtres ou les religieuses
diffusaient des images de saints ou de saintes. Sur l’endos, on y
trouvait une prière et le temps gagné en rémission de peine. Les
indulgences partielles étaient aussi liées à des paiements de messe ou à
des travaux au bénéfice de l’église locale.
On pouvait gagner des indulgences plénières, par exemple, en récitant le
chapelet dans une église seul ou à plusieurs, en adorant le
Saint-Sacrement pendant une demi-heure au moins, en faisant un chemin de
croix, en priant pour les défunts lors d’une visite dans un cimetière.
Il fut un temps où des indulgences étaient accordées aux personnes qui
faisaient des dons en argent au Vatican. La période de remise de peine
variait à la hauteur de la contribution. Ce marchandage éhonté, de même
que l’obtention d’indulgences importantes pour des prières courtes, ont
provoqué un phénomène d’inflation qui a détruit peu à peu le système
inventé par les papes successifs. |
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# 2800
11 mai 2016
Sur
la Côte-Nord
Quand j’ai
œuvré pour le ministère de l’Éducation au début des années 1980, j’étais
posté à Sept-Îles. J’ai pris l’avion plus de 100 fois. Le territoire de
la Côte-Nord est vaste. À part la Basse-Côte-Nord, trois villes
n’étaient pas reliées par une route. C’était Fermont, Schefferville et
Gagnon. Cette dernière ville existait encore à l’époque. Dans chacun de
ces endroits, j’y suis allé deux fois. La plupart de ces voyages se
faisaient dans un petit avion.
Un jour, je
suis allé à Gagnon dans un avion à quatre places permettant trois
passagers. J’avais le vertige en pensant à l’éventualité que le pilote
perde connaissance pour une raison ou pour une autre. Je me suis assis
derrière lui. Dix minutes après le décollage, son siège se disloqua vers
l’arrière. Je dis à haute voix : « Ça commence de même. » La dame qui
était à mes côtés devient blanche de peur. J’ai tout de suite regretté
mes propos. Le mal était fait. Comme pour me punir, j’ai dû tenir le
siège du pilote pendant le reste du voyage.
Une fois que
j’étais à Gagnon, pour le retour, la directrice de l’école vérifia pour
moi et deux de mes collègues l’état de nos réservations. Mon nom
n’apparaissait plus sur la liste. Nous nous sommes précipités à
l’aéroport. Le commis m’a dit : « Il n’y a pas d’autre place. Une seule
personne n’est pas encore arrivée. Si elle n’est pas ici 15 minutes
avant le départ, je pourrai vous transférer sa réservation. » J’ai fait
le pied de grue devant le comptoir pendant au moins 20 minutes. Il
fallait que je parte. Je regardais ma montre presqu’à toutes les
minutes. Le délai arriva. Le commis valida mon billet d’avion.
L’opération à peine terminée, un homme se présenta. Sa réservation avait
été annulée. Il était furieux.
Un autre jour
en hiver, je suis allé à Schefferville dans un avion d’une dizaine de
places. Il faisait au moins -25 degrés à l’extérieur. C’était le matin
et il n’y avait pas eu de chauffage pendant la nuit. À cause de
l’humidité, il faisait plus froid que dehors.
Dans mes deux voyages à Fermont,
je n’ai pas eu de pépin. Toutefois, quand je me promenais le soir après
le souper dans le Mur, je me demandais ce que je faisais là. Le Mur,
long de 1,3 kilomètre et haut de 50 mètres, est un vaste complexe qui
sert d’écran afin de protéger le reste de la ville des forts vents en
provenance du nord. Il regroupe les commerces et les services aux
citoyens. On y retrouve, par exemple, une épicerie, des magasins, un
bureau de poste, une école, les bureaux de la ville et de la commission
scolaire, ainsi qu'un hôtel et diverses installations sportives. À
l’époque, tous les services y étaient regroupés, excepté l'unique
station d’essence et un salon funéraire. Ceux qui résidaient en
permanence à l’hôtel pouvaient ne jamais sortir dehors s’ils
travaillaient dans le Mur.
J’ai fait
quelques voyages en petits avions dans l’axe Sept-Îles−Baie-Comeau. Un
jour, j’étais seul avec le pilote. Nous avons voyagé tout au long
au-dessus du fleuve Saint-Laurent. Je n’osais pas regarder en bas et je
me demandais ce que je ferais si le pilote ne pouvait plus remplir sa
tâche. En regardant les nombreux cadrans devant moi, je devenais
étourdi.
Un autre
jour, je revenais de Montréal vers Sept-Îles. Quand nous sommes parvenus
à destination, l’avion a tournoyé autour de l’aéroport pendant près
d’une heure. À un moment donné, le pilote a dit : « Il est impossible
actuellement d’atterrir à Sept-Îles à cause de la brume. Nous retournons
à Montréal. » Avant l’atterrissage, l’hôtesse a répété sa formule
habituelle : « Bienvenue à Montréal. » Personne n’a trouvé ça drôle. Une
clameur de mécontentement s’est élevée.
Un autre
jour, je revenais encore de Montréal vers Sept-Îles. Le pilote nous fit
descendre à Baie-Comeau. Le lendemain, nous avons voyagé vers Sept-Îles
en autobus scolaire. Qui a connu, à l’époque, les méandres de la route
qui séparait les deux villes, sait que faire 250 kilomètres dans un tel
véhicule n’est pas de tout repos. Quand j’arrivai à Sept-Îles, je pris
un taxi pour me rendre chez moi, alors que je demeurais à moins de cinq
minutes de marche. J’étais exténué.
Mon plus beau
souvenir, c’est lorsque j’ai fait le trajet Sept-Îles−Baie-Comeau dans
l’avion du Gouvernement en compagnie du ministre de l’Éducation de
l’époque, Camille Laurin. |
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# 2730
6
avril 2016
Les moutons Bon an mal an, mon père élevait au moins une
douzaine de moutons. En 1937, à Saint-Mathieu-de-Rioux, on comptait 1000
moutons. De ce nombre, 600 bêtes ont suivi le chemin de l’abattoir et 75
ont servi aux besoins domestiques. Le revenu moyen par cultivateur a été
de 30 $. À cette époque, la viande de mouton avait mauvaise réputation.
Je ne me souviens pas que mon père ait abattu des moutons pour leur
chair. Il vendait l’animal vivant à des commerçants. Chez nous, pendant l’été, les moutons paissaient
dans des enclos loin de la maison. Ces enclos étaient défrichés
seulement en partie, comme au sixième rang. Les bêtes étaient parfois la
proie des ours ou d’autres prédateurs parce qu’ils étaient presqu’en
forêt. Je me souviens d’avoir vu au moins une fois la carcasse d’un
mouton dans une clairière d’épinettes. Pendant l’hiver, les moutons
étaient gardés dans une annexe de la grange, évidemment non chauffée,
qu’on appelait la bergerie. La raison première pour faire l’élevage des
moutons était la laine qui servait totalement à l’usage domestique. Au
printemps, la tonte s’effectuait. Je me souviens d’avoir vu au moins une
fois ma mère accomplir cette tâche. Mon frère ainé tenait l’animal et,
avec l’aide de grands ciseaux, elle enlevait sa toison.
Par la suite, la laine était débarrassée
d’impuretés visibles et elle était placée dans des récipients qui
contenaient de l’eau chaude. Après avoir été trempée, la laine était
« bouillie » sur le poêle à bois. Cela donnait une senteur épouvantable
dans la maison parce que la laine contenait encore, notamment, du suint
et de la graisse. Une fois cette opération terminée, ma mère faisait des paquets et envoyait le tout par la poste à l’Isle-Verte où il y avait une filature. Au bout de quelques semaines, le tout revenait en boudins. Ma mère sortait son rouet et filait la laine. Le dévidoir servait à emmagasiner temporairement le fil de la bobine du rouet pour constituer un écheveau. Par la suite, on distribuait la laine à la main en faisant des pelotes. Les fils pouvaient alors servir pour le tricot ou le tissage.
Avec la laine, ma mère confectionnait notamment
des bas, des gilets, des couvre-tête, des camisoles, des pantoufles, des
foulards, des sacs d’école, des revêtements de coussins. La photo du dévidoir a été prise sur le site Kijiji. |
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# 2685
19
mars 2016 Les
véhicules motorisés Selon Marie-Ange Jean dans ses mémoires, Eugène
Vaillancourt fut le premier à Saint-Mathieu à acheter une automobile en
1917. À ce moment, les véhicules motorisés n’étaient pas équipés de
clignotants. Pour indiquer qu’on tournait à gauche ou à droite, il
fallait que le conducteur lève la vitre et sorte son bras gauche. Selon
la position du bras, l’automobiliste qui suivait décodait l’intention du
conducteur. Ce n’est que dans les années 1950 que tous les véhicules
possédèrent des clignotants. Jusqu’en 1950, les véhicules motorisés étaient
rares à Saint-Mathieu. Il y avait cependant de gros camions, comme des
26 roues, qui servaient principalement à transporter les billots de
bois. Pendant l’été, j’en voyais passer tous les jours ouvrables. Ils
allaient chercher le bois sur réserve forestière du rang 6 et du
Lac-Boisbouscache. Avant que mon père achète sa camionnette en
1952, ma mère cultivait des fraises de jardins. Ses clientes résidaient
au village. Une de mes sœurs avait la tâche de livrer les seaux de
fraises. Elle hélait le gros camion de transport de bois et se rendait
ainsi au village. Pendant que le camionneur allait vider son voyage au
moulin à scie, elle faisait le tour des clientes et revenait en camion à
la maison. Quand les routes ont été rendues roulantes
pendant l’hiver à Saint-Mathieu, il fallait à l’occasion mettre des
chaînes aux roues d’en arrière pour pouvoir franchir les côtes jusqu’au
rang 5. Les déneigeurs faisaient leur possible, mais leurs équipements
n’étaient pas toujours adéquats. La route qui mène à Saint-Simon a connu
des épisodes où les automobilistes ont littéralement pris le champ. Les tableaux de bord des véhicules d’autrefois étaient réduits à leur plus simple expression. Il contenait quelques indicateurs comme ceux de la vitesse et du millage (aujourd’hui kilométrage) parcouru. Les témoins d'alarme, d'alerte et de signalisation étaient inexistants au début. |
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# 2640
18
février 2016 Les
personnes noires Mon père ne portait pas de jugement sur les
personnes qui l’entouraient. Il aurait vendu des billots à un noir qui
en faisait le commerce. Ma mère avait plus tendance à juger les races ou
les différences. Elle n’aimait pas les Protestants. Toutefois, quand un
de ses cousins qui était prêtre devint pasteur protestant, elle
l’accueillit à bras ouverts. Quand on était ratoureux, elle nous
traitait de petits Juifs. Ce qualificatif était sans malice. Quand j’étais au Séminaire de Rimouski dans les
années 1950, j’ai vu des noirs en personne pour la première fois. La
télévision était dans ses débuts et elle présentait rarement des noirs,
surtout pas dans les téléromans et dans les émissions d’affaires
publiques. Les jeunes noirs que j’ai vus en personne venaient d’Afrique
et étaient inscrits à l’école de Marine, parce qu’à l’époque cette école
était la seule institution francophone en Amérique du Nord qui préparait
des marins. Ils venaient prendre leur repas à la cafétéria du Séminaire. En 1962, je demeurais à Longueuil. J’ai eu des
problèmes d’estomac et j’ai décidé de consulter un médecin. Comme je
n’en connaissais pas, j’ai pris l’annuaire téléphonique. Je suis tombé
sur un toubib de patronyme Jean. J’ai obtenu un rendez-vous. Pas
longtemps après mon arrivée, un homme est sorti de son bureau et a dit
mon nom. C’était un noir. J’ai eu un moment de recul. Rapidement, j’ai
accepté la situation. J’étais un peu impressionné parce que c’était la
première fois que j’entrais en contact avec un noir. Inutile de dire que
ce Haïtien m’a donné un excellent service. Dernièrement, j’ai écrit un conte : Un noir dans la paroisse. Je voulais imaginer les réactions de l’arrivée d’un jeune noir dans une paroisse rurale de la moitié du 20e siècle. Je vous invite à le lire dans le cadre du mois des Noirs. Voir : http://www.charleries.net/contes.htm#2565. |
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# 2580
26
janvier 2016 Le tas de
fumier de Job Quand j’étais à la petite école dans les années
1947-1953, l’histoire sainte était une matière importante. Dans l’ordre,
elle venait après le catéchisme. L’histoire sainte se résumait à des
petites histoires que l’institutrice nous racontait. L’une de ces
histoires qui m’a le plus impressionné est celle de Job.
Job est
un homme très riche et très pieux. Il vénère Dieu et le comble
d’offrandes. Un jour, Dieu et Satan se rencontrent. Voici leur
conversation de façon romancée, mais conforme aux écrits de la Bible :
Dieu. –
Job est mon meilleur serviteur. Il est intègre et droit. Il ne manque
jamais une occasion de démontrer son estime et son admiration à mon
égard.
Satan.
– Depuis longtemps, tu le protèges. Il a une belle maison, une belle
famille et ses troupeaux couvrent le pays. Mais, ce que tu ne sais pas,
par ses offrandes, il fait semblant de te vénérer alors qu’il te maudit.
Je suis certain que, s’il perdait tous ses biens, tu verrais son
attitude changer.
Dieu. –
Tu es complètement dans les patates. J’ai confiance en cet homme.
Satan.
– Alors, laisse-moi lui infliger des épreuves et tu verras.
Satan
se met à l’œuvre. Les serviteurs de Job sont assassinés, ses troupeaux
sont volés et ses enfants sont écrasés dans l’effondrement de sa maison.
Job n’a plus rien. Abandonné de tous, il doit se résigner à vivre sur un
tas de fumier. Malgré ces catastrophes, Job conserve sa confiance en
Dieu. Dans la Bible, on peut lire que
Job déclare alors : « Nu je suis sorti du ventre de ma mère, nu j’y
retournerai. Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris : Que le nom du
Seigneur soit béni ! »
Satan
déçu et fâché revient à la charge et, cette fois, il s’attaque à Job
lui-même. Ce dernier est frappé par la lèpre. Il est couvert d’ulcères
des pieds jusqu’à la tête. Même sa femme lui conseille de renier Dieu.
Mais Job ne bronche pas dans sa foi.
Dieu
est ému par son attitude. Il lui rend la santé et le double de ce qu’il
avait perdu. Heureusement l’histoire se termine bien : « Job
vécut après 140 ans, et il vit ses fils et les fils de ses fils jusqu'à
la quatrième génération. Et Job mourut âgé et rassasié de jours. »
Pour un
écolier, le tas de fumier est une image très forte qui est à la fois
troublante et choquante, car ce n’est pas très ragoutant. Si on ajoute
les plaies qui couvrent Job, c’est pas mal dégoutant. Ce jour-là, en
revenant de l’école, je regardais le tas de fumier à l’ouest de la
grange, et j’y voyais mon père.
Depuis ce temps, j’ai appris que Job est aussi
cité dans le Coran. D’ailleurs, preuve que l’histoire de Job a frappé
l’imaginaire, il existe une expression : « Être pauvre comme Job. » |
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# 2535
7
novembre 2015 Le texte
d’un écolier En février 1953, j’ai marché au catéchisme
pendant un mois les avant-midis. L’après-midi, je n’allais pas à
l’école, vu la distance trop grande à parcourir du village au rang 5.
Mon institutrice, Marie-Rose Boulanger, me donnait des travaux à
effectuer et je les faisais sur la table de cuisine de grand-père Émile
Théberge. Lors d’une semaine, elle m’a demandé de rédiger
une composition sur le carême. J’ai écrit un texte dont le titre est :
« La Pénitence ». Le voici intégralement : « Oh ! que je le mangerais ce chocolat si
aujourd’hui était hier. Il est d’un beau brun, il est tendre et bon.
Aujourd’hui, c’est le mercredi des Cendres, je me rappelle, le prêtre
m’a mit (sic) de la cendre sur la tête en disant : « Souviens-toi ô
homme que tu es poussière et que tu reviendras en poussière. » Il est si
tendre, si bon ce chocolat, je le met (sic) sur ma lèvre. Hier, en
mangeant mes autres, s’il ne saurait (sic) pas cacher (sic), il serait
manger (sic). Je vais essayer de faire ce petit sacrifice pour notre
Seigneur, lui il a jeûné pendant quarante jours. Il n’a pas bu ni manger
(sic). Oh ! que l’on est faible. » J’avais réussi à faire six fautes dans un court
texte. Qui a dit que les jeunes de fin du primaire des années 1950
maîtrisaient mieux leur langue que ceux d’aujourd’hui ? Notez que l’empreinte religieuse est très
présente dans le texte. |
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# 2490
4
octobre 2015 Marcher
au catéchisme
Il existait autrefois une coutume qu’on
appelait « marcher au catéchisme ». Au début du 20e
siècle, cette activité est une préparation à la première communion.
Le chanoine Lionel Groulx a
raconté que, lorsqu’il était jeune, marcher au catéchisme était vu comme
un geste solennel. L’enfant qui y participait jouissait d’une haute
considération de la part de tous, ce qui était une façon de l’obliger à
avoir une attitude presque d’adulte. Quand j’étais jeune, cette activité préparait à
la communion solennelle. La cérémonie consistait à faire une profession
de foi, c’est-à-dire à renouveler les engagements pris au baptême en
notre nom, par notre parrain et par notre marraine et sans notre
consentement. Aujourd’hui, cette profession de foi se fait lors de la
confirmation. C’est le curé qui
était responsable de prodiguer l’enseignement religieux à des jeunes de
7e et de 8e année. J’ai marché au catéchisme
pendant un mois, soit du 23 février au 20 mars 1953 trois heures pas
jour, soit en avant-midi. J’avais alors 11 ans. Nous étions 64
participants à cette activité et j’étais un des plus jeunes. Que nous
enseigne le curé ? Les enseignements du curé Alfred Bérubé touchent
l’ensemble du catéchisme de l’époque et, à certains égards, ressemblent
à des cours de droit canonique. Nous apprenons les critères d’empêchement de
mariage, les sortes de péchés : originels et actuels, mortels et
véniels, les commandements de Dieu et de l’Église, le catalogue des
indulgences. Nous apprenons que le péché de nos premiers parents a
obscurci notre intelligence et affaibli notre volonté, en nous donnant
une inclination au mal. Pas très rassurant pour un enfant de 11 ans qui
ne réussit pas à identifier les péchés qu’il fait. Nous apprenons, notamment, comment faire pour ne
pas tomber dans l’ivrognerie : « Ne pas aller au cabaret ; ne prendre
aucune boisson enivrante entre les repas ; fuir la société de ceux qui
aiment à boire ; s’engager dans la société de tempérance et en suivre
les règles. » Que comprend un enfant de 11 ans qui ne sait même pas ce
qu’est un cabaret et qui n’a jamais goûté à une boisson alcoolisée et
qui, plus est, n’a jamais vu personne boire de l’alcool, sauf le curé à
la messe ? J’ai aimé cette expérience que j’ai trouvée quand même ardue. En effet, j’avais de la difficulté à me concentrer n’ayant jamais était amené à l’école à suivre un cours magistral de plus de deux ou trois minutes. |
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#
2470
20 septembre 2015 Deux ans
déjà Ce blogue a été mis en ligne le 20 septembre
2013. Il fête donc son deuxième anniversaire aujourd’hui. Depuis le
début, le blogue a progressé. Jusqu’à ce jour, j’ai publié 2470
articles. Aspect
personnel On y trouve 36 contes, un roman, 86 poèmes, les
mémoires de Marie-Ange Jean, 73 articles sur la généalogie, 109 de
souvenirs, 98 sur Saint-Mathieu-de-Rioux et 80 sur le Séminaire de
Rimouski.
Récréations On y trouve 1761 récréations : 212 défis
logiques, 280 énigmes, 201 problèmes anciens, 221 quiz mathématiques
comportant chacun cinq questions, 298 divertissements mathématiques, 273
trucs mathématiques, 240 distractions de mots et 36 mots siamois. Ajoutons à cela 79 articles de propos
mathématiques, 33 de réflexions, 25 sur Rimouski et 43 sur le Québec en
général. Le nombre de visiteurs varie de 2000 à 3000 par
mois : ce qui donne une moyenne d’un peu plus de 80 visites par jour. Le
point culminant s’est étendu sur deux jours consécutifs : 158 visites le
18 juillet 2015 et 177 le 19 juillet suivant. Pendant la dernière période de 30 jours, les
visiteurs sont répartis dans 40 pays. Les pays qui fréquentent le plus
le blogue sont dans l’ordre : France, Québec-Canada, Suisse, Belgique,
États-Unis et l’Île Maurice. Les visiteurs sont répartis dans 188 villes. Les
villes les plus présentes sont dans l’ordre : Montréal, Paris, Zurich,
Boulogne, Bruxelles et Rimouski. Sous l’aspect personnel, les cinq pages les plus
consultées sont dans l’ordre : généalogie, Saint-Mathieu, contes,
Rimouski et Séminaire. Sous l’aspect récréatif, ce sont : défis
logiques, trucs mathématiques, divertissements mathématiques, quiz et
énigmes. Les blogues ont une vie relativement courte pour
diverses raisons : manque d’inspiration de la part de l’auteur, bris de
motivation, manque de disponibilité, etc. Espérons que
Les Charleries pourront encore
se faire entendre le plus longtemps possible. |
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#
2440
3
septembre 2015
Le chapelet à la radio Le chapelet à la radio a marqué la plupart des
jeunes du diocèse de Rimouski, y inclus ceux de Saint-Mathieu dont les
parents ont rapidement mis en pratique les exhortations de leur curé. Dans les années 1950, chaque jour à 19 heures,
l’Archevêque de Rimouski, Mgr Charles-Eugène Parent, récitait le
chapelet à la radio. Cette émission provenait de la station CJBR de
Rimouski, affiliée à Radio-Canada. Dans ma famille, comme
dans beaucoup d’autres, toutes les activités cessaient pour dire le
chapelet en famille. Agenouillés devant la croix noire, signe de
tempérance, nous répondions aux prières de Mgr Parent.
Nous trouvions le temps long car le
chapelet durait 15 minutes. Quand nous manquions l’émission, surtout
l’été à cause des travaux de la ferme, la récitation du chapelet par ma
mère ne dépassait pas 10 minutes. C’est que Mgr Parent passait des messages en
commentant les mystères reliés au chapelet. En effet, chacune des cinq
dizaines était précédée de l’énoncé commenté d’un mystère parmi 15.
Ceux-ci étaient partagés en trois classes : mystères joyeux (lundi et
samedi), mystères douloureux (mardi et vendredi) et mystères glorieux
(mercredi, samedi et dimanche). Pour ceux qui ne
connaissent pas le chapelet, le tout commençait par un signe de croix,
suivi d’une intention de prières, du
Je crois en Dieu, d’un
Notre Père, de trois
Je vous salue Marie et du
Gloire soit au Père. Suivaient
cinq dizaines. Chacune comprenait un
Notre Père, 10
Je vous salue Marie et un
Gloire soit au Père. À la suite du chapelet,
ma mère en profitait pour nous guider dans la récitation des prières
comme le Je confesse en Dieu, les neuf actes, les 10 commandements de Dieu,
les sept de l’Église, etc. C’était en même temps une façon d’apprendre
ces textes par cœur. Au Québec, le Chapelet en famille est mis en ondes le 1er octobre 1950. L'initiative de ce projet revient à l'évêque de Rimouski, Mgr Courchesne. Il suggère à Mgr Paul-Émile Léger, du diocèse de Montréal, de se faire connaître des fidèles de son diocèse en obtenant 15 minutes par semaine de temps d'antenne à la radio. Celui-ci fait le projet de réciter le chapelet à la radio tous les jours. Le directeur des programmes à CKAC, Ferdinand Biondi, accorde un essai d'un mois. La grande aventure du Chapelet en famille commence et dure plusieurs années. |
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2395
3 août 2015 Les
oreillons C’était
le 23 décembre 1947, le dernier jour de l’école avant les vacances
de Noël. J’avais six ans. La journée scolaire se déroula comme
d’habitude. Quand
j’arrivai à la maison, ma mère me regarda et vit que le bas de mes
joues commençait à enfler. Elle me dit : « Tu as les
oreillons. » Deux
de mes sœurs plus âgées que moi étaient déjà alitées. Mère avait
fait déménager un demi-lit dans une petite pièce attenante à la
salle à manger. Dans ce temps-là, nous couchions dans le grenier, une
pièce située au-dessus de la cuisine et qui était peu chauffé, si ce
n’est que par une bouche percée dans le plafond vis-à-vis du poêle
à bois. Ma
mère, qui était une femme débrouillarde, me dit : « Tu vas
coucher dans le même lit que tes deux sœurs malades. » Je me
retrouvai alors au pied du lit, mais de travers. Quand
la soirée du 24 décembre arriva, j’entendis des voix dans la
cuisine. J’écoutai attentivement ce qu’on disait : des
bonbons, une orange, etc. C’était mon père et ma mère qui préparaient
des bas de Noël. Grâce aux oreillons. j’appris qu’on ne me disait pas la vérité quand on me faisait croire que le contenu des bas provenait directement du Père Noël. |
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2350
25 juillet 2015 Pluies
acides Quand
j’étais jeune, mon père avait deux terres : une au rang 5 et
l’autre au rang 6 de Saint-Mathieu. Pour se rendre au rang 6, on
empruntait la même route que les touristes prenaient pour atteindre le
Lac-Boisbouscache, un territoire non organisé. Près de la barrière
installée à l’année pour empêcher les curieux d’aller plus loin,
un chemin en forêt avait été tracé vers l’est. On
franchissait environ un kilomètre en passant sur la partie concédée
à la Brown Corporation, puis on atteignait la terre du rang 6. Il
y avait là un lopin de terre qui avait déjà été habité par
Ferdinand Rousseau au début du 20e
siècle. Plus au sud, un autre lopin avait été défriché par François
Ouellet. Sur ce dernier lopin, j’ai vu les souches qui prenaient de
l’âge. Mon père les a arrachées. Il est arrivé que les moutons
passent leur été un peu au sud de ce dernier lopin. En
continuant vers le sud dans la forêt et après avoir franchi un pont de
construction artisanale, on atteignait un immense terrain plat. Nous
appelions ce terrain Les prairies.
La raison est que, vers l’ouest, il y avait un lac, soit le lac des
Prairies. Le terrain était entouré de forêts et était borné au sud
par le Lac-Boisbouscache. Au
nord de ce terrain, il y avait un très petit camp composé de deux
bancs, face à face. On y allait pour prendre le lunch du midi. Tout à
côté, il y avait une vieille grange, d’ailleurs très petite, où
mon père pouvait décharger ses voyages de foin, car on était à au
moins trois kilomètres de la maison. Faire l’aller-retour avec un
voyage de foin tiré par un cheval prenait un temps considérable.
Pendant la saison morte, mon père allait chercher le foin qui y avait
été remisé. Devant
le petit camp, il y avait une source d’eau qui nous permettait de nous
désaltérer. Toutefois, quand j’ai eu 10 ans, soit en 1951, mon père
nous défendit de boire cette eau. La raison était que la pollution
engendrée par les usines des États-Unis pouvait avoir contaminé
l’eau. Étant donné que l’eau provenait d’une source souterraine,
il est peu probable que cela était le cas, mais il fallait agir par précaution. Cette
expérience avec la pollution qui provoquait des pluies acides jusque
sur nos terres québécoises a été un choc pour moi. Je me disais
qu’il y avait des « méchants » qui ne se souciaient pas
de notre santé en déversant des résidus toxiques sur des terres jadis
pures. Une seule raison semblait exister. « Il est important de
faire de l’argent sans se préoccuper de la nature. » |
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2295
30 juin 2015 La
fenaison à l’ancienne Dans
les années 1940, la récolte de foin commençait vers le 15 juillet
dans la région du Bas-Saint-Laurent. Pendant
cette journée où mon père bossait sur la faucheuse, il était
heureux. Il appréhendait le début des récoltes, car il n’aimait pas
travailler sur la terre. Voici
comment se faisait la fenaison sur la ferme familiale : 1.
Le fauchage La
première opération consistait à faire le tour du champ pour faucher
une lisière avec la petite faux, afin de ne pas écraser indûment le
foin. Par la suite, mon père attelait ses deux chevaux à la faucheuse.
Cet instrument avait un long manche composé de lames coupantes qui
avaient été soigneusement aiguisées. En faisant le va-et-vient, les
lames coupaient le foin. Il fallait surveiller les roches, car dans ce
temps-là, on disait, à la blague, que les roches poussaient comme
l’herbe. 2.
Le fanage Le
foin coupé était laissé sur le sol un ou deux jours. À mesure que la
saison avançait, le foin était plus sec. La période de fanage était
plus courte. Quand la pluie s’invitait, le foin restait plus
longtemps. Si la pluie persistait, il fallait au moyen d’une fourche
faire des tas. Cela protégeait une grande partie du foin. Parfois, il
fallait le retourner pour éviter les moisissures. 3.
L’andainage Sauf
dans les terrains marécageux, l’andainage se faisait avec un grand râteau
tiré par un cheval. Les dents recourbées du râteau emmagasinaient le
foin. À un moment donné, il s’agissait de faire basculer le râteau
et de produire ainsi un alignement de foin qu’on appelle andain. Cette
tâche revenait généralement au plus vieux de la famille. 4.
Le ramassage Après
le passage du grand râteau, le foin était prêt à être ramassé. Mon
père ou les garçons à partir de 14 ans utilisaient une fourche pour
remplir la charrette tirée par un cheval. Il fallait un jeune à partir
de 8 ou 9 ans pour fouler le foin afin d’en mettre le plus possible
dans le « rack ». Derrière celui qui ramassait le foin,
ordinairement les filles, munies d’un petit râteau, ratissaient les
brindilles qui restaient sur le sol. Mon père était très exigeant
pour cette dernière opération. 5.
L’entreposage La
charrette se dirigeait vers le fenil de la grange où, au moyen d’une
fourche, le foin était déchargé dans des tasseries qui partaient du
sol. Quand le foin débordait sur le fenil, il fallait qu’un jeune
soit sur la tasserie pour pousser le foin dans les extrémités et le
fouler au besoin. Cette opération était difficile pour les poumons car
la grange devenait vite remplie de poussières de foin. On
aura remarqué que tout se fait à la force des bras, aidé de fourches
et de râteaux. Avant la venue de la faucheuse et du grand râteau, le
travail se faisait avec une serpe ou un petite faux pour le fauchage et
avec une fourche et un petit râteau pour l’andainage et le ramassage.
Le cheval servait uniquement pour les transport du foin. |
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2250
21 juin 2015 Mes
deuils patrimoniaux On
dit parfois qu’il ne faut pas être nostalgique, mais cela fait du
bien à l’occasion de revoir les endroits où l’on a vécu. Voici ce
qui s’est passé dans mon cas : •
La maison où je suis né, au rang 5, a été démolie en 1970, de même
que toutes les dépendances. •
Les arbres fruitiers qui s’y trouvaient ont disparu un à un en raison
de l’élargissement de la route ou de leur âge. •
La maison où mes parents ont habité à leur retraite a brûlé après
qu’elle ait été vendue. •
L’école du rang où j’ai fait mes études primaires a été remplacée
par une autre en 1954, qui à son tour a été démolie. •
Le rang où je suis né était habité par des cultivateurs.
Aujourd’hui, il n’est plus cultivé. La forêt y reprend
tranquillement les droits qu’on lui avait aliénés. •
La terre du rang 6 de mon père n’est plus qu’une immense forêt.
Impossible d’avoir des points de repère pour s’y reconnaître. •
Le Séminaire où j’ai fait mes études secondaires et collégiales a
été transformé en cégep. La bâtisse est encore là, mais elle a
subi de nombreuses transformations. Je
suis conscient de ne pas être le seul dans ce cas, loin de là. Une
paroisse comme Saint-Mathieu-de-Rioux a subi de nombreux changements au
cours du 20e siècle. Si j’ai recensé mes « deuils », ce n’est pas pour me plaindre, c’est pour mieux comprendre le passé. Perdre ses souvenirs est toujours navrant, mais cela ne nous empêche pas de vivre. |
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2205
12 juin 2015 Les
sous noirs Il
y a 100 ans et plus, le sou noir avait une valeur marchande relativement
importante. Il y eut le sou de la Propagation de la foi et le sou de la
Sainte-Enfance. Dans son Catéchisme des Caisses populaires,
Alphonse Desjardins insiste sur le sou et organise de petites caisses
dans les écoles où les jeunes pourront déposer leur sou noir. Depuis
une cinquantaine d’années, l’argent circule plus au Québec. Aussi,
il y a quelques années, le Gouvernement fédéral a aboli le sou noir
parce qu’il était devenu encombrant. Voici
le coût de certains produits en 1887,
puisés dans le site Ligne du
temps : 1
livre de pain : 4 sous 1
livre d’orge : 4 sous 1
livre de farine : 4 sous 1
livre de sucre : 6 sous 1
livre de lard : 10 sous 1
livre de graisse : 12 sous 1
livre de jambon : 14 sous 1
douzaine d'œufs : 15 sous (En 2015, 1 douzaine d’œufs coûte autour
de 5 $) 1
boîte de saumons : 16 sous 1
pinte de mélasse : 19 sous 1
livre de beurre : 22 sous 1
poche de 60 livres de pommes de terre : 70 sous Le
menu du jour dans un restaurant coûtait alors 25 sous. On imagine que
les moins bien nantis donnaient 1 ou 2 sous noirs de pourboire et que
les riches étalaient un gros cinq cents blanc sur la table. Notez
qu’une livre équivaut à 453 grammes ou à près d’un
demi-kilogramme. |
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2155
2 juin 2015 Mathieu
Ouellet (1921-2000) Mathieu
Ouellet est le fils de J.-Émile Ouellet et de Célina Bérubé. Il est
le cousin germain de ma mère. Il est né le 12 octobre 1921. Il fait
son cours classique au Séminaire de Rimouski en même temps que son frère
aîné Ulric. Les deux frères sont ordonnés prêtres le 6 février
1949 à Rimouski par Mgr Georges Courchesne. En
août 1953, alors qu’il assiste à la soirée de noces d’une de mes
sœurs mariée avec son frère, Mathieu Ouellet m’a invité à l’écart.
Je venais de m’inscrire au Séminaire. Il m’a demandé si je voulais
devenir prêtre. J’ai répondu dans l’affirmative. Il a conclu en
disant : « De toute façon, il te reste huit ans pour y
penser. » J’ai senti dans son regard qu’il n’était pas
certain d’approuver mon choix. Au
milieu des années 1950, les Mathéens apprennent qu’il a quitté la
prêtrise, qu’il est parti avec une femme à Montréal et, comble de
tout, il est devenu pasteur protestant. Ce fut un choc épouvantable
dans la paroisse. Certains disaient que c’était à cause de cette
femme. On le sait, à l’époque, la femme était considérée comme un
« objet » de péché. D’autres étaient scandalisés du
fait qu’il avait quitté l’Église catholique. Un citoyen très
respectable de Saint-Mathieu m’avait dit : « Mathieu
Ouellet, il va brûler en enfer et pour longtemps. » Ces propos étaient
énoncés avec une telle vigueur et une telle rage qu’ils
n’admettaient aucune réplique. » Dans tout ça, ma mère était
très éprouvée, mais elle a toujours dit qu’il ne fallait pas le
juger. Pour
ajouter au rejet, Mgr Charles-Eugène Parent est venu voir ses parents
à Saint-Mathieu et leur a défendu de laisser entrer leur fils dans la
maison paternelle, à moins que ce soit pendant la nuit. Pourtant ces
parents avaient donné, à part lui, deux fils et une religieuse à l’Église. À
l’entrée principale du couvent, il y avait un cadre qui montrait
individuellement les fils prêtres de la paroisse depuis ses débuts. Un
jour, je suis allé au couvent. J’ai été surpris et fâché qu’on
ait découpé maladroitement et enlevé la photo de Mathieu, laissant là
un trou. En
1966, quand Mgr Parent a su que j’écrivais l’album-souvenir, il
m’a fait venir à l’archevêché. Après les politesses d’usage,
il m’a dit : « Mathieu Ouellet, tu n’en parles pas dans
l’album. Pour nous, il est mort. » J’ai obéi de reculons,
parce que je faisais ainsi un accroc à l’histoire. » Quand
j’y pense aujourd’hui, connaissant la mentalité de l’époque, je
me pardonne. En
1987, Mathieu Ouellet prend sa retraite et s’installe à
Saint-Mathieu. En 1991, alors que Saint-Mathieu fête son 125e
anniversaire, Claire Pelletier, son épouse, m’avait demandé d’écrire
le texte de la soirée historique. Le couple avait acheté une maison au
village lorsque Mathieu avait pris sa retraite. Un
après-midi, je me suis rendu chez le couple. À brûle-pourpoint,
Mathieu m’a demandé pourquoi je n’avais pas cité son nom dans l’album-souvenir
du centenaire. J’étais mal à l’aise. J’ai réfléchi deux
secondes et j’ai enchaîné : « Mgr Parent est maintenant décédé.
Je peux vous raconter ce qui s’est passé même si c’était une
conversation privée. » Je lui ai dit textuellement ce que
l’archevêque m’avait dit. Il a baissé la tête, sans dire un mot.
J’ai ajouté : « Pour le 125e,
je vais me racheter et j’ai déjà décidé de vous nommer comme prêtre. » Mgr
Parent a été très sévère dans ce dossier, mais cela ne lui enlève
par ses qualités humaines et spirituelles. Mathieu
est décédé le 28 avril 2000. Il repose dans le cimetière catholique
de Saint-Mathieu. Signe que les temps ont changé. En 2004, un livre a
été publié sur les prêtres du diocèse. Le nom de Mathieu Ouellet y
apparaît. Mathieu
Ouellet a subi les pires humiliations. Il a été rejeté, mais il a vécu
contre vents et marées toutes ces épreuves s’appliquant à vivre la
vie qu’il désirait. Pour moi, c’est un héros. Les
jeunes qui liront cette histoire vraie auront sûrement de la difficulté
à comprendre comment des personnes pourtant honnêtes et vertueuses ont
pu le lapider sur la place publique et manifester une telle hargne à
son égard. Ils diront : « Qu’avait-il donc fait de si
grave ? ». |
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2115
25 mai 2015 Jean-Baptiste
Paradis (1863-1956) Jean-Baptiste
Paradis est le fils de Joseph Paradis et de Lucrèce Michaud. Il épouse
Géraldine Ouellet, fille d’Étienne Ouellet et de Rachel Lévesque,
le 21 octobre 1884 à Saint-Mathieu. Le
1er janvier 1953, je m’en allais à la messe avec ma mère.
Je chantonne : « C’est dans le temps du Jour de l’An. »
Le trottoir n’est pas déblayé. Quand une voiture à cheval passe, il
faut grimper sur le banc de neige. Tout à coup, je vois un vieillard se
diriger vers nous. Ma mère se tourne vers moi et dit : « C’est
mon grand oncle Jean-Baptiste Paradis. » J’étais fort surpris.
Je n’avais jamais entendu parler de lui. Je connaissais les oncles et
les tantes de ma mère, mais un grand oncle, pas. J’avais
11 ans et cet homme me paraissait un vieillard. Ma mère, toujours aussi
charmante, l’interpelle : –
Bonjour, mon oncle Jean Baptiste. –
Je pense que tu es la fille à Marie-Luce, ma nièce, de reprendre
Jean-Baptiste. –
Oui et comment va votre santé, de répondre ma mère ? –
Tu sais, Marie-Laure, j’ai 90 ans. À part quelques troubles
d’estomac, ma santé est bonne. Je pense que le bon Dieu ne veut pas
de moi au paradis (ricanement). En
se tournant vers moi, il poursuit : –
C’est ton gars ? –
Oui, il veut aller au Séminaire en septembre et faire un prêtre. –
C’est bien. Le clergé a besoin de relève. Mais comment va ton père,
Émile Théberge ? –
Il commence à être en enfance. Certains jours, il fait des fugues. Il
veut aller trouver son père pour faire du sucre. Vous savez que son père
est mort depuis une trentaine d’années. –
Pourtant, il n’est pas vieux. –
C’est vrai, il n’a que 71 ans. Pendant
la messe, j’ai eu la réflexion suivante : « Si mon arrière
grand-oncle a 90 ans, il est né en 1863. Il avait quatre ans quand la
Confédération a vu le jour. Il avait 55 ans quand la première guerre
mondiale a éclaté. » J’étais de plus en plus étonné.
C’est probablement le plus vieil homme que j’avais déjà rencontré.
Toutefois, j’avais de la difficulté à comprendre que lui, mon arrière
grand-oncle, qui était né en 1863, vivait encore alors que mon grand-père
Jean était décédé depuis 31 ans. Au
retour de la messe, ma mère m’a expliqué que son grand-oncle avait
épousé une fille d’Étienne Ouellet qui était le grand-père de sa
mère. Il n’en fallait pas davantage pour que je le trouve encore plus
vieux. Jean-Baptiste
Paradis est décédé le 19 janvier 1956 à 93 ans, trois ans après
cette rencontre. Je n’ai pas connu son épouse, car elle est décédée
en 1944. |
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2080
18 mai 2015 La
pulpe Produire
de la pulpe était une opération différente de celle de faire des
billots. Mon père choisissait les sapins ou les épinettes de taille
plus petite ou encore dont la croissance se faisait plutôt vers le bas.
Une fois abattu au moyen d’un godin (scie à archet), l’arbre était
taillé en billes de quatre pieds, que nous appelions pitounes.
Il fallait enlever l’écorce. Cette tâche nous revenait à partir de
9 ou de 10 ans. Nous commencions par faire une saignée dans l’écorce
avec une palette de fer recourbée en une extrémité légèrement
coupante. Cet outil avait probablement était fabriqué par le forgeron
du village. Par
la suite, nous tirions sur l’écorce pour que des lanières se
forment. La première lanière était la plus difficile à extirper. Les
autres suivaient en soulevant l’écorce toujours avec la palette.
Cette opération d’épluchage était appelée pleumer
de la pitoune. J’aimais
beaucoup accomplir cette tâche. Nous étions en pleine forêt dont la
senteur est idyllique. Il y avait toutefois deux inconvénients :
la gomme de sapin ou d’épinette et les mouches noires ou les
maringouins. Les mains brunissaient rapidement au contact de cette gomme
sur laquelle s’agglutinaient les poussières d’écorces. Il était
alors plus difficile de chasser les insectes ravageurs. Un
été, l’oncle Léo Jean qui vivait à Montréal est venu passer une
semaine chez mes parents. Il en a profité pour venir scier quelques
pitounes et en faire le pleumage avec nous. C’était, pour lui, pas
mal différent que la vie en ville. Le
27 juillet 1951, mon père a vendu du bois de pulpe pour 350 $. C’est
donc dire qu’on en a pleumé des pitounes cet été là, qu’on
s’est fait piquer par les mouches à profusion et que nos mains se
sont transformées plusieurs fois en un résidu brunâtre mêlé de
gommes et de poussières d’écorce. |
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2010
26 avril 2015 Un
enfant perdu Nous
sommes en 1946. J’ai 5 ans. Mes deux sœurs ainées décident
d’aller cueillir des framboises sur la terre de Cyprien Plourde,
aujourd’hui Bernard Vachon. Je veux aller avec elles, mais celles-ci
ne veulent pas m’emmener prétextant que je serais un embarras. Je
sors de la maison en même temps qu’elles. Elles font le tour de la
maison et font semblant d’emprunter la route du rang 6. Je m’engage
dans cette route. Quand je m’aperçois que je ne les vois pas, je
reviens sur mes pas. Parvenu au coin de la maison, une surprise
m’attend. Elles ne sont pas sur la route du rang 5. Je me rappelle très
bien de ma mine déconfite quand je réalisai qu’elle s’était
volatilisée. J’emprunte
alors la route du rang 6. Pour le reste, je n’ai aucun souvenir, mais
on me l’a raconté si souvent que j’en connais les détails. Je
me sens probablement perdu. À 100 mètres de la maison, je me couche le
long du chemin et je me mets à pleurer. Combien de temps ai-je été
dans cette position ? Je n’en ai aucune idée. À
un moment donné, la voisine Hélène Jean, l’épouse d’Hormidas
Gaudreau, dont la maison était à un arpent de celle de mes parents,
entend des pleurs. Elle vient voir ce qui se passe et, toute heureuse,
me ramène à la maison. Les
parents de ce temps-là ne s’inquiétaient pas outre mesure pour leurs
enfants. Cette route du rang 6 voyait passer souvent des camionneurs qui
transportaient des billots du Lac-Boisbouscache à la scierie Dionne
située sur la rive nord du Petit lac Saint-Mathieu. Il est certain que
si un camionneur m’avait vu à cet endroit, il aurait arrêté son véhicule
et m’aurait conduit chez mes parents. Les enlèvements d’enfants étaient, à l’époque, un phénomène rare. Les gens qui circulaient dans les chemins du rang 6, comme les touristes par exemple, étaient des gens honnêtes qui n’auraient jamais pensé profiter de la situation. Du moins, tout le monde le pensait alors. |
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1975
19 avril 2015 Les
petits Chinois Quand
j’étais au primaire, il y avait annuellement un événement qui
frappait notre imagination et qui nous séduisait : c’était
l’achat de petits Chinois. Un
petit Chinois coûtait généralement 25 sous. À mon école de rang,
nous pouvions en avoir deux pour 25 sous. Quand nous avions accumulé
les 13 sous pour un enfant, c’était un exploit. Alors, il ne m’est
jamais venu à l’idée d’acheter deux petits Chinois. On
nous remettait alors une image sur laquelle on pouvait inscrire le prénom
de baptême de l’enfant qu’on voulait faire entrer dans l’Église.
Évidemment, on lui donnait un prénom français. C’était une expérience
unique. À 8 ou 9 ans, avoir réussi à acheter un enfant et lui assurer
le salut éternel nous donnaient des frissons. Par le fait, nous
devenions parrain ou marraine de cet enfant. Quelle responsabilité ! L’institutrice
nous disait alors que la Chine était située vis-à-vis de nous et que
si, on creusait un immense trou dans la terre, on aboutirait dans ce
pays. On faisait des gorges chaudes : « Pourquoi ne pas leur
faire passer les sous par ce trou ? » D’où
nous venaient les sous ? Je ne me souviens pas que, dans mon enfance,
j’aie acheté des friandises. Nous avions chacun une tirelire et
chaque sou gagné à gauche ou à droite y était entreposé. Si le
montant requis n’était pas atteint pour acheter un petit Chinois, on
demandait à nos parents de combler le tout. Si nous n’avions pas les
13 sous, nous pouvions placer quelques sous dans une petite boîte en
carton sur le bureau de l’institutrice. Ma
mère nous expliquait que l’achat de petits Chinois était une activité
de l’œuvre de la Sainte-Enfance. Les montants reçus servaient non
seulement à sauver les âmes des petits Chinois par le baptême, mais
aussi à les éduquer de façon chrétienne de façon à éviter
qu’ils brûlent éternellement en enfer. Quand
on demandait à l’institutrice ce qu’on faisait de nos dons, elle se
contentait de dire que l’argent était versé à des missionnaires québécois
en Chine. Cette réponse nous décevait parce que, dans notre tête
d’enfant, le petit Chinois acheté nous appartenait et c’est pour
lui seul qu’on acceptait de donner. On avait l’impression de faire
vivre un petit Chinois pour 13 sous, alors que, dans la pratique, il en
fallait plus pour leur venir véritablement en aide. J’imagine
(!) que les petits Chinois que nous avons achetés et rachetés et qui,
aujourd’hui, sont septuagénaires sont en train de mettre en branle
une activité qui consiste à acheter et racheter des petits Québécois
dont les parents ou les grands-parents, pour la plupart, ne s’intéressent
pas à l’Église. |
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1935
11 avril 2015 Une
rencontre inoubliable Nous
sommes au début de juillet 1948. J’avais 7 ans. Le soleil plombe ses
chauds rayons sur la campagne. Les oiseaux piaillent tout autour de la
maison. Après le train et la prière du matin en famille, ma mère décide
que nous irions aux petites fraises au rang 6 sur la terre d’Hormidas
Gaudreau. Elle prépare notre dîner. Ma
mère sait que Philéas Gaudreau, alors âgé de 72 ans, et Delphine
Dionne, 74 ans, séjournent dans un petit camp pour une partie de l’été
sur la terre de leur fils, Hormidas. Alors, elle nous recommande de leur
demander la permission d’y cueillir des fraises. Je
pars avec mes trois sœurs plus âgées. Après une bonne vingtaine de
minutes de marche, nous passons à travers bois et nous atteignons le
petit camp situé à l’orée de la forêt. Nous cognons à la porte.
Ils nous reçoivent aimablement comme les paysans de l’époque
savaient le faire. Nous nous présentons. L’un d’eux a dit :
« Ah ! les enfants d’Edmond Jean ». Ils connaissaient très
bien mon père car Philéas était le cousin germain de mon père et
c’est à lui qu’ils avaient vendu leur terre du rang 5 et une partie
de leur terre du rang 6 en 1932, soit 16 ans plus tôt. C’était
impressionnant de voir ces deux vieillards – c’est ainsi qu’on
appelait les gens de 70 ans et plus à l’époque – qui semblaient très
heureux de vivre dans la nature, loin du village où ils résidaient. Le
camp était très petit, probablement deux mètres sur trois mètres. Au
centre, il y avait un petit poêle. Autour du poêle, deux chaises berçantes
; au mur, deux ou trois tablettes pour déposer la vaisselle et des
chaudrons vieillots accrochés sur des clous ; derrière le poêle, un
lit. Ils
nous ont autorisés à cueillir des fraises à la condition qu’on leur
laisse un certain périmètre autour de leur camp. Ils avaient
l’habitude d’en cueillir pour leurs repas. Nous avons respecté leur
exigence même si on devait laisser de côté de beaux ronds. C’était
la première fois que je voyais le couple et ce fut la dernière.
Delphine est décédée en septembre 1949, un an plus tard, et Philéas,
en avril 1952. |
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1895
3 avril 2015 Les
anges gardiens Quand
j’étais dans la petite enfance, ma mère me racontait que chaque
personne avait un ange qui le surveillait et le protégeait. Quand
j’entendais le chant de Noël Les anges dans nos campagnes dont la première strophe était :
« Les anges dans nos campagnes ont entonné l'hymne des cieux et
l'écho de nos montagnes redit ce chant mélodieux. », je me
disais avec satisfaction que les anges savaient aussi chanter. Personnellement,
je n’ai jamais senti un ange sur mon épaule et je ne pouvais réussir
à y croire. Toutefois, à l’école, l’institutrice tenait les mêmes
propos que ma mère. Elle nous enseignait que « les anges étaient
de purs esprits créés à l’image et à la ressemblance de Dieu pour
l’adorer et le servir ». Elle ajoutait : « Les anges
s’occupent de nous ; ils ont souvent été envoyés par Dieu à
l’homme comme messagers, et ils nous sont aussi donnés comme gardiens
et protecteurs. » Je
pensais en moi-même : « C’est bien ce que ma mère disait ».
Pour préciser sa pensée (ou la pensée du petit catéchisme),
l’institutrice confirmait que chacun avait son propre ange gardien.
« Dieu, disait-elle, a donné à chacun de nous un ange gardien
pour nous préserver du mal et nous aider à être de bons chrétiens.
Nous devons respecter sa présence, lui témoigner notre reconnaissance
pour les soins charitables qu’il prend de nous, l’invoquer avec
confiance dans les tentations, et éviter tout ce qui peut déplaire à
Dieu et l’éloigner de nous ». Cette
suite de mots n’avait aucun sens pour moi. Comment pouvais-je croire
en une entité dont la présence réelle n’existait pas ? Comment se
faisait-il qu’à l’école les plus grands faisaient des mauvais
coups et désobéissaient à l’institutrice ? N’avaient-ils pas eux
aussi un ange gardien et pourquoi cet ange n’intervenait-il pas ? Par
la suite, l’histoire devenait à la fois plus intéressante, mais plus
troublante. En effet, l’institutrice ajoutait que, lorsque les anges
ont été créés, ils étaient bons et heureux, mais que certains, par
orgueil, avaient désobéi à Dieu et avaient été précipités en
enfer. Ils étaient devenus des mauvais anges ou des démons. La
question que je me posais alors : « Mon ange gardien, s’il
existe, fait-il partie du groupe des bons ou des mauvais anges ou
peut-il en même temps être bon ou mauvais ? » Je n’ai jamais
eu de réponse à cette interrogation. En
fait, cet enseignement servait beaucoup plus à troubler nos jeunes
cerveaux qu’à nous amener à une bonne conduite. |
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1810
17 mars 2015 Tante
Candide Théberge Tante
Candide Théberge est née le 23 mai 1912, soit cinq ans après ma mère
qui était sa sœur. Elle est demeurée catherinette toute sa vie ; elle
n’a jamais voulu se marier. On a souvent demandé à ma mère la
raison de ce choix. La réponse fut toujours évasive. Elle disait
qu’il en fallait une dans une famille pour prendre soin de ses vieux
parents. L’oncle Paul-Émile Bérubé, qui était marié avec sa sœur
plus jeune qu’elle, la taquinait souvent sur son statut, mais, peine
perdue, elle le repoussait. Quand
j’avais 5 ou 6 ans, tante Candide est venue relever ma mère. Relever
était une expression qui signifiait qu’une personne remplaçait la mère
pour une période déterminée après l’accouchement. Moi et mon frère
plus jeune, nous la suivions dans la maison pour la faire choquer, parce
qu’on sentait qu’elle n’avait pas d’autorité sur nous. Quand
j’avais 8 ou 9 ans, un 1er novembre, j’étais au village
avec ma mère en après-midi et je vis tante Candide sortir de l’église
et entrer aussitôt. Je demandai à ma mère pourquoi elle faisait cela.
Ma mère me répondit qu’en ce jour de la Toussaint si une personne
visitait trois fois l’église, elle gagnait une indulgence plénière.
Comme je ne savais pas ce que cela voulait dire, ma mère m’expliqua
que même si le péché est effacé par la confession, cela n’enlève
pas la peine temporelle due à la faute, qui se traduit par un séjour
au purgatoire. En gagnant, une indulgence plénière, tante Candide
pouvait penser qu’elle éviterait le purgatoire après sa mort. Plus
tard, quand j’ai marché au catéchisme, je suis demeuré chez elle
pendant un mois. Elle était très attentive et me traitait avec
beaucoup de soin. Un jour qu’elle m’avait demandé de faire une
commission au magasin coopératif, elle me donna un sou comme récompense.
J’étais content. Une trentaine d’années plus tard, je lui rappelai
ce fait et elle me dit : « Aujourd’hui, je t’en donnerais
beaucoup plus. » J’avais regretté de lui avoir raconté ce
souvenir. Après
la mort de sa mère en 1945, elle emménagea avec son père dans le
haut-côté de la maison paternelle. Elle n’avait aucune ressource
financière si ce n’est les redevances de l’oncle Georges qui avait
hérité de la terre de grand-père et la pension de vieillesse de son père.
Chaque dimanche, elle recevait aimablement notre famille avant et après
la messe. Elle
s’occupa de son vieux père jusqu’à sa mort en 1960. Quand celui-ci
mourut, il légua à tante Candide, outre ses biens, 1500 $. Les autres
enfants ont reçu 170,94 $. Un de mes cousins me racontait que son père,
Léo Théberge, lui avait remis son chèque pour la remercier des bons
soins qu’elle avait apportés à leur père. Je ne sais pas si ma mère
ou d’autres ont fait de même. Dans
les années 1990, tante Candide s’est fracturé une hanche en tombant
de sa chaise. Elle a alors décidé de ne plus jamais remarcher. Elle a
fini ses jours au Centre hospitalier de Trois-Pistoles. J’ai conservé
un excellent souvenir d’elle. Je suis certain que les indulgences plénières
qu’elle a gagnées lui procurent une belle place dans l’au-delà. |
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1770
9 mars 2015 Le
bûchage du bois Quand
j’étais jeune, mon père avait deux terres : l’une au cinquième
rang de Saint-Mathieu et l’autre au sixième rang. Peu à peu, mon père
défrichait des lots en vue de la culture ou du pâturage. À un moment
donné, il décida de conserver le peu de forêt qui lui restait en
abattant seulement les plus gros arbres ou encore ceux qui en empêchaient
d’autres de progresser en taille. Sans connaître le concept, il
rationalisait sa production. Mon
père n’avait aucun instrument mécanique pour abattre les arbres et
pour les découper en billots ou en billes. Avec une hache, il faisait
une entaille du côté où l’arbre penchait, même légèrement, tout
en tenant compte des arbres des alentours. Il visait à le faire tomber
dans une clairière, si peu large soit-elle. Pour les petits troncs, un
godin (scie à archet) était suffisant. Il était alors manié par une
seule personne. Pour les plus gros troncs, il fallait utiliser un
godendart qui est une scie à large lame avec une poignée à chaque
extrémité. Deux personnes étaient alors nécessaires. Il
fallait être très prudent quand l’arbre tombait. On ne pouvait pas
prévoir de façon certaine sa trajectoire car la trace de scie plus ou
moins horizontale dans le tronc pouvait faire dévier le mastodonte. Il
était de mise aussi de ne pas scier complètement le tronc. Autrement,
le bas de l’arbre pouvait être projeté vers l’arrière où
d’ordinaire nous nous étions réfugiés. Par contre, il fallait que
la trace de scie soit suffisamment complète pour qu’une partie ne
demeure pas sur la souche et fendille le tronc en l’éclissant :
ce qui pouvait faire rater un beau billot. Quand
l’arbre était abattu, il était ébranché à la hache et était
transformé en billots qui devaient mesurer chacun 12 pieds. Les billots
étaient enchaînés et, à l’aide d’un ou de deux chevaux, étaient
traînés dans un endroit où un gros camion pouvait les récupérer.
Ils étaient vendus ou encore acheminés à un moulin à scie pour en
faire des planches ou des madriers. C’est ainsi que pour la
construction de sa grange en 1946, mon père a pu utiliser le bois de sa
terre. Les
billots étaient vendus en lots. Le prix fluctuait selon l’offre et la
demande. Le 12 mars 1951, mon père a vendu 500 billots à Désiré
Dionne pour un montant de 425 $ : ce qui équivaut à 4063,65 $ en
2015. À cette époque, les ouvriers gagnaient un dollar l’heure. À
titre d’exemple, le salaire de base des mineurs de Noranda, en 1953,
était de 1,05 $ l'heure et leur semaine était de 48 heures. Ils
ont fait la grève et demandaient une augmentation de 22 cents l'heure
et la semaine de 44 heures. Pour
les cultivateurs, le bois constituait un revenu d’appoint très
important, sans compter que ceux-ci produisaient plus de 90 % de la
nourriture de la famille et pouvaient compter sur le bois de chauffage
pour passer à travers les rigueurs de l’hiver. |
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1730
1 mars 2015 Omer
Ouellet Omer
Ouellet est le fils d’Adélard Ouellet et d’Emma Ouellet. Il est né
le 19 mars 1914. Mon père avait alors 9 ans et il vivait dans la même
maison que le couple parce qu’il avait été adopté par Ludger
Ouellet et Philomène Lévesque, les parents d’Adélard. Après
la naissance d’Omer, mon père vécut dans cette maison jusqu’en
1932. Il a donc vu grandir Omer qui avait 18 ans quand mon père se
maria. Ils demeurèrent toujours en contact. C’est d’ailleurs Omer
qui fut le contremaître lorsque mon père fit construire une nouvelle
grange en 1946. Vers 1950, Omer décida d’aller s’établir à Amos
en Abitibi. Il partit avec sa famille, y compris ses parents, de même
que son frère Réal et sa famille. Plus
tard, quand Omer pris sa retraite, il écrivit son autobiographie. À
quelques occasions, il y parla de mon père. Voici ce qu’il dit : «
Mon grand-père m’a donné une bicyclette à pédales de seconde main.
Elle appartenait à Edmond Jean et c’est moi qui en ai hérité.
J’ignore la façon dont s’est faite la transaction. » «
Deux ans après ma naissance, soit le 29 mars 1916, est née une sœur
Adrienne ... Comme l’accouchement se faisait à la maison, il fallait
envoyer les enfants chez le voisin. J’étais seul avec Edmond à
passer la nuit chez Majorique Lagacé, et le lendemain matin on est venu
nous chercher. » (Mon père avait 11 ans) « À la fin de juin 1924, je suis allé chez mes parents pour les vacances et ne suis plus jamais retourné à l’école du village. J’ai terminé mes études à l’école du rang. Comme l’école était située à un mille et demi de chez moi, l’hiver, je voyageais en voiture. C’est Edmond qui venait me conduire le matin, et le soir c’est le voisin qui venait me chercher ...» (Mon père avait 19 ans. Quand les grands-parents d’Omer ont déménagé au village, Omer les a suivis.) «
Je n’ai jamais dit à ma mère ... que j’avais allumé la pipe du père
Ferdinand Dionne avec du gros tabac canadien très fort. J’ai fumé
par la suite avec la pipe d’Edmond Jean. Il fumait du tabac Alouette
beaucoup moins fort. » «
Un beau dimanche, Edmond est venu avec ma tante Alma. De temps en temps,
il parlait de Marie-Anne à Quénouche, toujours avec humour. Il
semblait ne pas la haïr ; mais, il trouvait qu’elle avait les
yeux trop blancs. Ils ont passé une veillée agréable dans la balançoire.
» Le
20 avril 1926, Adélard va chercher Rosaire à Montréal qui sort de
l’hôpital. La saison des sucres semble bien terminée. Le 22 avril,
il tombe une neige mouillante et les érables se mettent à couler.
Voici ce qu’Omer écrit : «
Ma mère prit panique (je n’avais que 12 ans) et demanda à Edmond
Jean s’il voulait bien aller ramasser l’eau avec moi. Nous sommes
montés à la cabane et dans peu de temps, nous avons ramassé 500 à
600 gallons d’eau. Nous sommes revenus à la maison après avoir
rempli tous les vaisseaux que nous avions. Il aurait fallu coucher là
pour consommer, mais moi j’étais trop jeune pour avoir conscience des
conséquences et Edmond, étant certain que c’était du bénévolat,
n’était pas trop intéressé, car à l’époque il était autonome.
» (Mon père avait 21 ans. Il a nié ces derniers faits.) En 1934, soit deux ans après le mariage de mes parents, Omer Ouellet a épousé Rose-Aimée Ouellet qui était la fille de Thomas Ouellet et de Rose Théberge. Cette dernière était la sœur de mon grand-père Émile Théberge. Rose-Aimée était donc la cousine germaine de ma mère. |
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1695
22 février 2015 La
modestie Ma
mère a souvent raconté avec quel zèle l’abbé Delphis-Salomon Giguère,
curé de Saint-Mathieu de 1919 à 1931, exigeait la modestie chez les
femmes à l’église, mais aussi hors de l’église. Il considérait
qu’il y avait indécence lorsque la tête, les épaules, la gorge, les
genoux et les bras étaient découverts ou couverts de voiles
transparents. Selon
lui, la femme devait porter des robes très longues dépassant largement
les genoux. Un dimanche, lors du sermon, il avait dit : « Dimanche
prochain, avant la messe, je serai sur le parvis de l’église avec mon
bréviaire (livre de prières pour le prêtre qui mesurait à peu près
12 centimètres de longueur). Si une femme se présente avec une robe
pas suffisamment longue, je vais mesurer la distance au sol avec mon bréviaire,
sinon elle ne pourra pas entrer dans l’église. » Ce
Monsieur Giguère, qui a été curé de Saint-Mathieu pendant 12 ans, était
un homme très autoritaire. Il a marqué les paroissiennes de cette époque
dont ma mère qui avait entre 12 et 24 ans pendant sa cure. Il n’hésitait
pas à faire des remontrances aux femmes et aux jeunes filles sur leur
habillement. Voici ce qu’écrit tante Marie-Ange Jean dans ses mémoires :
« M. le curé Giguère venait souvent à la classe, s'il y avait
un élève qui était en punition, il le ramassait, le mettait ventre en
bas sur ses genoux et lui tapait les fesses. Nous autres, les filles,
nous étions effrayées. Moi, pour ma part, j'avais peur de le
rencontrer. Étant donné que nous étions orphelines, il avait toujours
des reproches à nous faire. Un
bon après-midi, quand arriva à l'école M. le curé, il m'aperçut
portant une robe dont les manches étaient aux coudes. Il m'apostropha
disant: "Tu me fais penser à une laveuse. Je ne veux plus te voir
avec cette robe-là". Ça m'a fait mal. » (Fin de la
citation) Ma
mère est demeurée marquée par les exhortations du curé Giguère.
Elle ne permettait pas aux plus vieilles de la famille de porter des
pantalons soit pour travailler sur la ferme, pour faire la cueillette de
petits fruits et encore moins pour aller à l’école. Imaginez en
hiver, parcourir plus d’un kilomètre par temps froid et par vent
mordant en robe. Le
curé Alfred Bérubé (1949-1959) était lui aussi obsédé par
l’habillement des femmes et la promiscuité. Un été, dans un sermon,
il a raconté qu’il avait été témoin d’une scène intolérable
pendant les jours précédents. « Une femme, disait-il, a traversé
le village en pantalons courts (bermudas). Quel scandale ! Elle est passée
devant l’église, la maison du Seigneur, et même devant le presbytère
qui est une maison sainte, soit celle du prêtre. » À
l’occasion, il s’insurgeait du fait que des jeunes filles en costume
de bain allaient se baigner dans le lac, accompagnées de jeunes garçons. En 1979, j’ai commencé une chronique dans Le Lundi, une revue populaire. J’étais tout fier d’apporter le premier numéro à ma mère et de lui en donner un exemplaire. En voyant la page couverture, ma mère est allée rapidement déposer l’exemplaire dans une armoire sans le feuilleter. Sur le coup, je me demandais pourquoi elle réagissait ainsi. J’ai finalement compris. Sur la page-couverture, on pouvait voir la comédienne Dominique Michel en costume de bain. J’étais déçu. Il est probable que, par l’intervention de ma mère, la revue a brûlé dans les flammes … du poêle. |
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1650
13 février 2015 La
poste Avant
l’arrivée du téléphone, toute communication extérieure se faisait
par la poste. Il y avait bien le télégraphe, mais c’était un moyen
peu connu. La poste annonçait toutes les nouvelles d’une naissance à
un décès. Aussi, son service était reconnu comme essentiel si bien
que le camion postal avait priorité sur les routes, comme aujourd’hui
une ambulance ou une voiture de police. Quand
j’étais au Séminaire, on nous recommandait d’écrire au moins une
fois par mois à nos parents. J’en profitais pour décrire quelque peu
ce que je vivais au collège et pour demander quelques sous. Au retour,
ma mère plaçait dans sa lettre un billet ordinairement d’un dollar,
me disant qu’elle aurait voulu m’en envoyer plus mais qu’elle
n’en avait pas les moyens. Il en coûtait alors quatre sous pour un
timbre. À
l’entrée de la salle d’études, il y avait une boîte où nous
devions déposer nos lettres. Au moins à la Petite salle, l’enveloppe
ne devait pas être cachetée. À ma première année au Séminaire en
1953, sur demande de ma mère, j’avais écrit une lettre à Mgr
Charles-Eugène Parent en vue d’obtenir une bourse de 100 dollars.
Quelle ne fut pas ma surprise de recevoir, quelques jours plus tard, ma
lettre où le directeur des élèves avait corrigé les fautes et me
demandant de la reprendre. Dans
mes huit années de Séminaire, soit de 1953 à 1961, je n’ai jamais
reçu d’appel téléphonique de ma mère. On communiquait toujours
selon la méthode éprouvée, soit par la poste. Quand on nous informait
de la date de sortie pour un congé, j’écrivais d’avance à ma mère. Il
y avait des petits futés qui contournaient le règlement en confiant
leurs lettres à des externes qui les déposaient au bureau de poste. On
comprendra que ce n’était pas alors une lettre à leurs parents. Autrefois,
quand on écrivait une lettre à un fonctionnaire, par exemple, on avait
soin d’écrire à la fin Merci d’avance. On ne pouvait se permettre de dépenser quatre
sous et une enveloppe pour faire ses remerciements. Aujourd’hui,
la poste est en déclin. Les communications personnelles se font par
internet. C’est un réel plaisir de pouvoir expédier un courriel qui
est reçu instantanément. |
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1605
4 février 2015 Chicanes
de sites Autrefois,
dans plusieurs paroisses, il y eut des chicanes pour déterminer
l’emplacement des édifices publiques. À
Saint-Mathieu-de-Rioux, le site de la chapelle fut l’objet de vives
controverses. Dès 1852, les habitants de la paroisse réclamaient la
construction d’une chapelle. Ce ne fut que six ans plus tard que l’évêque
de Québec agréa la demande. Lors d’une réunion, avec le curé de
l’Isle-Verte alors délégué par l’évêque, il fut proposé que la
chapelle soit fixée sur la terre d’Élie Dionne où se trouve
aujourd’hui la route qui conduit aux
chalets du Lac Saint-Mathieu. Une croix y fut plantée. Élie Dionne défendit
avec vigueur ce choix appuyé par les gens du haut de la paroisse. Les
gens du bas de la paroisse proposaient que la chapelle soit située plus
à l’est, soit à peu près où se trouve l’église actuelle. Ces
derniers y plantèrent une croix. Le curé de Saint-Simon était
favorable au site des gens d’en bas. Les deux croix furent arrachées
par les partisans du clan adverse. Finalement, le choix des gens d’en
bas fut approuvé par l’évêque. J’ai
connu un épisode de disputes à propos de l’école du rang 5. Au début
des années 1950, le Gouvernement du Québec avait décidé d’y
construire une nouvelle école. Les gens de l’ouest où nous vivions
favorisaient le même emplacement que l’ancienne école. Les gens de
l’est voulaient que le site soit situé à environ six arpents plus à
l’est disant que la nouvelle école serait alors plus au centre du
rang. D’ailleurs, la majorité des enfants se trouvaient maintenant
dans ce secteur. Ma
mère avait une sœur qui vivait à l’est. Pendant le temps de la
controverse, les deux sœurs ont cessé complètement de se voir,
voulant éviter des affrontements inutiles. Pour aller au village, les
habitants de l’est devaient passer devant notre maison. Ils détournaient
parfois la tête. Le dimanche, les deux sœurs et leur famille se
rencontraient chez grand-père Théberge au village. Il n’était
jamais question de ce problème. Finalement,
le Gouvernement a décidé que la nouvelle école serait construite à
quelques pas à l’est de l’ancienne. |
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1570
28 janvier 2015 La
femme d’autrefois Dans
les années 1970, il était acquis que la femme devait être soumise à
son mari. D’ailleurs, l’officier de l’Église, le prêtre,
l’affirmait sans gêne lors de la cérémonie du mariage. Je vous
raconte trois faits vécus en ce temps-là. Lors
d’une élection provinciale, le bureau de votation était presqu’en
face de chez moi et il fermait à 17 heures. Dix minutes avant la
fermeture, je me présentai au bureau. Comme j’allais entrer, un jeune
couple me barra le chemin. Le Monsieur, si on peut appeler cela un
monsieur, tenait sa femme par le cou. Il la traînait littéralement en
lui disant : « Tu vas venir voter, ma ch… et tu vas voter
comme moi. » J’étais scandalisé. Un
autre jour, alors que mes voisins étaient assis au bord de leur
piscine, j’ai entendu la dame dire à quelqu’un d’autre :
« Je suis allée à la banque pour emprunter en vue de partir une
boutique de vêtements. Le prêt m’a été refusé. On m’a dit que
je devais avoir la signature de mon mari. » La dame qui voulait
devenir autonome exprima alors sa frustration. Quand
j’ai acheté ma première maison, le propriétaire, un père de neuf
enfants, a dû la mettre en vente parce qu’il n’arrivait pas à
payer ses termes. Je revois encore sa dame qui était assise près de
moi dans la salle d’attente du notaire. Elle m’a dit : « Si
je n’avais pas eu autant d’enfants, on aurait pu conserver notre
maison. J’avais dit au prêtre au confessionnal que je voulais arrêter
la famille, mais il m’a dit que je n’en avais pas le droit et que je
devais satisfaire mon mari. » J’ai presque regretté d’avoir
consenti à cet achat. En
ce temps-là, certaines femmes se rebellaient et refusaient d’obéir
à leur mari ; mais la plupart trouvait cela normal, croyant fermement
qu’elles devaient faire ce sacrifice pour obtenir une place
confortable au ciel. Heureusement
que des femmes se sont levées pour faire cesser cette exploitation et
qu’ainsi les temps ont changé. La femme d’aujourd’hui n’est
plus du tout celle de ce temps et la société s’en porte mieux.
Pourtant, on remonte seulement à une quarantaine d’années. Chez
nous, ma mère a toujours contourné la règle d’obéissance en nous
faisant croire que c’est mon père qui décidait, comme dans plusieurs
foyers d’ailleurs. |
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1540
22 janvier 2015 Les
travaux des champs Quand
on est élevé en campagne, on se frotte rapidement à la dure réalité
des travaux des champs. Dès l’âge de 7 ou 8 ans, on est déjà invité
à faire sa part. 1.
Les patates Au
printemps, c’était la semence des patates. Quand il n’y avait pas
d’école, on était invité à découper les patates et à les mettre
en terre. Pendant l’été, il fallait arroser les plantes pour détruire
les mouches à patates qui rongeaient les tiges. À l’automne, c’était
la récolte de ces pommes de terre. 2.
Les petits fruits des champs Pendant
le mois de juillet, quand il n’y avait pas de travaux de foin, nous
partions quatre ou cinq pour aller cueillir des fraises et des
framboises, souvent avec le dîner. Les premières journées, c’était
magnifique. Le soleil de juillet, les vastes espaces entourés
d’arbres, la senteur des plantes, la compétition d’être le
meilleur cueilleur, tout nous fascinait et nous faisait vivre des
moments inoubliables comme si on était dans un monde irréel. Mais,
avec la succession des jours à accomplir la même tâche, cela devenait
beaucoup moins grisant. Nous étions heureux de voir la pluie
s’inviter parce que cela signifiait un congé de cueillette. 3.
Les fraises de jardins Dès
que la neige disparaissait et que le sol se réchauffait, il fallait
procéder au sarclage des fraisiers. C’était une tâche difficile,
surtout quand le sol était dur. Tout en faisait attention pour ne pas
arracher les plants, il fallait détruire le plus possible les mauvaises
herbes en extirpant les racines quand c’était possible. J’ai peu
participé à la cueillette de ces fruits car ma mère se réservait
cette tâche délicate. Toutefois, lorsque la cueillette était terminée,
il fallait procéder au désherbage toujours à la main et muni d’un
sarcloir, outil qui ressemblait à une fourchette mais dont les branches
étaient recourbées. 4.
Le foin Dès
l’âge de 7 ou 8 ans, on était invité à fouler le foin. Mon père
emplissait la charrette et il fallait marcher sur le foin pour le tasser
le plus possible. Avec les années, on pouvait utiliser la fourche pour
déplacer le foin au besoin. À 11 ans, j’ai été engagé par le
voisin Hormidas Gaudreau pour faire ce travail. L’année suivante,
j’ai effectué la même tâche chez Simon Plourde. Là le travail était
plus exigeant, car il fallait aussi fouler sur la tasserie de la grange
parmi la poussière de foin qui me faisait tousser. En
vieillissant, nous pouvions manier le petit râteau. Il s’agissait
alors de ratisser les brins de foin qui restaient sur le champ après
que la fourche en ait pris la plus grande partie. Puis, c’était le
grand râteau et le ramassage de foin à la fourche pour charger la
charrette et faire, à la grange, le déchargement. Mon père n’a
jamais eu d’instrument aratoire mécanisé. Tout se faisait à la
force des bras. Je me souviens qu’à 18 ans, à la rentrée au Séminaire,
un maître de salle est venu me demander si j’avais passé l’été
à la plage, tellement j’étais hâlé. 5.
Les grains J’ai
peu participé aux travaux de ramassage des grains car cela se faisait
en septembre alors que j’étais au collège. Toutefois, il m’est
arrivé d’aider au battage dans la poussière de la grange pendant les
vacances de Noël. Bref,
j’ai beaucoup participé aux travaux des champs. Par contre, j’ai
peu exécuté de tâches dans l’étable. Je n’ai jamais tiré
(trait) une vache. J’ai soigné à l’occasion les porcs, les vaches
et les chevaux mais rarement. Par ailleurs, le travail à la maison n’était
pas exigé des garçons. C’était les filles qui occupaient ces
fonctions. |
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1495
13 janvier 2015 Jeunesse
de mon père Avant
son mariage, mon père Edmond Jean a eu un parcours atypique. Il est né
le 2 mars 1905. Quand il avait 5 ans, sa mère décéda laissant 11
orphelins : huit filles et trois garçons. Sa mère avait 41 ans.
Elle était mariée depuis 17 ans à Théophile Jean qui avait alors 65
ans. La plus vieille, Adélia, avait 16 ans. Son
père fit annoncer au prône qu’il était prêt à donner
un de ses garçons. Ludger Ouellet qui était cultivateur au rang 4 se
présenta avec son épouse Philomène Lévesque. Le couple choisit mon père.
Grand-père Jean accepta et mon père fut adopté sans autre formalité.
Le
couple Ouellet-Lévesque avait une seule fille, Emma, qui avait alors 29
ans. Celle-ci épousa Adélard, son cousin germain, en 1904 à Newmarket,
dans l’état du New Hampshire aux États-Unis. À
Saint-Mathieu-de-Rioux, le curé Réal Cayouette avait refusé de les
marier à cause du lien de parenté. La rumeur circula qu’il était
allé se marier dans ce pays parce que sa future était enceinte.
Toutefois, en 1910, au moment de l’adoption de mon père, Adélard
n’avait pas encore d’enfant. Son premier fils naîtra en 1914. Quelques
mois après l’adoption, le couple Ouellet-Lévesque décida de
s’expatrier aux États-Unis. Allait-il rejoindre leur fils Adélard ?
Probablement. Une chose est certaine : mon père les accompagnait.
Il vécut aux États-Unis environ deux ans où il apprit quelques mots
d’anglais ; mais il n’alla pas à l’école pendant ce temps. À
leur retour à Saint-Mathieu, mon père avait 8 ou 9 ans. Il commença
sa première année à l’école du Faubourg du Moulin. Il aurait pu
faire de bonnes études ; mais, il n’était pas intéressé. À 11
ans, il se présenta à l’école avec une cigarette en bouche.
L’institutrice lui dit qu’il devait choisir entre la cigarette et
l’école. Il rétorqua avec assurance qu’il choisissait la
cigarette. C’est ainsi qu’il termina ses études primaires avec à
peine une troisième année. On comprendra qu’il désapprit rapidement
ce qu’on lui avait enseigné si bien qu’il devint analphabète, ne
sachant ni lire ni écrire. Tout ce qu’il a retenu de ses années à
l’école, c’était de signer son nom et il le faisait à la façon
d’un dessin. Mon
père a été confirmé à l’âge de 13 ans. Voici ce que ma mère a
écrit dans son journal : « Edmond a été à l’école du
Moulin et terminé ses études à 11 ans. Il a été confirmé le 9
avril 1918. » Il
travailla sur la ferme et dans l’érablière de Ludger Ouellet. Quand
il fut plus âgé, il alla bûcher dans les chantiers aux alentours de
la rivière Humqui. |
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