(Dessin réalisé au primaire)

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Les charleries

Bienvenue sur mon blogue,

Ce blogue contient des souvenirs, des anecdotes, des opinions, de la fiction, des bribes d’histoire, des récréations et des documents d’archives.

Charles-É. Jean

Poèmes

# 1505             15 janvier 2015

Furie

Mots narquois

rougissent

bonheur arqué.

 

Bois d’effluves

grisonnent

prés de l’amour.

 

Troubadour sans humour

languissent

écorce de bouleau.

 

Ours des bois

dévorent

lyres désaxées.

 

Branches de pin

nourrissent

serins mélodieux.

 

Humoristes ironiques

encensent

humus humecté.

 

Nez retroussés

attrapent

nervures réticulées.

 

Taureaux en furie

attaquent

matadors.

 

(Poème écrit en 1997)

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# 1470             8 janvier 2015

Rose écrasée

La rose des champs

Se propage.

 

Du coup

son parapluie couvre

le torrent.

 

Le torrent s’infiltre

dans la montagne.

 

La montagne crée

des tissus parfumés.

 

Les tissus entrent

dans la peau.

 

La peau frémit

de douleur.

 

La douleur impatiente

se jette

sur une lame.

 

La lame déchiquette

les pétales

en mille morceaux.

 

Les morceaux

écrasent la rose.

 

(Poème écrit en 1995)

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# 1440             2 janvier 2015

Évanouissement

Dans le caveau

j’ai les pieds.

 

Dans l'ouate

j’ai la tête.

 

Sur les sentiers sauvages

j’ai les jambes.

 

Dans les feuillages verts

j’ai les dents.

 

Sous la chaussée

j’ai le dédain.

 

Sous les sillons

j’ai la colère.

 

Autour de ma poitrine

un filet étriqué

tisse ma souffrance.

 

Sous les fils du caveau

pris au piège

je m’évanouis.

 

(Poème écrit en 1971)

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# 1410             27 décembre 2014

Mécréant

Sur des monts ténébreux

un triste mécréant rôde.

 

Rien ne l’affecte

rien ne le touche.

 

Il abhorre

les hauteurs célestes.

 

Il embrasse

les profondeurs du gouffre.

 

O triste sujet 

ami de l’aigreur

pourquoi ne voles-tu pas

dans les sphères joyeuses ?

 

O triste rejet

ami de la noirceur

pourquoi traînes-tu l’aile

dans les saletés immondes ?

 

Le triste mécréant rôde.

Demain encore

il rôdera.

 

La fatalité lui a asséné

un coup de massue.

 

(Poème écrit en 1991)

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# 1365             18 décembre 2014

Par une nuit noire d'encre

André Robitaille m’a expédié un poème que je publie avec plaisir. L’auteur du poème est Pierre Robitaille, marionnettiste et directeur du Théâtre Pupulus Mordicus. Voici ce poème dont le thème est la fête de Noël :

 

Une nuit dans le désert une souris s'active

Seule dans cet enfer il faut qu'elle survive

Le ciel est noir d'encre sa piste est perdue

Depuis la brunante elle courre, éperdue

 

Soudain à l'horizon pointe une lumière chenue

Un petit point brillant, scintillant, saugrenu

La petite souris sautille vers ce rayon menu

Car cette étoile éclairera son chemin ténu

 

Et la voilà de plus belle repartie

Car pour servir des yeux si petits

Il est certain que très peu de lumière suffit

 

Oyez, oyez madame la gerboise !

S'écrit le point lumineux sur cette ardoise

Et la bestiole sursaute, se retourne, étonnée

Je rêve ou c'est à moi que vous parliez?

 

Pardon de m'imposer dans votre nuit agitée

Mais je cherche en vain dans ce sinistre lieu

Un promontoire un lieu élevé pour me fixer

 

Venez chez moi c'est à quelque lieux

Et en échange de votre éclairage

Je vous prête un toit pour y faire étalage

 

Et d'un commun accord voilà nos deux amis

L'une éclairant l'autre, l'autre suivant l'une

Étrange duo dans cette nuit sans lune

Marchant vers la tanière de la souris

 

Soudain le rayon de lumière s'étiole

Il n'en faut pas plus pour que la souris s'affole

Et que d'un pas alerte et d'un saut évite,

Le sabot du chameau d'un sémite

 

Hé ho vous là l'enturbanné ! crie-t-elle choquée

Regardez où votre bête met les pieds,

J'ai failli par votre faute périr écrabouillée !

 

Pardonnez-moi noble habitante de ce lieu isolé

Mais mes yeux sur cette étoile étaient fixés

Vous avoir écrasée m'aurait sûrement désolé

Comment pourrais-je me faire pardonner ?

 

Voyez-vous cher mage, j'ai de bien petits pieds

Pour faciliter mon voyage et ceci sans m'estropier

Dans l'oreille de votre monture veuillez m'introduire

Ainsi sans danger je pourrai vous conduire

Et une fois arrivés en ce lieu où je vis

Vous pourrez vous reposer si cela vous fait envie

 

Une fois hissée sur son promontoire mouvant

Elle eut soudain un coup d'œil émouvant

Derrière la monture de son mage repentant

S'étirait une interminable suite de lieutenants

Et même deux autres sages, un bridé et un basané

Bon sang se dit-t-elle, où vais-je les installer

 

Et sur les dunes de sable froid se déploya

L'ombrage effilé d'un étrange convoi

Une étoile, une souris et des mages rois

 

Et tout au long du chemin s'ajoutèrent

Bergers errants, paysans et badauds

Attirés par cette faible lumière

Et l'importance de ce troupeau

 

Soudain au détour d'une dune apparut une étable

Immeuble décrépi à première vue inhabitable

À l'orée d'un village qui semblait pourtant honorable

La souris étonnée vit alors sa litière occupée

Un enfant y dormait près de sa mère allongée

Un homme barbu veillait sur eux hébété

Et même un âne et un bœuf s'y trouvaient abrités

 

Mais c'est ma demeure, on me saccage mon paillis

Seule j'étais tout à l'heure maintenant je suis envahie

Et comme la colère en elle grondait

Et qu'à éclater elle s'apprêtait

Elle vit stupéfaite l'étoile briller de mille feux

Et se poser sur le toit de l'étable de l'Enfant-dieu

Et tous les manants, les bergers et les mages

Se prosterner en voyant cette image

 

Elle aussi par le tableau fut charmée

Par tant d'émotion épuisée

Dans la paille, près de l'Enfant-Roi, elle alla se reposer

Depuis, dans le désarroi, on l'a oubliée...

Voilà maintenant vous l'avez appris

C'est à cause d'une humble souris

Que cette nuit-là une étoile a luit.

 

Pierre Robitaille, 24 décembre 1992 

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# 1330             11 décembre 2014

Évasion douloureuse

Lorsque mon bateau voguera

sur les mers sans fond.

 

Lorsque ma coquille

éclatera de douleur.

 

Lorsque le goéland affamé

déchirera mes entrailles.

 

Je clamerai au monde entier

mes ardeurs refoulées.

 

Dans les dédales de mon chantier

j’étalerai mes blessures.

 

Sous les gouttières

je gémirai

comme une colombe traquée.

 

Sur les sentiers roturiers

je courrai

comme un cavalier sans pair.

 

J'amasserai dans mon sac

l’écume du ressac.

 

Puis je m’enivrerai

et me cacherai

dans un cercueil

de baume.

 

(Poème écrit en 1967)

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# 1295             4 décembre 2014

Bouleau esseulé

Dans une vallée

semée de verdure

se répand

un parfum adorable.

 

Un festin convie

tous les fils de la terre.

 

Seul un triste bouleau

enfouit ses rêves noirs

sous son écorce blanche.

 

Le triste bouleau

empoigné par les saletés

d’un ouragan cynique

réclame à la vie

les douceurs

d’une mort apaisante.

 

Le triste bouleau

combat.

 

Seul le combat

est attentif au bouleau.

 

(Poème écrit en 1976)

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# 1260             27 novembre 2014

Désertion

Sur la grève déserte

abandonnée au flot

j’errais

fou vagabond

victime de moi-même.

 

Je n’avais plus d’amis

plus de vin

plus de rôt.

 

Une vie à traîner

une figure blême

de tristes yeux hagards

avides de bonheur :

ce tissu de douleur

était mon héritage.

 

Apeuré dans mon âme

engourdi dans ma peur

je me suis replié

sur mon destin sauvage.

 

Je voulus profaner

le plaisant friselis

de la fringante mer

ébahie à ma vue.

 

Je voulus massacrer

le tendre gazouillis

de la verte nature

adossée à la crue.

 

La sympathique mer

émue à ma douleur

montra dans ce décor

tout le flot de son charme.

 

Son doucereux esprit

endormit ma torpeur.

Le complot de mon cœur

me tira une larme.

 

(Poème écrit en 1986)

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# 1225             20 novembre 2014

En pissenlit

Aujourd’hui

la vie n’est plus

cette douce verdure

qui flirtait

avec le vent et l’ondée.

 

Aujourd’hui

la vie n’est plus

cette merveilleuse forêt

qui respirait le charme

et chantait le repos.

 

Aujourd’hui

la vie n’est plus

ce tout petit bourgeon

qui éclatait d’amour

le printemps venu.

 

Aujourd’hui

la vie ressemble plus

à ce pissenlit.

 

Seul

à travers les pierres

il se fraie

un hypocrite chemin

et finalement s’étiole

par la chaleur

du macadam.

 

(Poème écrit en 2012)

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# 1185             12 novembre 2014

Mon village

Mon village est un doux paysage

perdu au milieu des montagnes

au milieu de la vie

au milieu de la mort.

 

Jamais il ne se plaint

jamais il n’invective

il n’insulte personne

il se réjouit de tout.

 

Les vents

la pluie

la neige

la foudre

rien ne l’émeut.

 

Son destin est un doux destin

perdu au milieu des ouragans

au milieu de la vie

au milieu de la mort.

 

Si un jour un agneau

trouble sa destinée

je serai le loup de la fable

et je croquerai mon village.

 

(Poème écrit en 2003)

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# 1140             2 novembre 2014

Le riche pollueur

Un riche paquebot vogue

sur des eaux impétueuses.

 

Près d’un lit de chrysanthèmes

les agressives vagues

lancent leur pâleur.

 

Un sillon charmant

révèle

sa nudité précoce.

 

L’ombre du riche pollueur

teintée d’un brun cafard

guide le paquebot.

 

L’ombre

pleine de suffisance

court vers la mer.

 

L’ombre

entourée de faux amis

vogue sous le sillon.

 

Peu à peu

le paquebot

s’émaille

de fleurs dorées.

 

Elles sont si pesantes

si douloureusement détestées

que le paquebot coule.

 

Les chrysanthèmes se noient.

Le paquebot disparaît.

 

Le riche pollueur toujours souriant

flotte au gré des vagues

un chrysanthème séché à la bouche

et une pierre vengeresse au pied.

 

(Poème écrit en 2012)

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# 1080             21 octobre 2014

En ouate

Sur un long sentier

je cours

depuis un siècle.

 

Mes pieds volent

comme une épave d’ouate.

 

Ma tête virevolte

en un tricot de broches.

 

Mon cœur sillonne

les vallées qui se taisent.

 

Une feuille d’érable

striée

rougie

voltige

en un souffle comateux.

 

Son pédoncule

coupé du suc nourricier

pend tel un cordon.

 

Ses nervures

usées par les ans

se mordent

se déchiquettent

s’avalent.

 

Sur ce long sentier

je courrai

encore un siècle

me nourrissant

de cette feuille maculée.

 

(Poème écrit en 1985)

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# 1035             12 octobre 2014

Orme centenaire

Je rêvais à ces jours si doux

je rêvais à ces nuits si calmes

je rêvais à ces heures complices.

 

Je voulus visiter

l’orme centenaire.

 

Je voulus caresser

ses feuilles dentelées.

 

Je voulus monter

jusqu'à son faite.

 

Tout en voltigeant

à sa hauteur

j’ai perdu mes ailes.

 

Je me suis frappé la tête

contre une feuille

accrochée au passage.

 

Je me mis à plonger

vers le macadam

quand une feuille tendre

vint m’endormir.

 

Pendant des heures

je suis resté

momifié par les feuilles

de cet arbre rêveur.

 

Le feu a brûlé les feuilles

et embrasé mon rêve.

 

(Poème écrit en 2004)

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# 990               3 octobre 2014

Autel

Au feu de l’ignominie

la cire s’étire

et fond.

 

La foule somnolente

saoule

l’encens divin.

 

Un autel

charnel

masque la frasque.

 

Une voix forte

en porte-voix

suffisante

lancinante

mêle ses râlements

à des accords rares.

 

La chandelle plus gênée

que rebelle

se morfond

près des habits dorés.

 

Elle lance au ciel

de fiel en fiel

de curieuses idées.

 

Les colonnes de cire

conspirent

et meurent

parmi les oraisons.

 

(Poème écrit en 1995)

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# 960               27 septembre 2014

Au hachoir

Si jamais

mon cœur

passe au hachoir

 

Je recueillerai

dans le creux de ma main

chaque grain du filet.

 

Je filtrerai

cette gelée sanguine

et la ferai couler

sur un lit de miel.

 

J’éloignerai

la baleine aux aguets

et sèmerai

cette douce laitance

dans les tripes

de la mer.

 

(Poème écrit en 1987)

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# 895               14 septembre 2014

Chevelure

Un jour

je couperai

ma longue chevelure.

 

Je sortirai

de mes entrailles

mon vieux rouet

à la pédale troublée.

 

J’y installerai

un gouvernail

bien poli.

 

Je carderai

mes longs cheveux

en des brins d’osier

pour en faire

un panier de paix.

 

Je ramasserai

les fines pellicules

pour en faire

un fuseau de courage.

 

Je cueillerai

les guiches oubliées

pour en faire

une passerelle d’amour.

 

De mes doigts laborieux

je filerai pendant des ans

pour en faire

une immense toile de bonheur.

 

(Poème écrit en 1977)

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# 860               6 septembre 2014

Révolte

C’en est assez

de l’hypocrisie

de la guerre

des mensonges

de la tuerie.

 

Je crie ma révolte

même si personne

ne veut l’entendre.

 

Je lance des cris

de désespoir

à ce peuple

endormi.

 

Plus personne

n’ose monter

à l’autel de la paix.

 

Dans sa marche

l’ogre a tout détruit.

Les cendres

et la poussière

l’ont suivi.

 

Seuls les hommes

friands du carnage

ont survécu.

 

Seuls ces hommes

vivent

pour un instant.

 

(Poème écrit en 1984)

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# 831               30 août 2014

Zouaves du Vatican

Ils sont suaves les zouaves.

Sous leur costume centenaire

ils rafistolent leurs épaves

comme de dévots militaires.

 

Armés de vétustes fusils,

ils offrent leur courbature

à la gloire de leur nombril

sans quérir droit de la pâture.

 

Feu de nostalgie au derrière,

ils plantent gothiques ardeurs

de leur naïve gibecière

dans les jardins de leur seigneur.

 

Défenseurs d’un humour trempés,

ils montent à l’assaut de la gloire

blindés d’insignes reluqués

signes premiers de la victoire.

 

(Poème écrit en 1973)

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# 803               23 août 2014

Bouteille de vie

J’ai mis ma vie

dans une bouteille

que j’ai jetée

à la mer.

 

Les vagues essoufflées

ont contemplé la bouteille.

 

Un navire géant

a heurté la bouteille

qui s’est gonflée

au contact

de la coque d’airain.

 

Un oiseau sauvage

attiré par le spectacle

donna un coup de bec

sur la vitre amincie.

 

Son bec

pourtant si dur

s’est fracassé

et est parti à la dérive.

 

Une baleine

s’est approchée

de la bouteille

et l’a avalée.

 

Ma vie s’est gonflée

et a étouffé la baleine.

 

En cendres la baleine

a échoué

parmi les grains de sable.

 

(Poème écrit en 1975)

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# 772               15 août 2014

Entrailles

J’entends au loin

un appel désespéré.

 

Mort

Désespoir.

 

Je ferme mes oreilles

à ces imprécations soudaines.

 

Gémir

Pleurer.

 

Mes entrailles

se gonflent

se referment

et meurent.

 

À genoux

je marche

dans un sang boueux

pantalons retroussés

pieds engloutis

genoux suffoqués.

 

Filet rouge

Substance fiévreuse.

 

Mes oreilles se ferment

l’appel s’éteint.

 

Mes entrailles

devenues anémiques

puisent leur énergie

d’un lichen désaxé

et d’une algue naissante.

 

(Poème écrit en 1967)

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# 726               2 août 2014

Malheureux relent

Tout sommeille

tout dort dans le giboyeux val.

 

Le disque argenté

jette à la terre funeste

un soupçon de clarté.

 

Sans un mot

sans un geste

mon cœur ensanglanté

attend le coup fatal.

 

Le décor automnal

secrète un fou venin.

 

L’indomptable nature

augmente mon délire.

 

Bousculé par la peur

dans ce sauvage empire

se lamente mon cœur

pour noyer son chagrin.

 

 

Pourquoi prends-tu ma vie ?

À peine suis-je né

que dans ta poudrerie

les fibres de mon cœur

embauchent le tourment.

 

Mon cœur

n’est pas aussi coupable.

 

Il ne veut pas souffrir

cette mort redoutable

ni réveiller en lui

un malheureux relent.

 

(Poème écrit en 1978)

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# 705               26 juillet 2014

Écailles

J’ai la mort dans l’âme.

J’ai de la mousse sur les lèvres.

J’ai des écailles sur les yeux.

J’ai une estampe au front.

J’ai une épine au cœur.

 

Mes lèvres mousseuses

écument de mépris.

 

Mes yeux écailleux

chancellent sous la carapace.

 

Mon front marqué

oscille au milieu des curieux.

 

Mon cœur épineux

saigne sans retour.

 

Comme des rigoles

mes veines déversent

des larmes rougies.

 

Un torrent impétueux

inonde l’archer.

 

Impressionné par cette rafale

le courant gèle

la tranchée inondée.

 

(Poème écrit en 1967)

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# 682               19 juillet 2014

Doux visage

J’ai vu à peine

ton visage serein.

 

Mes yeux étonnés

ont rencontré

tes yeux inquiets.

 

Personne

n’a vu mon émoi.

 

Personne

n’a entendu

mes palpitations.

 

Personne

n’a retenu

mes impulsions

pour te rejoindre.

 

Pas même le moineau solitaire

n’a soupçonné

le duel d’amour

que j’ai cruellement vécu.

 

Un lucide caillou

a blessé mon pied

et écarté mon regard

de ton doux visage.

 

(Poème écrit en 1989)

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# 661               12 juillet 2014

Misère

J’ai refusé de paraître

devant leurs instincts

affamés.

 

J’ai refusé de mesurer

mes poils sceptiques

plantés dans la griserie.

 

J’ai refusé de montrer

mon nombril

emmuré.

 

J’ai camouflé

au fond de mes poches

les outils de l’illusion.

 

J’ai fourré

dans une caverne

les hardes du silence.

 

J’ai caché

sous mes draps

les bottes de la misère.

 

J’ai conservé

mes cheveux

pour en faire une souche

échevelée

délirante

toute esseulée

en une cage.

 

(Poème écrit en 1967)

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# 641               5 juillet 2014

Obscurité

Lorsque la vesprée

tombera sur la terre

la douleur fera éclater

ma poitrine alourdie.

 

Mon cœur décharné

étalera à nu

ses fibres rougies

et ses granuleux cordons.

 

De mes veines gonflées

giclera un sang brunâtre

humecté

d’un plaisir contagieux.

 

Ma chair

s’enlisera dans la terreur

et glissera sous le pas

des geôles riantes.

 

(Poème écrit en 1982)

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# 619               28 juin 2014

Rébellion

Au-delà de la voûte étoilée

un géant solitaire

dresse ses branches dénudées.

 

Oubliant de prendre racine

sous des abris rocailleux

il flirte

avec le palier céleste.

 

Enjambant les marches azurées

Contournant les escaliers de feu

il refuse de la terre

un support nourricier.

 

La plaine compatissante

lèche

ses radicelles saignantes.

 

Tête première

une rigole

subtilement

emporte les bourgeons.

 

Traîné vers le hameau

l’arbre gémit.

 

On le met sous la broche

il rougit les ruelles.

 

On le met sous le feu

il enfume les trottoirs.

 

On le met sous clé

il casse sa chaîne.

 

On le met en charpie

il provoque une rébellion.

 

(Poème écrit en 1993)

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# 599               21 juin 2014

Mélodie

Une mélodie

trotte dans ma tête.

 

Elle court

fait mille détours

chatouille

mon esprit éperdu.

 

Elle grimpe

fait mille écorces

attaque

mon cerveau décousu.

 

Repue de sa misère

la mélodie sanguinaire

injecte

un dard mielleux.

 

Elle trotte

comme une bévue.

 

Nattée dans le ressac

elle empoisonne

ma pensée vagabonde.

 

Un vaste brasier

inonde mon corps.

 

Les flammes se tordent

jouissent

et ricanent.

 

La mélodie

s’effondre

sous un cadavre délirant.

 

(Poème écrit en 1983)

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# 577               14 juin 2014

Bataille perdue

Sur une mer en furie

folâtre

un bateau démuni.

 

Ses voiles

maculées

de sueurs

amusent follement

les goélands mystifiés.

 

Sa coque

grouillante

de bêtes affolées.

glisse.

 

Son gouvernail

miné

défleuri

tourne

vaille que vaille.

Les mains galeuses

s’épuisent.

 

Des icebergs effrontés

déferlent

du fond candide

des habitats marins.

 

Toute l’armée du ressac

prépare une secousse

lance le harpon

catapulte ses muscles

fait courir sa bave sacrée.

 

Même la veste épuisée

revigore ses tissus.

 

Les membres du bateau

estomaqués

ploient

comme une coque

de saule perdu.

 

(Poème écrit en 1998)

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# 554               6 juin 2014

Visite à la campagne

Dans les espaces

immenses

j’ai couru.

 

D’un arbre à l’autre

j’ai sauté

flottant dans l’air

comme une feuille

enhardie

énergie.

 

À pleins poumons

j’ai respiré

le parfum des fleurs

flottant dans l’air

comme une mousse

en trémousse.

 

Dans ma tête légère

j’ai empaqueté

l’arôme printanier

baumier.

 

Dans un érable

je suis monté

j’ai vu la plaine

colorée

resplendissante.

 

Une provision d’air

j’ai fait

et je suis reparti

vers la ville.

 

(Poème écrit en 1991)

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# 533               30 mai 2014

En mille

Eau boueuse

mille rigoles bloquées.

 

Arbres dénudés

mille bourgeons honteux.

 

Neige morcelée

mille étincelles éteintes.

 

Trottoirs envahis

mille bottes trouées.

 

Printemps caduc

mille flocons suspendus.

 

Aménité fondue

mille cerveaux fragilisés.

 

(Poème écrit en 1982)

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# 510               22 mai 2014

Clameurs

Au loin

j’entends le rire usé

de connaisseurs révoltés.

 

J’entends la voix criarde

d'une gueuse agenouillée.

 

J’entends la misère noire

approcher à pas feutrés.

 

J’entends la faim cancéreuse

cisailler les intestins.

 

J’attends un mâle fugitif

au gosier de sa corne d’appel.

 

Je colle mon oreille

à ces clameurs d’oseille.

 

Je respire à peine

charcuté par le désespoir.

 

Toutes ces clameurs

je les entends

car personne d’autres

ne veut les entendre.

 

L’homme est sourd

il n’entend pas au loin.

 

(Poème écrit en 1974)

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# 491               15 mai 2014

Pas d’outils

Je n’ai pas de crayons

pas de couteaux

pas de guitares.

 

J’écris mon poème

avec mes doigts

dans le sable rebelle.

 

Les coquilles vidées

avalent les mots de sable.

 

Les roches curieuses

écrasent les idées.

 

Les épaves de bois

entourent mon humeur.

 

Les grains de sable apeurés

éteignent mon poème.

 

Il fait noir

dans mon cœur.

 

(Poème écrit en 1961)

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# 472               8 mai 2014

Illusion

Qui

du pauvre ou du riche

peut rêver à l’amour ?

 

Qui

peut porter une couronne

d’or ou de terre

sans honte et

sans ignominie ?

 

Qui

peut revêtir un habit

cousu ou rapiécé

dans la misère

et dans le désespoir ?

 

Qui

peut porter

des chaussures

usinées par des enfants

dans la chaleur

et le manque d’air ?

 

L’amour

n’est pas associé

à une couronne.

 

L’amour

peut échapper au riche

comme au pauvre.

 

L’amour semble choyer

plus le riche

que le pauvre.

Serait-ce une illusion ?

 

(Poème écrit en 1975)

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# 451               27 avril 2014

Une école

Je suis entré

dans ce labyrinthe

qu’on appelle école.

 

J’ai vu

des bureaux

bien astiqués,

des crânes desséchés,

déhanchés et écorchés.

 

J’ai vu des murs

mornes

vieillis.

 

J’ai vu

des corridors

épuisés

écervelés.

 

J’ai vu

des grilles

géantes

grognantes.

 

J’ai vu

des traits de craie

qui couraient

en plaies et ronceraies.

 

J’ai senti

dans un coin oublié

des cerveaux féconds

mais écoeurés.

 

La vie

l’amour

le cœur

ont dû me fuir.

 

Point

je ne les ai vus.

 

(Poème écrit en 1969)

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# 437               22 avril 2014

Racaille humaine

Si je pouvais comprendre

le monde des humains.

 

Je trancherais

d’une volée subite

cet arbre dénudé.

 

Je courrais

à la poursuite

de l’ombre d’une biche.

 

Je monterais

sur les tréteaux

me taillerais

en mille morceaux.

 

Je jetterais

à la mer

ces mille détritus.

 

J’embrasserais

la marionnette revêche.

 

Je lui extirperais

de sa gaine défleurie

tout brin de ma douleur.

 

J’hurlerais

dans le désert

ma voix écaillée.

 

Je déchirerais

mon rêve.

 

Je supplierais

le voile des cieux

pour qu’il étrangle

en un craquement sinistre

toute cette racaille humaine.

 

(Poème écrit en 1967)

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# 418               14 avril 2014

Oiseau sauvage

Je suis un oiseau sauvage

qui vole

parmi des abruptes montagnes.

Je me heurte la tête

contre le macadam.

Je suis un oiseau sauvage

qui ne craint pas le froid.

et pourtant

chaque fois que je quitte mon nid

j’ai des frissons de froidure.

Je suis un oiseau sauvage

qui trouve bonne pitance

et pourtant

chaque fois que je quitte mon nid

j’avale des aliments pollués.

Je suis un oiseau sauvage

qui se sent léger.

et pourtant

chaque fois que je quitte mon nid

mes ailes s’alourdissent

d’haleines haineuses.

Je suis un oiseau sauvage

qui n’a aucun souci

et pourtant

chaque fois que je quitte mon nid

je suis exténué

de cette impatience désaxée.

Je suis un oiseau sauvage

qui se sent civilisé

et pourtant

chaque fois que je quitte mon nid

je rencontre des hommes civilisés

qui sont plus sauvages que moi.

(Poème écrit en 1965)

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# 399               7 avril 2014

Violence

Ce texte a été écrit en 1973 dans l’optique d’une chanson. Le projet n’a jamais vu le jour. Le thème est encore d’actualité parce qu’en 2014 la violence se manifeste de façon plus intense qu’il y a 41 ans.

Refrain

La vie ho ! ho ! La vie ho ! ho !

est pleine de violence

 

Couplets

I

Tout passe en feu et en fumée

Sur cette terre de liberté.

On doit sans cesse se surveiller

Pour ne pas être avalé.

 

II

À chaque détour du voyage,

On se fait piller son bagage

Comme si c’était un partage

De prendre à l’autre son héritage.

 

III

On sent partout la violence

Qui surgit pleine d’éloquence

À travers des milliers de mots

Et d’interminables sanglots.

 

IV

On voit la fureur s’enflammée

Sans jamais être rassasiée.

On la retrouve dans sa rue

Et on croit avoir la berlue.

 

V

Si tu viens dans ma maison,

N’apporte pas de munitions.

Dépose sous le paillasson

Les armes de la rébellion.

 

VI

Si tu désires fraterniser,

Apporte ta dignité.

Ta vie, tu pourras la gagner

À vivre en simplicité.

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# 387               3 avril 2014

Vingt ans

Comme des poulains

mal dressés

les ans se bousculent

désarçonnant

de leur vigueur

les misérables cavaliers.

 

L’hirondelle

recueille

un dernier brin d’herbe

avant de s’envoler.

 

Un jour nouveau

mais terni par le passé

fait dériver

les derniers vestiges

de la jeunesse.

 

Vingt ans

c’est la mer

qui s’éloigne

de nos yeux.

 

Vingt ans

c’est le cœur

qui s’envole.

 

Vingt ans

c’est l’amour

qui s’évente.

 

Combien aurais-je donné

aux dieux étrangers

pour me permettre

un dernier sourire

avant de m’assurer

le saut de cet obstacle ?

 

Vingt ans

c’est beau

mais c’est douloureux.

 

Vingt ans

c’est soi-même

qui s’envole.

 

(Poème écrit en 1960)

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# 364               24 mars 2014

Aujourd’hui
Aujourd’hui

est une de ces heures

où l’amour seul

peut épancher

une timide douleur.

Aujourd’hui

est une de ces nuits

où la vie seule

peut butiner

d’inutiles chagrins.

Aujourd’hui

est un de ces poèmes

que seul un bohème

peut cadenasser

dans sa geôle infecte.

Aujourd’hui

est une de ces paroles

que seul un illusionniste

peut lancer

dans une pose hypocrite.

(Poème écrit en 1971)

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# 346               17 mars 2014

Printemps
Le vent glacial du nord a cessé de souffler.

Lassés d’un long hiver, les arbres essoufflés

de leur pesant fardeau ont relevé la tête.  

Depuis peu, l’hirondelle est venue à la fête

annonçant la première un beau printemps vermeil.

Elle a vu la nature oublier son sommeil

et bercer bien au loin une brise d’amour

comme un peu égarée en son nouvel atour.

Enfin, toute égayée d’arôme printanier

la nature réjouie commença à chanter.

(Poème écrit en 1957 à titre de composition française)

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# 327               10 mars 2014

Douleur

En moi

j’ai la douleur.

Un divin messager

porteur de dons célestes

l’a fabriquée pour moi

comme il aurait sculpté

un médaillon de prix.

Pris par le naufrage

le mince fil d’argent

se rompit

au seuil de l’abîme.

La calme mer

devint cynique.

Les vents alizés

tristes batteurs d’écume

enfoncèrent

l’épine cruelle.

Impuissant

l’astre du midi

eut le vertige.

Pétrie

par de sombres pensées

la douleur

a vécu.

Sans jamais s’éteindre

elle vivra

jusqu'à mon dernier soupir.

Un divin messager

l’a fabriquée pour moi

comme il aurait sculpté

un médaillon de prix.

(Poème écrit en 1963)

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# 313               3 mars 2014

Blanc ou noir

Ils sont deux.

L’un est blanc

L’autre est noir.

 

D’un ghetto blanc

à un ghetto noir

ils se surveillent

et s’échangent

des rafales de mitraillettes.

 

Et pourtant

d’un ghetto à l’autre

ils sont armés

d’une mitraillette

de même marque.

 

Tous les deux

ils se tuent

à petits feux.

 

Le carnage blanc

n’a d’égal

que l’autre

le carnage noir.

 

L’un est le jour.

L’autre est la nuit.

 

L’un fait blanc.

L’autre fait noir.

(Poème écrit en 1963)

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# 301       26 février 2014

Débordé
Je suis

débordé.

J’ai à peine le temps

de respirer.

Toute la journée

tendu

pressé

inquiet

j’ai couru

d’une parole à l’autre.

J’ai monnayé

mes énergies

contre un plus tard

incertain.

J’ai dilapidé

les battements de mon cœur

pour en faire

des poinçons

remplis d’agressivité

et de rancœur.

J’ai oublié

de manger.

J’ai oublié

de dormir.

J’ai passé mon temps

à essayer de nager.

J’ai été tellement débordé

que je me suis noyé.

(Poème écrit en 1968)

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# 285       18 février 2014

Ma mie
Je rêve à toi

ma mie.

Je rêve à nos jours passés

où nos mains en prières

écrivaient dans le ciel

un doux poème d’amour.

Je rêve à ces midis si rares

où nos figures bronzées

admiraient tout là-bas

les attraits morcelés

du lac ensorceleur.

Et nous songions

en silence

sans mot dire

le souffle coupé

les lèvres excitées

les yeux larmoyants.

Et nous pleurions.

Et nous chantions.

Et nous nous racontions

ce songe cristallisé

en un instant d’amour.

(Poème écrit en 1968)

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# 273       12 février 2014

Justice
Infâme justice des hommes

tu frappes l’innocent

tu laisses errer sans frein

l’injuste déserteur.

Sous ton toit

se cache le coupable.

Tu es une citadelle

de malheurs

un vil repère

de misérables.

Tes murs sont noircis

de trahisons immondes.

Ton front

est un serpent venimeux.

Tu es la plus sotte des pensées

la plus cruelle des joies.

Ton pouvoir de mort

coupe les jambes

du juste.

Infâme justice

tu mérites d’être noyée

dans une prison.

Tu mérites d’être enfouie

dans un minable asile

où ton rire strident

empoisonnera la vie

du satané justicier.

(Poème écrit en 1967)

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# 252      2 février 2014

Agonie
Des bottes fourrées

un manteau de déboires

un bonnet de misère

du chagrin au cœur

je vagabondais

sur les cristaux de neige

piétinant

les gouttelettes congelées.

Sans arrêt

je marchais.

La neige martelée

crissait sous la douleur.

Féroce comme un glaçon

j’écrasais les cristaux

je détruisais les flocons.

Mes bottes

trituraient

les étoiles effeuillées.

Remplies de chagrin

les roses pensives

s’éteignaient en silence.

(Poème écrit en 1965)

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# 236       27 janvier 2014

Je voudrais
À l’automne 1974, j’ai offert à Gabriel April de lui composer des textes de chansons. Il a accepté. Il était alors Directeur de la pastorale à l’école Paul-Hubert et donnait à l’occasion des récitals. Voici une des chansons pour laquelle il a écrit la musique :

Refrain
Je voudrais, je voudrais.

Couplets
I

Je voudrais être magicien

Pour convertir tous les requins

En timides fleurs du matin.

II

Je voudrais être bâtisseur

Pour aménager en fraîcheur

Les taudis construits rue d’la peur.

III

Je voudrais être cascadeur

Pour égarer cette noirceur

Qui excite les voyageurs.

IV

Je voudrais être perspicace

Pour retrouver gens de la race

Dont on perdit un jour la trace.

V

Je voudrais être un apprenti

Pour rêver en un paradis

Planté dans le champ de l’oubli.

VI

Je voudrais être dans la danse

Pour transformer en espérance

Les bribes de cette souffrance.

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# 221       20 janvier 2014

L’églantier

Une rose sans épines

fleurit

ma boutonnière.

Un sourire sans joie

fleurit

mes lèvres meurtries.

Une épine sans rose

décore mon front

chagriné.

L’amertume heurte

ma demeure affaiblie

mordant

de son propre dédain

la rose affolée.

Un vent de colère

fouille le buisson.

La rose timide

livide

disgraciée de l’églantier

meurt

sous les meurtrissures.

(Poème publié dans le Progrès du Golfe de Rimouski le 4 mars 1966)

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# 204       13 janvier 2014

J’aimerais

J’aimerais chanter la création

sur la lyre des poètes.

J’aimerais chanter la vie

comme délire de fous.

J’aimerais chasser de moi

tout tourment inutile.

J’aimerais m’élever

au rang de messager divin.

J’aimerais que volent mes paroles

dans les filets de la magnificence.

J’aimerais rire

des erreurs de la nature.

J’aimerais passer au hachoir

les horreurs de la vie.

J’aimerais balbutier la création

sur la lyre des poètes.

Je dois me contenter

de babiller sur la lyre des sots.

(Poème écrit en 1966)

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# 193        8 janvier 2014

Retard du printemps
La fille de Pandion lasse d’un dur hiver

pensait qu’il était temps de traverser la mer

pour annoncer au loin le retour des nuits pures,

des jours ensoleillés et des tendres verdures.

Elle s’éloigne donc pour semer le printemps.

Tapi dans sa demeure, Éole, dieu des vents,

jalouse la touriste et veut rompre sa course.

Il tire doucement les cordons de sa bourse.

Procné, fort étonné à ce prompt changement,

se cache dans les bois pour se pourvoir du vent.

Mais le dieu hypocrite enlève la déesse.

Les vallées l’attendaient et étaient en liesse.

Mais une fois de plus, Éole fut vainqueur.

Le printemps fut noyé par ce dieu de malheur.

(Poème écrit en 1961)

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# 177       31 décembre 2013

Bonheur noyé
Ce poème a été publié dans le Progrès du Golfe de Rimouski le 4 mars 1966. La journaliste Lisette Morin a écrit : "Parmi les essais poétiques, souvent timides et maladroits mais que nous nous efforçons quand même de soumettre à nos lecteurs, il s’en trouve qui sortent du rang par la qualité déjà affirmée et la nouveauté de l’inspiration." Encouragé par cette remarque, j’avais soumis un manuscrit de poèmes à un éditeur de Montréal. Celui-ci m’avait prestement retourné le document en disant que mes poèmes étaient vieillots. Voici ce poème qui a fait l’objet d’un commentaire de la journaliste :

Un instant de bonheur a secoué

ma vie poussiéreuse.

Un seul instant a transi

mes membres argileux.

Un bonheur minutieux

a nagé jusqu'à moi.

Apeuré par les requins

poussé par le ressac

profané par le plancton.

Il a serpenté un nœud visqueux

sur les vagues délictueuses.

La coquille bronzée

déchira sa gemmule.

La tigelle éhontée

noya la minime graine.

Le triste instant de bonheur

se perdit dans les flots.

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# 160       23 décembre 2013

Au présent

Le présent file

assis sur le passé.

Le présent file

debout sur l’avenir.

Le passé a cessé de bouger.

Le présent l’a dépassé.

Le présent d’hier

est aussi fugitif

que celui d’aujourd’hui.

Le présent d’hier

est aussi fragile

que celui de demain.

Hier, était le présent.

Aujourd’hui, il est passé.

Aujourd’hui est le présent.

Demain, il sera dépassé.

Hier, j’étais.

Aujourd’hui, je suis.

Demain, je serai.

(Poème écrit en 1963)

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# 146       17 décembre 2013

Un Noël d’allégresse
L’allégresse résonne

dans le firmament épanoui.

Une neige cristalline

pénètre l’air enfumé.

En grande pompe

les gardiens de la nuit

hèlent des bruits mystérieux.

Les sirènes éblouissantes

envahissent la nuée

de leurs accords soporifiques.

Des cris

des danses

des appels

voltigent vers le hameau ébloui.

Dans ce dédale de clameurs

perce un tutti d’airain.

Un enfant

naît.

L’étable étonnée

égare ses prunelles.

Les trompettes de minuit

résonnent d’allégresse.

Le hameau crépite

du braire de l’âne.

Au loin

les clameurs redoublent

apportant les mélodies

du nouveau-né.

(Poème publié le 18 décembre 1964 dans le Progrès du Golfe de Rimouski)

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# 133       11 décembre 2013

Nous sommes là

Nous sommes là plus de trois mille

qui attendons tout près des grilles

le droit de vivre en un refrain

la liberté des clairs matins.

Nous sommes là pleins d’énergie

pleins de désirs et pleins de vie

emprisonnés dans cet espace

où à jamais rien ne se passe.

Nous sommes là comme des robots

qui écoutons tous ces propos

en espérant matin au soir

quitter un jour cet isoloir.

Nous sommes là pleins de stupeur

tous rassemblés dans la noirceur.

Nous attendons en ce cachot

la liberté d’un jour nouveau.

Quand l’école sera vide

La craie aura des rides.

(Poème écrit en 1970)

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# 115       3 décembre 2013

Message d’un bourreau
Doucement, je marchais le long d’un bois obscur

craignant de voir surgir au milieu de l’azur

de cruels animaux ou des bêtes féroces.

Le pâle oiseau de nuit, de ses ailes atroces,

furtif, volait là-haut guettant le moindre bruit.

Doucement, je marchais dans cette épaisse nuit.

Doucement, il sortit de la forêt obscure.

Il n’était plus soumis aux lois de la nature

et son rire strident m’effaroucha soudain.

Je voulus reculer, mais il posa sa main

sur mon fragile corps ; je devins presque ivre.

Doucement, il sortit de son cercueil de givre.

Doucement, de lui-même, il redevint vainqueur.

Un fin filet de sang jaillissait de son cœur.

Le dangereux rebut de ce monde coupable

apportait un message à la gent respectable.

J’allais baiser son cœur, de son sang me nourrir

doucement, du bourreau je perdis souvenir.

(Poème écrit en 1961)

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# 103      27 novembre 2013

Vivre à Montréal

Montréal, ma ville. Ce sont

les autobus qui aoussent

les bixis qui boussent

les clochers qui coussent

les dragueurs qui doussent

les enfants qui eoussent

les festivals qui foussent

les gais qui goussent

les habillements qui houssent

les itinérants qui ioussent

les jeunes qui joussent

les klaxons qui koussent

les langues qui loussent

les médias qui moussent

les noctambules qui noussent

les originaux qui ooussent

les piétons qui poussent

les quémandeurs qui quoussent

les revendeurs qui roussent

les sirènes qui soussent

les touristes qui toussent

les urgences qui uoussent

les vélos qui voussent

les wagons de métro qui woussent

les xénophiles ou xénophobes qui xoussent

les zinzins qui zoussent.

(Poème écrit en 2013)

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# 078       15 novembre 2013

Qui vole

Qui vole un œuf deviendra un bœuf.

Qui vole un pain perdra son gagne-pain.

Qui vole du thé perdra la santé.

Qui vole un rat deviendra scélérat.

Qui vole un veau finira dans le caveau.

Qui vole un ours n’aura plus de recours.

Qui vole un fou n’aura plus de garde-fou.

Qui vole un roi sera transformé en pied-de-roi.

Qui vole un pape n’aura plus de soupape.

Qui vole un roux subira le courroux.

Qui vole un noir passera dans l’entonnoir.

Qui vole une rime sera puni de crime.

Qui vole du bois ne pourra plus jouer du hautbois.

Qui vole un four se perdra au carrefour.

Qui vole une cage sera enfermée dans le bocage.

Qui vole le vent sera interné au couvent.

Qui vole un pied vivra d’arrache-pied.

Qui vole un rein ne sera jamais serein.

Qui vole un cône sera promu icône.

Qui vole un bec est bienvenu au Québec.

(Poème écrit en 2013)

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# 062       5 novembre 2013

Fin du cor
Le sonnet qui suit va vous sembler bizarre. Chacune des 14 lignes a été puisée dans un poème d'un auteur québécois ou français en espérant que le tout soit cohérent. En regard de chaque ligne, les noms des auteurs apparaissent à la fin.

J’aime le son du cor, le soir au fond des bois, (Alfred de Vigny)

Et le regard surpris doucement s’en éclaire ! (Albert Lozeau)

Frémissant sous le joug d’une race étrangère, (Octave Crémazie)

Loin des toits orgueilleux et des pompeux pavois. (William Chapman)

 

Ivre de volupté, de tendresse et d’horreur, (Alfred de Musset)

Sur l’horizon en feu, son profil se dessine. (Anatole de Ségur)

Il plonge lentement jusques à la poitrine (Sully-Prud’homme)

Où l’érable sans fin déroule sa splendeur. (Albert Ferland)

 

En jetant je ne sais quel hoquet d’agonie, (Louis Fréchette)

À chercher le soutien d’une mourante vie, (Jean de La Fontaine)

Il fuit en galopant et la mine effrayée. (Edmond Rostand)

 

Et quand de ses bourreaux, l’œuvre fut achevée, (Ernest Legouvé)

Un orgue au loin éclate en froides mélopées (Émile Nelligan)

Et le désert reprend son immobilité. (Charles Leconte de Lisle)

(Poème écrit en 1975)

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# 052       27 octobre 2013

En tournesol
À l’automne 1974, j’ai offert à Gabriel April de lui composer des textes de chansons. Il a accepté. Il était alors Directeur de la pastorale à l’école Paul-Hubert et donnait à l’occasion des récitals. Voici une des chansons pour laquelle il a écrit la musique :

Refrain
Je vire, je vole, je virevolte.
Je tourne au sol en tournesol.

Couplets
I

J’éparpille mes énergies

Sous le signe de l’euphorie.

Je cours après mille désirs.

J’attrape mille déplaisirs.

II

Je suis comme un être sauvage

Qui refuse d’entrer en cage

Et qui pourtant se croit fort

En se tournant vers le confort.

III

Un jour, j’oserai m’asseoir

Dans le bocage de l’espoir.

Nous parlerons à mots couverts

Dans le giron des sapins verts.

IV

Je planterai dans ma poitrine

De tendres roses sans épines.

J’écraserai le macadam

Et je m’en ferai une gamme.

V

Je grimperai vers le soleil

Pour y mettre dans ma corbeille

Mille flocons en énergie

Qui allumeront mes bougies.

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# 045       18 octobre 2013

Si l’amour
Si l’amour m’était donné

je gravirais

la montagne du regret

je déploierais

mes ailes mutilées

je comblerais

les fossés d’amertume.

Si l’amour m’était prêté

je volerais

au-dessus de l’espoir

je mordrais

la cruauté déchaînée

j’engloutirais

la rancœur humaine.

Pourquoi l’amour

ne me serait-il pas donné ?

Faut-il que mon cœur affaibli

glisse sous les pas

des portes condamnées ?

 

Faut-il que mon sang dispersé

coule dans un lit

froid et rocailleux ?

 

Faut-il que mes veines vidées

comblent une voie

sans issue ?

Puisque personne ne déifie

le défi de l’amour

qui sauvera ma vie d’amertume

si ce n’est l’amour ?

Si, c’est l’amour.

Si l’amour.

(Poème publié dans le Progrès du Golfe de Rimouski le 27 novembre 1964)

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# 030       4 octobre 2013

Bolide en émoi
En décembre 1964, le Progrès du Golfe de Rimouski publiait un de mes poèmes. La journaliste Lisette Morin a écrit : "Le banc d’essai de la page cinq, après avoir publié plusieurs poèmes de jeunes filles, comptait sur quelques garçons pour étoffer ses colonnes. Un seul poème nous est parvenu, mais il est d’une telle qualité que nous croyons en sa vertu d’exemple !" Le voici :


Bruit d’un bolide en émoi,

Mon cœur

Blindé par un amour secret

Dévêt sa cuirasse effilée.

Une gouttelette de sang

Quitte l’arbre générateur.

Le vigoureux liquide

Ruisselle

Creusant un lit vermeil.

De lit en lit,

Le liquide serein

Court à travers les prés

Verts d’un gazon revigoré.

Pendant que la terre éclate

D’un amour fortuné,

Mon cœur s’est ouvert

À boire le torrent

Au seuil de l’abîme.

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# 026     1er octobre 2013

Mon vieux pommier
Je te revois encore, mon vieux pommier

plein de tendresse et de majesté.

Te souviens-tu, mon vieux pommier,

du dimanche où je suis sorti de la maison

dans les bras de ma marraine ?

J’avais à peine quelques heures.

Tu t’es dit : " En voilà un autre,

ça va être encore moins ennuyant ".

Te souviens-tu, mon vieux pommier,

quand nous jouions à la cachette autour de la maison ?

Tu étais heureux quand nous criions cinquante.

Jamais nous ne nous sommes blottis derrière toi.

Tu le savais que ma mère nous défendait

de nous cacher dans le jardin.

Te souviens-tu, mon vieux pommier,

quand nous partions pour l’école,

endimanchés et le cœur à la fête ?

Tu nous regardais aller, puis revenir.

Tu te disais avec un brin d’envie :

"Ils vont devenir plus savants que moi."

Te souviens-tu, mon vieux pommier,

quand, quelques nuits passant,

j’allais recueillir tes pommes blanches

juchant le sol à cause du vent ?

Tu aurais voulu m’offrir un fruit de tes branches ;

mais tu savais que ma mère ne le voulait pas.

Te souviens-tu, mon vieux pommier,

quand, jouant près de la maison,

j’ai perdu ma boule dans le jardin ?

Tu as tout vu. Tu savais où elle était tombée.

Mais ta discrétion exemplaire

t’a empêché de me le dire.

Te souviens-tu, mon vieux pommier,

quand tu m’as vu arriver en un décembre

vêtu d’une longue robe noire

et portant un chapeau de feutre noir ?

Tu t’es dit : "J’espère qu’on n’a pas changé de curé.

Mais, il est trop jeune pour cela."

Te souviens-tu, mon vieux pommier,

quand, un à un, nous avons quitté le domicile familial ?

Tu nous avais vus naître, tu nous avais vus grandir.

Lorsque le dernier est parti, tu t’es dit, bon joueur :

"Mon amour, ma tendresse pour cette famille

aura duré presque 40 ans, les plus belles années de ma vie."

À notre départ, mon vieux pommier, tu t’es mis à dépérir.

Aujourd’hui, tu as quitté le coin du potager.

Tu es dans l’au-delà avec les tiens.

Nous, nous gardons un souvenir impérissable

de tes fleurs blanches au printemps

et de tes juteuses pommes à l’automne.

Je te revois encore, mon vieux pommier

plein de tendresse et de majesté.

(Poème écrit en 2013)

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# 018       25 septembre 2013

B
lanc velours
En rhétorique (Collégial I), j’ai commencé à écrire des poèmes. J’en écrivais à l’étude et même en classe quand l’inspiration venait. C’est cette année-là que j’ai peaufiné un sonnet qui fut publié dans la Vie écolière, journal des étudiants du Séminaire de Rimouski, en décembre 1959. Le voici :

O neige ! doux parfum d’une blancheur céleste,

J’admire le babil de tes flocons dorés,

le bruissement léger des rayons argentés,

le badinage gai de ton allure leste.

O neige ! faux bonnet de la terre funeste,

ton chant muet et doux réjouit les cœurs peinés,

émeut le tendre esprit des bambins étonnés

et rappelle au vieillard son enfance modeste.

O neige ! parangon de cette création

tes volages flocons chantent à l’unisson,

sans flûte ni hautbois, ta splendeur admirable.

O neige ! fine fleur dont la vie est d’un jour

prolonge sans arrêt ton voyage ineffable

et jette dans mon cœur une lueur d’amour.

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# 001      11 septembre 2013

Charleries

Les charleries,

ce ne sont pas des filouteries

ni des clabauderies.

C’est de la jaserie.

Les charleries,

ce ne sont pas des musarderies

ni des bizarreries.

C’est de la parlerie.

Les charleries,

ce ne sont pas des minauderies

ni des rôtisseries.

C’est de la messagerie.

Les charleries,

ce ne sont pas des cachotteries

ni des ergoteries.

C’est de la camaraderie.

(Poème écrit en 2013)

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