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 (Dessin réalisé au primaire) Contactez-moi : cejean@charleries.net | Les charleries Bienvenue sur mon blogue, Ce blogue contient des souvenirs, des anecdotes, des opinions, de la fiction, des bribes d’histoire, des récréations et des documents d’archives. Charles-É. Jean 
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| Mémoires de Marie-Ange Jean | |
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        10 septembre 2014 Bienheureuses mémoires                                                                                       
         Mémoires
        de Marie-Ange Jean Moi,
        Marie-Ange Jean, suis née à St-Mathieu de Rimouski, le 3 octobre 1908
        du mariage de Théophile Jean, 48 ans, cultivateur, à Élise Boucher,
        24 ans, couturière, le 24 avril 1893. Lorsque
        les gens de la paroisse apprirent le mariage de mes parents. Ils se sont
        mis à plaindre ma mère. Ils disaient: "Pauvre Élise, son mari va
        mourir et elle va rester avec une famille sur les bras". Tandis que
        c'est le contraire qui s'est produit. Morale : Il ne faut jamais juger
        sans savoir. 
         Il
        acheta une maison au village. Elle était située sur la côte en face
        de l'église où habite actuellement Marius Beaulieu, c'est là que j'ai
        vu le jour. À ma naissance, mon père avait 68 ans et ma mère en avait
        39.  Je
        n'ai pas connu les caresses d'une mère puisqu'elle nous a quittés 15
        jours environ après avoir donné naissance à ma petite sœur Candide.
        C'était le 17 mai 1910, j'avais alors 1 an ½. Je n'ai malheureusement
        pas de portrait de ma mère. Madame
        Joseph Paradis qui était notre voisine prit Candide chez elle et après
        quelques temps l'a remise à mes sœurs qui en prirent soin.  J'ai
        quand même eu une enfance heureuse, j'ai été gâtée par mes sœurs
        plus âgées. Je me souviens qu'elles m'amenaient coucher avec elles.
        J'aimais ça, mais un jour qu'elles sont venues tannées de moi, elles
        ont voulu m'envoyer coucher dans mon petit lit, je ne voulais pas y
        aller, j'ai dû leur faire une crise puisque mon père s'est levé, m'a
        prise dans ses bras, m'a donné une tape sur les fesses et il m'a dit:
        "Reste là et dors!" Je n'ai plus grouillé. Pour
        survenir à nos besoins, mon père cultivait la terre qu'il s'était réservée,
        située dans le bas de la paroisse, puis il s'engagea comme bedeau à l'église
        et quand mes sœurs furent assez âgées, elles allèrent travailler
        au-dehors pour lui aider.  Quelques
        temps après la mort de ma mère, M. et Mme Ludger Ouellet de St-Mathieu
        qui n'avaient pas d'enfant, se présentèrent chez mon père pour le
        supplier de leur donner un de ses enfants. Après réflexion, mon père
        se décida de lui passer Edmond, le deuxième des trois garçons. Quand
        ses parents adoptifs allaient à la messe le dimanche, il le faisait
        garder à la maison. Mes sœurs me disaient qu'il était très
        malcommode et pour pouvoir faire leur travail, elles l'enfermaient dans
        la cave. Lorsque
        j’avais trois ans et demi, mon père, qui n'avait pas perdu le goût
        de la terre vendit tout ce qu'il possédait à St-Mathieu et alla
        acheter une ferme à Cabano cette fois. Il partit donc un beau jour avec
        toute sa famille pour aller demeurer sur cette ferme. Je me souviens de
        cet événement parce que j’ai eu très peur du train. Je suis allée
        me cacher au fond de la salle de toilette, c’est le maître de la
        station qui m’a pris dans ses bras pour me remettre à mes sœurs. À
        Cabano, nous vivions sur une petite ferme non loin du village. Lorsque
        j’ai eu cinq ans, je me suis présentée à l’école du rang. Je me
        souviens, nous étions assises, nous autres les petites, sur un banc le
        long du mur. Dans
        ce temps-là, on faisait les travaux à l'école sur une ardoise, on se
        servait de crayons également en ardoise qu'on payait 1 ¢ l'unité. Il
        y en avait de très mous, d'autres très rigides, ceux-ci coûtaient 5
        ¢.  Pendant
        que les grandes étaient en rang, je pris un crayon d’ardoise qui se
        trouvait sur un banc en face de moi et sans faire exprès, je le cassai.
        Lorsque les grandes sont revenues, l’institutrice demanda qui avait
        fait ça. J’ai reçu un coup de règle. C’est ainsi et ici que se
        termina mon année scolaire. Étant
        donné l’âge de mon père, sentant ses capacités diminuer et
        n’ayant pas encore d’aide de la famille, ses 2 garçons qui lui
        restaient étaient encore très jeunes, vendit la ferme de Cabano.  Nous
        sommes allés demeurer à loyer chez M. Joseph Leclerc qui avait une
        maison de libre sur sa ferme. Nous y sommes restés un an. Pendant ce
        temps, mon père acheta une vieille maison abandonnée dans le haut de
        la paroisse de St-Mathieu et engagea mon oncle Narcisse Rioux et ses
        fils à transporter cette maison au village et à la rendre habitable.
        C’est la maison qui abrite aujourd’hui Madame Joseph Rioux. En
        septembre 1914, je commençai la classe, tout allait bien. Un an après,
        je reçus sur la tête une roche de 40 livres. Mon père avait placé
        cette roche dans un sac de jute qui était retenue par des cordes pour
        en faire une pesée qui permettait de fermer et d’ouvrir la trappe de
        l’étage supérieur. Quand la trappe était fermée, la roche était
        en haut, quand elle était ouverte, la roche était en bas. Comme je me
        trouvais juste en dessous de la roche qui était en haut, quelqu’un
        monta, leva la trappe et la roche m’arriva sur la tête. J’ai vu
        plusieurs étoiles mais je ne me souviens pas d’avoir perdu
        connaissance mais j’eus très mal à la tête. Il se forma beaucoup de
        pus. Il y avait une peau morte qui renfermait le tout. Un
        jour, mon frère Antoine, qui avait entendu dire par les grandes
        personnes qu’il faudrait que ce soit ouvert, prit le rasoir, m’amena
        en arrière du poêle à deux ponts et fit l’opération. Je ne
        ressentis aucune douleur. Il venait de me sauver la vie. Imaginez tout
        ce qui sortit de là, c’était pas beau à voir. Ma sœur Arthémise
        qui lava ma plaie perdit connaissance. On continua à laver et désinfecter
        régulièrement ma plaie qui guérit dans peu de temps. J’avais quand
        même été malade pendant quelques mois où je n’ai pas fréquenté
        la classe.  Quand
        j'ai commencé à sortir, ma sœur Adélia, le plus vieille de mes sœurs
        qui était couturière, me fit une capuche avec une doublure très épaisse
        pour que je ne prenne pas froid. Je pus donc recommencer la classe. Quelque
        temps plus tard, ma sœur Adélia, celle qui remplaçait ma mère, se
        maria avec Ernest Brillant et alla demeurer sur une ferme à St-Fabien. Nous
        restions donc, ma sœur Candide et moi, avec Valentine, la dernière des
        six sœurs. Elle n’était pas très débrouillarde ; il arrivait
        qu’au retour de la classe, elle soit chez la voisine et que le repas
        ne soit pas prêt. Quand le poêle chauffait, on faisait des grillades
        de patates sur le rond du poêle ou on mangeait du pain et de la mélasse. J’ai
        vécu les guerres 1914-19 et 1939-45, mais je me souviens surtout des
        dernières années de la guerre 1914-19, heureusement mes frères étaient
        trop jeunes, nous n’avons pas eu de trouble. J’étais chez mon oncle
        Narcisse Rioux quand quelqu’un dit : "Voilà une auto".
        Mes cousins effrayés sortirent par une fenêtre d’en arrière et
        coururent se cacher dans le bois, ça m’a marquée ! Au lieu d'officiers
        de guerre*, c’était mon cousin Antoine Dionne qui venait faire une visite chez
        mon oncle. Ce n’était pas la première peur qu’avaient eue à subir
        mes cousins. Dans
        les dernières années de la guerre est apparue une maladie terrible
        qu'on appelait la grippe espagnole. Le monde était tellement malade,
        ils faisaient beaucoup de fièvre. Cette mauvaise maladie enleva
        beaucoup de monde, les gens mouraient après quelques jours de maladie.
        Il y a eu des personnes qui étaient dans le coma et qui ont été
        enterrées vivantes. Je me souviens lorsque je marchais sur le trottoir
        avoir croisé une voiture dans laquelle se trouvait une personne décédée,
        on allait l'enterrer sans être accompagnée, seul celui qui l'enterrait
        faisait partie du cortège, c'était horrible. J'ai
        gardé un mauvais souvenir de ces personnes décédées après quelques
        jours de maladie et surtout celles qu'on est supposé avoir enterrées
        vivantes, car dès qu'elles tombaient dans le coma, vite on les déposait
        dans une tombe et on allait les enterrer, ceci pour ne pas propager la
        maladie. J’ai
        vécu la grippe espagnole, c’est moi qui l’ai eue la première chez
        nous. Nous l’avons tous eue, excepté Arthémise qui s’en est exemptée. J'ai
        vécu le temps des paillasses. J'ai couché sur la paille quand j'étais
        jeune jusqu'à ce que j'aille au couvent. J'ai repris la paillasse
        quelques années avant de me marier parce que là où je pensionnais,
        j'avais une paillasse dans mon lit. On était bien couché surtout quand
        on venait de la remplir. Ça donnait une senteur spéciale. Il fallait
        ne pas négliger de la brasser chaque matin si on voulait être bien
        couchée le soir et aussi pour donner une belle forme au lit. Il y avait
        cependant un inconvénient, en brassant la paillasse, il arrivait qu'il
        tomba de la paille par terre, c'était désagréable. On les remplissait
        2 fois par année, une fois le printemps à l'occasion du grand ménage
        et une autre fois à l'automne. En hiver, lorsque les hommes battaient
        le grain, quand ils trouvaient une belle passée de paille, ils la plaçaient
        à part dans un coin de la tasserie et elle ne devait servir qu'aux
        paillasses. Je me rappelle d'avoir rempli moi-même ces paillasses pour
        les lits des enfants. J'avais une petite paillasse spéciale pour le
        berceau qu'il fallait remplir souvent. Cette coutume disparut peu à peu
        pour faire place aux matelas. Je me souviens qu'étant petites, Candide
        et moi avions hâte que vienne le temps de vider les paillasses pour les
        remplir à nouveau, ce qui nous donna la joie de monter sur cette énorme
        paillasse et de se jeter en riant sur la paille. On avait la sensation
        de tomber au fond. Quand
        j’avais environ 7 ans, à St-Mathieu, on avait construit dans le bas
        de la paroisse un pont couvert. Comme c’était la bénédiction de ce
        pont ce dimanche-là, mes sœurs étaient allées à la bénédiction,
        nous laissant Candide et moi à la maison. Nous nous amusions dehors près
        de la maison quand M. François Marquis, notre voisin d'en face passe et
        fait embarquer Candide, me laissant seule. Je me dis :
        "Qu’est-ce que je vais faire ?". Comme c’était les
        quarante heures à l’église, je me dis : "Je vais aller
        passer l’après-midi à l’église. Je ne serai pas seule." J’étais
        tellement absorbée par la prière que j’oubliais le temps. Je
        m’aperçus que j’étais seule, qu’il faisait sombre et que
        j’entendais le tic tac de l’horloge et j’aimais ça. Tout
        à coup, la porte s’ouvre, c’était ma sœur qui venait me chercher.
        Je crois qu’il était 6 heures du soir. Elle avait dû me chercher. Je
        ne me souviens pas qu’elle m’ait grondée. Je suppose qu’elle a
        trouvé que je n’avais pas choisi une mauvaise maison. Quand
        j’eus neuf ans, notre voisine, Mme Eugène Vaillancourt, venait me
        chercher pour garder les enfants le soir pendant environ deux heures.
        J’aimais ça. On me donnait dix cents. J’y allais environ quatre
        fois par semaine. Son mari, monsieur Vaillancourt, possédait une auto.
        C’était la première qu’on voyait à St-Mathieu. Imaginez-vous la
        joie qu’on éprouvait quand il nous disait : "Venez-vous
        faire un tour les petites ?" On ne se faisait pas prier. C’était
        en l’an 1918, j’avais alors 10 ans, le temps était venu de faire ma
        première communion. Pour ce faire, nous marchions au catéchisme
        pendant quatre semaines. Nous repassions tout le petit catéchisme réponse
        par réponse et avec explications. Il fallait savoir nos réponses et être
        sage si nous voulions être acceptées. Le
        jour de la communion venue, il ne fallait pas avoir mangé ni bu depuis
        minuit la veille. La messe était toujours à bonne heure dans
        l’avant-midi. Les filles portaient une robe blanche, un grand voile
        blanc et étaient coiffées d’une couronne de fleurs également
        blanches. Les garçons eux, portaient un brassard au bras gauche. Ce
        brassard consistait en un ruban blanc noué autour du bras, laissant
        tomber deux pendants garnis de frange, parfois la frange était dorée. C’était
        très solennel et très émouvant, je nous vois marchant deux par deux
        dans la grande allée. Ce sont des souvenirs que l’on ne peut oublier.
        Cependant, contrairement à ce qui se fait aujourd’hui, nous
        n’avions pas de banquet ni de cadeaux après la cérémonie, nous
        retournions sagement chacun chez nous. Quelques
        années plus tard, j’ai fait ma confirmation. Tout s’est passé à
        peu près pareil que pour la communion, à l’exception que l’on
        choisissait un parrain et une marraine de confirmation. J’avais
        dix ans lorsque ma tante Hélène, la femme de mon oncle Jean Dionne,
        tomba malade. Ses filles de Québec étant venues la soigner, me confièrent
        leurs enfants que j’ai dû amuser pendant quelques heures chaque jour
        qu’a duré la maladie. On m’avait promis comme récompense un
        pique-nique avec toutes sortes de friandises qui sont encore à venir. Au
        grand désappointement de ma voisine qui perdait sa gardienne pour les
        vacances, ma sœur Adélia vint me chercher pour fouler le foin. Après
        le foin, c’était les grains et les patates. Mon beau-frère était
        difficile, il fallait fouler continuellement. Il disait qu’il
        n’aimait pas décharger un voyage vide. Parfois, j’étais assez
        fatiguée le soir que je ne pouvais pas souper, je m’endormais sur mon
        assiette. Ma sœur allait me coucher.  On
        me ramenait donc chez nous à la Toussaint, ce qui causait beaucoup de
        torts à mes études. J’y suis allée pendant trois années consécutives.
        Quand je suis revenue la troisième année, je repris la classe et
        environ quinze jours après, je tombais malade. Je gardai le lit pendant
        deux mois. J’ai été administrée, on ne demandait pas le médecin
        dans ce temps-là, on n’en avait pas les moyens. Les femmes du
        voisinage venaient me voir et donnaient à ma sœur leurs remèdes. Un
        jour, ma sœur Arthémise qui travaillait en dehors, vint nous visiter
        mon père et moi puisque pendant ce temps-là, mon père fit une chute
        sur la glace et se fractura une hanche, donc il était alité lui aussi.
        Comme j’étais dans la même chambre que mes sœurs, elle me plaça
        seule dans une chambre et me mit les pieds dans l’eau (c’était le
        remède du temps). Quand une personne était malade, on lui faisait
        tremper les pieds dans un récipient d’eau additionné de sel, de
        vinaigre et autres. Après
        cette opération, je me sentais bien. Je me suis endormie. En m’éveillant,
        je me sentais tellement reposée que j’eus l’idée d’aller prendre
        une course dans la cuisine. Ma sœur qui faisait son jeu de patience,
        eut peur, elle croyait voir un fantôme. Je continuai de prendre du
        mieux. Pour ce qui est de mon père, ses douleurs le conduisirent à la
        mort. Il mourut le 30 avril 1920 à l’âge de 76 ans. À l’occasion
        de sa sépulture, je fis ma première sortie. J’avais alors 12 ans. Par
        les beaux jours d'été, Candide et moi passions nos journées dans les
        champs. Nous en profitions pour cueillir les petits fruits de la saison.
        Nous commencions par l'oseille dont nous ramassions les feuilles, après
        les avoir lavées et mises à tremper dans une saumure douce, nous les dégustions. Venaient
        après les pousses de framboisiers qu'on épluchait et que l'on
        mangeait, c'était très bon. Ainsi de suite pour tous les autres petits
        fruits tels que mûres, rougets (quatre-temps), gadelles, merises,
        fraises, etc. pour finir par les noisettes et le moscou (cormier). À
        cette époque, je jouais à la poupée, je lui confectionnais de belles
        petites robes. Un jour, je lui fis un chapeau. Tout à coup arrive chez
        nous notre voisine, en voyant le petit chapeau de ma poupée, elle me
        dit : "Oh! Le beau petit chapeau, est-ce que c'est toi qui
        l'as fait ?" Je lui répondis : "Oui". Elle me dit :
        "Je veux que tu m'en fasses un pour mon bébé". "Je veux
        bien mais j'ai peur de ne pas réussir". Je lui en fis un. Son bébé
        le porta pour la fête des enfants, car à chaque année, en juillet,
        avait lieu à l'église une cérémonie pour les enfants au cours de
        laquelle M. Le curé accueillait les enfants et les encourageait, petits
        et grands, à être sages, studieux et dévoués. Il les bénissait tous
        et distribuait à chacun des bonbons. Après
        la mort de mon père, nous avons vécu ensemble, mes frères, Valentine,
        Candide et moi pendant environ deux ans. Mes frères travaillaient à
        l'usine de sciage de bois qui appartenait à Antoine Dionne, notre
        cousin et notre tuteur. Moi, je fréquentais l'école modèle du
        village. M. le curé Giguère venait souvent à la classe, s'il y avait
        un élève qui était en punition, il le ramassait, le mettait ventre en
        bas sur ses genoux et lui tapait les fesses. Nous autres, les filles,
        nous étions effrayées. Moi, pour ma part, j'avais peur de le
        rencontrer. Étant donné que nous étions orphelines, il avait toujours
        des reproches à nous faire. Un
        bon après-midi, quand arriva à l'école M. le curé, il m'aperçut
        portant une robe dont les manches étaient aux coudes. Il m'apostropha
        disant: "Tu me fais penser à une laveuse. Je ne veux plus te voir
        avec cette robe-là". Ça m'a fait mal. Un
        dimanche après-midi, alors que j'étais sortie pendant l'office des Vêpres,
        il m'a vue et a averti mon institutrice le lundi matin de m'envoyer le
        voir. Je n'étais pas grosse. Je me rendis au presbytère. Je sonnai. Je
        tremblais quand j'entendis sa grosse voix. Il me demanda la raison. Je
        lui dis que j'avais un gros mal de ventre, ce qui était le cas. Il ne répliqua
        pas mais m'avertit que je ne devais pas sortir avec telle ou telle
        compagne, ce que j'étais mieux de faire. Par
        les soirs d'hiver, mon père, après le souper, nous réunissait, nous
        les jeunes, autour du poêle et nous racontait des contes (comme il
        disait). Ça commençait toujours par: "Il était une fois" et
        le héros de l'histoire était toujours "Tit Jean". Parfois
        ces contes duraient près d'une heure. Je crois qu'il les composait à
        mesure. On ne s'en plaignait pas, car ça retardait l'heure du coucher. Maintenant
        parlons du temps des fêtes chez mon père. À Noël, on allait à la
        messe de minuit, on allait voir le petit Jésus dans la crèche. On
        s'inclinait devant lui et on lui demandait des grâces. Après la messe
        de minuit, on prenait un léger repas et on allait se coucher pendant
        que les autres membres de la maison souventes fois accompagnés riaient
        et s'amusaient jusqu'aux petites heures du matin. On
        recevait nos cadeaux au Jour de l'An et non à Noël. Je ne me souviens
        pas d'avoir vu un sapin de Noël. La veille du Jour de l'An, on étendait
        nos bas dans la cuisine. On se couchait de bonne heure, un peu excités.
        Le lendemain matin, le premier qui se réveillait, réveillait les
        autres. On allait voir chacun à notre bas. Savez-vous ce qu'on y
        trouvait ? Une pomme, une orange, quelques petits bonbons durs et
        quelquefois on y ajoutait une poignée de peanuts. Pour nous jouer un
        tour, on déposait dans le haut du bas des pelures de patates pour nous
        laisser croire que nous n'avions rien d'autres. Nous étions surpris et
        désappointés mais très heureux quand nous vidions le contenu de nos
        bas. On se contentait de peu. Pour
        aller chercher nos bas, comme il faisait encore noir, on ne parlait pas,
        on marchait sur le bout des pieds. On ne pesait pas sur un bouton pour
        avoir de la lumière, on s'éclairait des reflets de lumières que
        laissaient passer les ronds du poêle. Je
        me rappelle un Jour de l'An entre autres où Candide et moi avions reçu
        de nos sœurs de Montréal une paire de bottines lacées de couleur
        brune qui montaient jusqu'aux genoux. Nous étions folles de joie.
        J'avais environ 12 ans. Lorsque
        j'étais jeune, l'hiver il tombait beaucoup de neige. Comme elle n'était
        pas ramassée, elle s'accumulait et montait en hauteur. Je me souviens
        d'avoir vu le chemin tellement haut que, devant la maison de mon père,
        de l'intérieur on voyait passer les voitures par la dernière vitre du
        haut du châssis. On se serait cru au cinéma. Toute
        cette neige qui n'était pas ramassée devait fondre par elle-même car
        on n'était pas organisés pour la ramasser. Quand Mère Nature était
        favorable, cette neige se changeait en eau et cette eau s'enfonçait
        dans la terre, au contraire le printemps était très long et désagréable,
        la neige ne fondant pas également partout, ce qui occasionnait des
        bouts de chemin sur la terre, des bouts enneigés et d'autres bouts où
        il y avait de l'eau. Alors il était impossible de prendre la carriole,
        ni la voiture d'été, alors les gens se fabriquaient des traînes à bâtons
        pour circuler.  Par
        la suite, les chemins devenaient boueux, ce qui était désagréable
        pour les piétons. Il n'y avait pas que la neige, il y avait aussi le
        vent. Il vantait beaucoup ce qui occasionnait de belles tempêtes qui
        duraient parfois de 3 à 4 jours. On
        avait une institutrice qui, quand elle apercevait un élève qui
        parlait, l'envoyait s'asseoir avec un garçon (les garçons n'étaient
        pas gentils envers les filles). Un beau jour, ce fut mon sort. Elle
        m'envoya m'asseoir avec Gérard Belzile. J'y allais de reculons quand, O
        surprise ! celui-ci me dit : "viens, assis-toi, on va avoir du
        fun". Quand
        j'étais jeune, alors que j'avais 13 ou 14 ans, pour ma confirmation, ma
        sœur Valentine m'avait acheté un corset, je ne sais pas pourquoi.
        Reste à penser que j'avais un gros ventre. Je continuai à le porter si
        bien qu'un jour, je suis allé visiter ma cousine, Marie-Anna Jean, la
        fille de mon oncle Jérémie, qui demeurait à environ ½ mille du
        village de St-Mathieu. Comme
        elle était restée chez nous pour aller à l'école du village, elle
        m'avait invitée. Pendant que je parlais avec ma cousine, je m'aperçois
        que les deux sœurs de ma cousine, plus âgées qu'elle, ricanaient
        entre elles et je compris : "Elle porte un corset !". Je suis
        devenue mal à l'aise et je me demandais ce qui allait se passer ce
        soir-là quand il faudrait enlever mon corset sous leurs regards puisque
        nous couchions dans la même chambre dans laquelle il y avait 2 lits.
        Pour tromper mes cousines, je décidai de coucher avec mon corset. Je
        vis mes cousines qui se regardaient tout en me jetant un coup d'œil à
        la dérobée. J'ai vu qu'elles chuchotaient tout bas et tout se termina
        ainsi. Elles n'ont jamais eu la preuve de ce qu'elles pensaient, mais
        moi j'ai très mal dormi. À
        ma dernière année d'études à St-Mathieu, j'ai eu une institutrice
        que j'ai beaucoup appréciée. C'était une demoiselle Lauzier de
        Trois-Pistoles. C'est avec elle que j'ai compris mon français. Je lui
        en suis très reconnaissante. Un
        soir, pendant que je faisais mon devoir sur la table de la cuisine,
        Valentine me dit : "Viens voir Marie-Ange, on entend une voix
        pareille comme quand notre père se lamentait (car dans ses derniers
        jours il se lamentait continuellement). Je suis allée la retrouver, je
        constatai comme elle cette voix de mon père qui nous suivait quand nous
        revenions vers la cuisine, ça nous paraissait venir en dessous de nos
        pieds. Je dis donc : "Nous allons dire un chapelet". Je commençai
        "Au nom du Père, du Fils…" et la voix disparut, on ne
        l'entendit plus jamais. Il avait besoin de ce chapelet pour entrer au
        ciel. Il faut que je vous dise que quelque temps avant sa mort, nous étions
        dans sa chambre et nous parlions des morts qui reviennent après la
        mort. Mon père prit la parole et dit : "Moi, si je reviens, je ne
        vous ferai pas peur". Quand
        j'étais jeune, j'étais gênée avec mon père. Si j'avais besoin de
        crayons pour l'école, je faisais demander ça par ma petite sœur
        Candide qui, elle, obtenait ce qu'elle voulait. Je sentais qu'elle était
        sa préférée. 
 ___ * M.P., police militaire | |
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        17 septembre 2014  Segment 2. Mémoires de Marie-Ange Jean (1925-1934) Nous
        sommes en septembre 1925. J'entre au couvent. Je suis pas mal timide. Je
        me fis des amies et tout allait bien lorsqu'une nuit, pendant que nous
        dormions paisiblement au dortoir, nous fûmes réveillées par un
        violent tremblement de terre, nos petits lits de fer se frappaient
        ensemble, ça faisait un bruit terrible. Des élèves pleuraient,
        d'autres poussaient des cris horribles et couraient dans le dortoir
        appelant leur maman. C'était effrayant. J'eus la peur de ma vie et je
        suis restée nerveuse pendant quelque temps. 
         
         De
        gauche à droite : Candide, moi-même, Rose-Anne, Antoinette, Marguerite
        et Arthémise. N'apparaissent pas sur la photo: Adélia et Valentine.
         La
        première année fut également difficile pour moi du côté santé.
        J'eus mes menstruations en octobre et je ne les ai pas revues du reste
        de l'année. Je filais mal. J'étais gonflée et remplie de points,
        surtout quand je montais les escaliers. La nuit, les crampes m'empêchaient
        de dormir. J'avais les nerfs tordus, ça produisait des bosses. Je les
        frottais pour les faire disparaître. Comme la religieuse avait dit :
        "Toutes celles qui souffrent de quelques douleurs que ce soit, vous
        passerez me voir, je serai à mon bureau." Nous étions donc alignées,
        attendant notre tour. Quand ce fut rendu à moi, je lui dis que j'avais
        des points dans les côtes qui m'étouffaient. Elle me répondit :
        "Du moment que vous n'aurez pas des virgules. Passez !". Après
        ma sortie de couvent, j'eus de nouveau mes menstruations, j'ai été
        malade "comme un chien" 
        J'étais à l'étranger chez une cousine de St-Mathieu. Je n'osais pas
        sortir de ma chambre. Je savais que mon déjeuner m'attendait et je
        savais que je ne pourrais pas manger tant j'étais malade, mal au cœur,
        mal au ventre. Ce mal persista pendant quelques années. Pendant
        les vacances de ma deuxième année de mes études au couvent, alors que
        j'avais 16 ans, je rencontrai mon premier "cavalier" comme on
        disait dans le temps. Il s'appelait Jos Côté. Il était le fils d’Eusèbe
        Côté de St-Mathieu. Rien de sérieux, c'était un amour de vacances. 
 Mes années d'études terminées, il fallait se présenter aux examens du ministère de l'Éducation. J'ai eu le malheur de manquer quelques cours, donc, pas de brevet. Je n'avais pas assez de l'humiliation d'avoir échouée, voilà que je reçois une lettre de mon tuteur qui est fâché contre moi et me fait de durs reproches. Ce qui n'a pas aidé à me consoler. 
 Le
        beau-frère du commissaire, qui était venu me chercher, coupa le trajet
        en deux, je couchai chez lui à St-Donat. La dame de la maison, qui
        s'aperçut que j'étais gelée, fit chauffer une grande tasse de vin et
        me l'offrit. Je le bus, ça m'a fait du bien, mais le froid n'était pas
        sorti complètement. Ce n'est qu'après une bonne nuit, enveloppée de
        couvertures chaudes, que le froid disparut. Le
        lendemain, il me présenta au commissaire qui était M. Antoine Boucher
        où je devais pensionner. Cette maison devait me servir de pension et d'école
        en même temps puisqu'il n'y avait pas d'école dans le rang. J'occupais
        une chambre de la maison. J'avais douze élèves. Ce
        rang était situé entre St-Gabriel et Les Hauteurs et se nommait Ouimet.
        Dans ce rang, les maisons étaient en partie des camps pour la plupart
        en bois rond. Je me souviens de trois ou quatre bonnes maisons. Je
        demeurais dans l'une d'elles. Le
        premier soir de mon arrivée à la pension, Mme Boucher me demanda de
        faire la prière du soir. Je commençai, ça allait bien quand, tout à
        coup, tout s'embrouilla dans ma tête. Je ne trouvais plus mes mots.
        Imaginez la petite maîtresse d'école qui arrive pour enseigner ! Il
        faut que je vous raconte une anecdote : Un bon midi, on servit une
        viande blanche qui ressemblait au poulet. M. Boucher me dit : "En
        voulez-vous encore ?". Je lui dis : "!". Le soir après
        le souper, il me dit : "Est-ce qu'elle était bonne la viande à
        midi ?" Je lui répondis : "Elle était très bonne !" Il
        me dit : "C'est du siffleux que tu as mangé". Je ne voulais
        pas le croire. Il demanda à sa femme d'apporter la peau de la bête
        qu'il avait gardée comme preuve. Je fus bien obligée de le croire. Il
        était bien content de lui. En riant, il me dit : "Je t'ai bien eue
        !" Je lui avais déjà dit que jamais il ne m'en ferait manger. C'était
        très bon. Au
        début de mes années d'enseignement, les choses n'étaient pas comme
        elles sont aujourd'hui, les écoles n'étaient pas chauffées, c'était
        parfois un jeune d'environ 10 ou 12 ans qui venait allumer le poêle de
        bonne heure le matin. Quand il ne manquait pas son coup, l'école était
        suffisamment chaude, à l'exception du lundi quand il avait fait très
        froid, il fallait garder nos manteaux jusqu'à midi.  Également,
        lorsque l'enfant qui allumait le poêle manquait son coup, c'est nous
        les institutrices qui l'allumions en arrivant. Vous ne vous doutez pas
        du froid que nous devions endurer. Nous n'avions pas les toilettes dans
        la classe, c'était une petite rallonge en arrière de la classe et le
        dessous était au grand vent. Dans les tempêtes de l'hiver, ce n'était
        pas chaud. Il y avait aussi des écoles qui n'avaient pas l'eau dans la
        classe mais bien à l'extérieur, il y avait une pompe en face de l'école.
        Nous n'avions pas non plus le transport des écoliers. Il y en avait qui
        avaient un mille à faire pour venir à l'école. Dans les grands
        froids, ils nous arrivaient les pieds et les mains gelés. Chanceux sont
        les écoliers d'aujourd'hui. Quand
        j'ai enseigné à St-Gabriel, je me suis fait un ami du nom d’Adrien
        Parent. Il venait me voir à ma maison de pension et il n'était pas gêné
        car il était parmi sa parenté. Un jour, il m'amena chez une de ses
        tantes sur les Hauteurs de St-Gabriel. Lorsque nous étions de retour,
        avant de me laisser, il dit : "Si vous venez qu'à vous apercevoir
        de quelque chose, vous me le direz.". Lui voulait dire que si je
        l'aimais de le lui dire, mais les gens de la maison ne l'ont pas pris
        comme ça, ils m'ont fait pâtir longtemps. Les classes étant finies à
        St-Fabien, je reçus de lui plus d'une lettre, entre autres une qui me
        disait si je voudrais aller rester avec lui à St-Gabriel. On serait
        bien, on irait voir ma cousine, on se promènerait, on irait où on
        voudrait. Cette fois, la réponse fut fatale. Adieu Adrien ! À
        la fin de mes six mois d'enseignement, je dus aller me présenter pour
        reprendre les deux branches que j'avais manquées. Dans ma composition,
        j'écrivis que j'étais orpheline de père et de mère et que je
        voudrais bien avoir mon brevet car j'en avais besoin pour gagner ma vie.
        O surprise ! Un beau jour, je reçois mon brevet élémentaire. C'était
        en juin 1927. Je n'ai pas su si c'étaient mes réponses qui étaient
        bonnes ou si c'était ce que je leur avais dit au sujet de ma situation
        d'orpheline. Comme
        j'avais promis que si j'avais mon brevet d'enseignement, je ferais un pèlerinage
        à pieds à Ste-Anne-de-la-Pointe-au-Père, pour accomplir ma promesse,
        je m'associai à une charmante amie du nom de Lise Paradis (surnommée
        "La toune"). Nous
        sommes donc parties de très bon matin de St-Fabien chaussées de
        souliers de toile. Nous étions en 1927, alors, les chemins n'étaient
        pas sur l'asphalte comme aujourd'hui, c'était sur la gravelle. Nous
        avions une distance d'environ 35 milles à parcourir. Nous avons fait le
        trajet en 2 jours et une nuit. Le soir, nous avons couché à Bic chez
        les parents de mon amie. Quand nous nous sommes arrêtées le premier
        soir, j'avais les pieds bien enflés. Le lendemain, nous nous sommes
        remises en route clopin-clopant. Nous ne nous arrêtions que pour se
        reposer et manger quand la faim se faisait sentir. Dans l'après-midi,
        nous nous sommes arrêtées à une demeure. La dame était seule. Après
        les présentations, elle appela sa fille qui était allée ramasser des
        petits fruits tout près de la maison. Elle la fit chanter et jouer du
        piano. Pendant ce temps, arriva son fils qu'elle était fière de nous
        présenter et nous dit qu'il allait chanter à la messe demain, celle où
        nous devions assister. Nous avions bien ri, surtout en voyant arriver
        notre chantre. Nous
        avons assisté pieusement à la messe et avons remercié Dieu et la
        Bonne Sainte-Anne pour tous ses bienfaits. J'eus beaucoup de plaisir à
        faire ce voyage avec mon amie. Comme nous étions au terme de notre pèlerinage,
        fatiguées mais enchantées, nous avons pris le train pour le retour. J'allai
        m'offrir immédiatement pour enseigner à St-Fabien. J'obtins une classe
        au quatrième rang. Je pensionnais tout près de ma classe dans une
        famille qui se composait du père, de la mère et de deux garçons et de
        deux filles. C'est chez M. Donat Bellavance. Dans ce rang, il y avait
        plusieurs familles nombreuses, ce qui nous permettait de se réunir le
        dimanche.  J'avais
        une amie qu'on appelait "Tony" qui enseignait au cinquième
        rang, qui était la nièce de M. et Mme Bellavance, et qui venait le
        vendredi soir coucher chez sa tante et le samedi on descendait avec le
        postillon qui était un monsieur D'Astous et on remontait le dimanche
        avec les paroissiens qui venaient à la messe à St-Fabien car il n'était
        pas question de St-Eugène dans le temps, parce que dans ce temps-là il
        n'y avait pas d'église sur le terrain qu'on appelle aujourd'hui St-Eugène.
        Nous prenions beaucoup de plaisir à faire ce trajet. Pendant
        les six mois que j'ai enseigné à St-Gabriel, je recevais vingt-cinq
        piastres par mois, j'en donnais dix pour ma pension, il en restait peu.
        Tout ce que j'ai acheté, à part les petites dépenses habituelles,
        c'est une robe en soie taffetas. Je n'ai jamais si mal acheté. Après
        l'avoir mise quelquefois, la soie se coupa d'elle-même. Il
        fallait que je garde de l'argent pour mes vacances. Je demeurais chez
        mon beau-frère, Vital Roy, je ne payais pas de pension, j'allais fouler
        le foin, qui contrairement à mon autre beau-frère, trouvait que je
        foulais trop 
         Ma
        première année d'enseignement fut une année formidable du côté
        distraction. Nous allions danser presqu'à tous les dimanches, changeant
        de maison chaque fois. C'est là que j'ai appris à danser. C'était également
        idéal pour se faire des ami(e)s. C'est toujours ceux qu'on n'aime pas
        qui se présentent les premiers. Un grand brun du nom de Joseph Berger
        qui s'est amouraché de moi jusqu'à faire la demande en mariage. Je n'étais
        pas intéressée. Je commençais ma vie de fille. Quelque
        temps après, je suis sortie avec Zénon Cloutier. Un garçon bien fin
        et bien sage, mais ce n'était pas mon genre. Les amours n'ont pas été
        longues. Nous passions de très belles soirées. Un soir que nous étions
        réunis chez M. Bellavance, une demoiselle D'Astous n'ayant pas été
        demandée pour danser s'en prit à moi. Elle dit le lendemain à Mme
        Bellavance : "Si la maîtresse d'école attirait pas tous les garçons
        aussi.". Enfin,
        un que j'aimais bien, François D'Astous, me demanda pour sortir avec
        lui. J'étais heureuse car je le trouvais de mon goût. Il était également
        très beau. Nous nous sommes fréquentés environ trois mois quand, un
        dimanche, François était resté au village. Le soir, il était allé
        aux Vêpres pensant me rencontrer. C'est ce qui s'est produit. O
        surprise ! Comme j'allais partir, arrive chez moi un jeune homme, un M.
        Gendreau que j'avais rencontré quelquefois. Il nous offre d'aller faire
        un tour en auto, mon beau-frère pensant bien faire dit : "Viens
        Marie-Ange, nous allons y aller." (Dans ce temps-là, on ne sortait
        pas sans chaperon). Je n'ose pas dire que j'attendais quelqu'un, je
        pensais que j'avais le temps de revenir. Il alla nous arrêter en face
        de l'église juste au temps où sortait François. Il me vit dans la
        voiture, ce qui entraîna une rupture. J'eus ma première peine d'amour.
        Nous étions rendus aux vacances. Quand
        j'étais jeune fille, la St-Valentin ne se déroulait pas comme
        actuellement où l'on envoie à ses ami(e)s de belles cartes et de
        belles fleurs et remplies de belles phrases qui expriment l'amour. Elle
        se fête dans toutes les associations. On était chanceux quand la journée
        était passée sans avoir reçu un valentin car ils étaient envoyés à
        ceux ou celles qu'on n'aimait pas et portaient parfois des mots désagréables.
        Pour ma part, j'en ai pas envoyé et n'en ai pas reçu, mais rien n'empêche
        que j'étais soulagée quand la journée était passée. On était
        toujours inquiète. J'écris ceci pour vous montrer le changement qui
        peut se produire d'une génération à l'autre. Pendant
        mes années d'enseignement, j'avais l'habitude chaque année d'aller
        passer mes vacances chez ma sœur Arthémise, j'y allais aussi pendant
        mes vacances des fêtes. Nous confectionnions des petites robes pour les
        petites filles. Je gâtais le bébé, le petit Paul, qui avait environ 3
        ans. Je lui faisais dire des choses drôles. Un jour que je m’apprêtais
        à tailler une robe, il était fâché contre moi, il disait :
        "Tu prends tout le matériel que j’ai acheté pour faire une robe
        à Germaine (qui était sa sœur)". Comme sa mère et moi rions, il
        dit: "Oui, c'est beau, c'est beau des visages rouges comme ça".
         Aussi
        quand je revenais le vendredi soir de ma semaine d'enseignement, aussitôt
        qu'il m'apercevait, il agitait les mains et disait : "Allo mon cœur".
        Je le prenais dans mes bras et je l'embrassais bien fort. Nous
        étions dans les années 1930. Cette année-là avaient lieu des élections
        fédérales. Mon beau-frère Vital Roy, libéral teindu, me demanda le béret
        rouge que je venais de m'acheter. Il le portait pour faire les foins,
        pour faire ses commissions au village. Il l'ôtait que pour les repas et
        pour se coucher le soir, jusqu'au jour de la votation. Heureusement, il
        gagna ses élections et moi je perdais mon béret. En
        septembre, la classe du quatrième rang ferma. J'allai donc enseigner au
        cinquième rang. Là, c'était plus tranquille, la population était
        moins nombreuse, les familles plus jeunes. Je pensionnais chez un M.
        Pigeon. Au cours de l'année, les amours ont pris avec le garçon de la
        maison, Eusèbe Pigeon, rien de sérieux. Ça se termina avec la fin de
        l'année scolaire. Nous
        étions en l'année scolaire 1929-30. Je décidai d'aller enseigner au
        deuxième rang où demeurait ma sœur Adélia, où était déjà Candide
        qui travaillait comme femme d’aide-ménage et comme aide-homme au
        travail mais sans solde. En automne, Candide remplaçait mon beau-frère
        au ménage de l'étable puisqu'il partait pour bûcher dans le bois
        toute la semaine. Je trouvais que ça lui faisait beaucoup d'ouvrage.
        Alors, je me levais tôt le matin et pour l'aider, je faisais la traite
        des vaches. Elle me remercia plus d'une fois. Ici,
        dans ce rang, ça s'est passé différemment qu'ailleurs. Un dimanche,
        les jeunes du rang sont venus veiller, nous avons passé une belle veillée,
        on a fait des jeux, chanté, en un mot, on s'est bien amusés. Voilà
        que le lendemain, ma sœur est allée faire un tour chez la voisine, Mme
        Gagnon, qui lui a dit : "Vous avez eu de la visite hier soir
        ?" Ma sœur a répondu : "Oui, de la visite pour dépenser
        l'huile". Les jeunes ont appris la nouvelle et ne sont plus venus
        veiller. Ça a changé un peu les choses, au lieu de venir veiller, on
        venait nous chercher Candide et moi. J'ai beaucoup de reconnaissance
        pour la famille de M. Antoine Gagnon et celle d’Augustin Berger qui
        venaient nous chercher chaque fois qu'il y avait le moindre événement.
        Je n'oublierai jamais des gens aussi gentils et tout le beau temps que
        nous avons passé ensemble. C'était des gens merveilleux. Rien
        de sérieux du côté fréquentation si ce n'est qu'un beau soir se présente
        un monsieur Isidore Roy. On se connaissait depuis assez longtemps. Il
        est arrivé comme ça, sans être invité. On s'est fréquenté pendant
        quelque temps. Comme il prenait un coup fort, j'ai décidé de le
        laisser tomber. Un
        bon dimanche, j'eus la visite de mon frère Edmond. Il était accompagné
        d’Elzéar Lagacé. Tout allait bien quand Elzéar voulut taquiner mon
        cousin Paul Jean. Il en résultat qu’Elzéar, qui avait pris un coup
        tomba par terre. Edmond l'a ramassé par l'abdomen et d'une main
        l'adossa à la cloison, donna un coup de poing près de lui et lui dit :
        "Grouille de là …". Ma sœur Adélia eut peur et Elzéar
        aussi. Après, quand il prenait un coup, sa femme n'avait qu'à dire :
        "Je vais aller chercher Edmond." Il se calmait aussitôt. Mon
        frère était très fort, il avait hérité ça de son père. Vers
        la fin de la deuxième année d'enseignement à St-Fabien, je reçus une
        lettre d'un commissaire de St-Mathieu, Ernest Desjardins, c'était mon
        cousin me demandant d'aller enseigner chez eux. Ce qui me plut,
        j'acceptai. À l'automne, je partis pour St-Mathieu. On me donna une
        classe dans le cinquième rang. Cette fois, je pensionnai à ma classe
        pendant la première année, par la suite, je pris une pension chez M.
        After Bérubé. J'étais bien, il y avait deux filles de mon âge et des
        garçons plus jeunes. C'était des vive-la-joie. La plus âgée des
        filles jouait de l'accordéon et lorsqu'on était assez nombreux, on
        dansait. Ils organisaient aussi des soirées. J'avais dans le rang deux
        cousins et une cousine que je pouvais visiter. Tout se passait bien du côté
        enseignement comme celui des distractions. Pendant
        ma deuxième année d'enseignement à St-Mathieu, mon frère Edmond
        acheta la terre de Philéas Gaudreau. Comme il était seul, il me
        demanda pour aller rester avec lui. Je quittai ma pension chez M. Bérubé
        pour aller rester avec lui. Je m'avisai de faire du grand ménage par
        les soirs et les fins de semaine, me voilà lavant murs et plafonds. Après
        quelques jours, j'avais de la peine à me tenir droite, j'avais mal aux
        reins, j'avais les muscles endoloris. C'était le fun pour la petite maîtresse
        d'école, ah ! ah ! Mon
        frère se maria quelques mois après avec Marie-Laure Théberge, une
        fille très bien qui prit sa place comme maîtresse de la maison. Je
        pris pension chez eux pour finir l'année scolaire. Lorsque
        mon tuteur apprit que j'enseignais à St-Mathieu, il était heureux. Il
        est venu m'inviter à aller passer des fins de semaine chez lui. Il y
        avait aussi M. le Curé Giguère qui était encore là. Il me rencontra
        et me dit : "Je vais aller te voir à ta classe bien vite, je vais
        voir comment tu fais ça." J'étais en peur. Je n'avais pas hâte
        du tout. Voici que pendant les vacances des fêtes, lorsque j'étais à
        St-Fabien, j'appris qu'il était mort subitement. Je ne devrais pas dire
        cela, mais j'étais contente. Je
        me fis un ami dans la personne d’Ernest Vaillancourt. Au début, je
        sortais à l'occasion avec lui, par la suite, l'amour est devenu plus sérieux.
        Je l'aimais et il m'aimait. C'était un bel homme aux yeux bleus,
        cheveux bruns, il était poli, affable et respectueux. Il n'y avait
        qu'un inconvénient qui n'en était pas un pour moi puisque ça ne me dérangeait
        pas, il avait plusieurs années de plus que moi. Je me disais, je vais
        faire comme ma mère. Après s'être fréquentés pendant environ une
        année, on décida de se marier. Mon ami s'occupa de trouver un terrain
        au village pour loger notre maison. Quel désappointement quand il
        apprit que le gouvernement lui enlevait son travail pour le donner à un
        père de famille. Plus d'ouvrage, plus de mariage. On continua à se fréquenter
        jusqu'à ce que je change d'école. Par la suite, les fréquentations se
        firent moins régulières jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus du tout. Pendant
        que j'étais au cinquième rang de St-Mathieu (les vacances), je reçus
        une lettre de ma sœur Rose-Anne de Montréal dans laquelle elle
        m'invitait à aller passer mes vacances avec elle. Cette proposition me
        plut et j'acceptai avec plaisir. Comme je n’étais pas allée plus
        loin que Rivière-du-Loup et Rimouski, je fus très surprise et éblouie
        en apercevant ces milliers de lumières qui brillaient sur la ville
        quand j'arrivai à la gare vers dix heures le soir. Je n'en croyais pas
        mes yeux. Ma sœur était là pour me recevoir, après s'être embrassées,
        nous nous rendions à sa demeure, heureuses de se retrouver. Les
        quinze jours que j'ai passés à Montréal ont été mouvementés. Nous
        avons visité les principaux édifices, nous sommes allées au théâtre,
        au cinéma, nous avons visité la parenté. J'étais heureuse de les
        revoir. Nous avons visité les parcs. Je me souviens surtout du Parc
        Belmont parce qu'il y avait cet été-là plusieurs amusements gratis.
        Nous les avons tous essayés. J'ai bien ri. Je ne peux décrire tout le
        plaisir que j'y ai pris. Je me rappelle surtout d'un amusement qui
        consistait à s'asseoir, ma sœur et moi, dans une espèce de voiture
        qui marchait sur des rails. On nous attacha, quelqu'un pesa sur un
        bouton et nous voilà parties, on passa en-dessous d'une trappe qui nous
        jeta complètement dans le noir, ici et là, on rencontra de petits
        inconvénients quand tout à coup apparut un gros bonhomme tout illuminé
        qui paraissait venir vers nous, nous crions, nous rions, mais il fallait
        bien se taire pour réapparaître au public. Nous
        sommes également allées à l'exposition d'Ottawa. Je n'avais pas les
        yeux assez grands pour tout voir, c'était une grosse femme qui pesait
        trois cents livres, c'était des courses à bicyclette autour d'une bâtisse
        ronde, et le reste, je n'oublierai jamais tout le bonheur que m'a procuré
        ce voyage. Pendant
        que j'étais chez ma sœur, nous sommes allées quelquefois dans une
        salle de danse. Quelqu'un m'a invité à danser et j'y suis allée. Ma sœur
        me disait que, après que je fus partie, le même Monsieur avait appelé
        chez elle pour m'inviter. Nous
        n'avons pas oublié les magasins. Je me suis apporté des vêtements
        nouveaux. Dans le temps, on avait une robe pour trois piastres et demie.
        J'en avais apporté une à ma sœur Arthémise, elle était bleu royal.
        Son mari n'a pas voulu qu'elle la porte, il aurait fallu qu'elle soit
        noire ou bleu marin. J'y suis retournée à chaque vacance jusqu’au
        temps où j'ai décidé de me marier. Nous
        étions en septembre 1932. Lorsque j'arrivais de vacances, j'allais
        prendre la classe du haut de la paroisse. Je pensionnais à mon école
        mais j'allais coucher et prendre mes repas de fins de semaine chez ma
        cousine Éva Rioux. Elle me demandait cinq dollars par mois. Quand
        j'avais payé ma nourriture, mon coucher, mon habillement et tous les
        autres frais d'entretien, il n'en restait pas beaucoup du vingt-cinq
        dollars que je touchais par mois. J'ai réussi avec le temps à en
        mettre assez de côté pour organiser mon trousseau, payer ma toilette
        de noces et les dépenses de la journée. O surprise ! Il en restait
        encore un peu. J'enseignai
        là pendant deux ans et sept mois. J'y ai passé du beau temps. Ma
        cousine et son mari étaient bien aimables, ils étaient jeunes, ils
        aimaient faire plaisir. Mon cousin, Joseph Rioux, demeurait pas loin, et
        d'autres du rang qui venaient veiller. On se faisait bien du fun. Parlons
        du côté fréquentation maintenant, le premier ami que je me fis était
        un joli monsieur, du nom d’Octave Lebel. Après quelques rencontres,
        j'eus un désappointement. Je m'aperçus qu'il était sourd. Alors, je
        discontinuai de sortir avec lui. Quelque
        temps après, se présenta Philippe Jean, qui était le frère de celui
        qui devint plus tard mon mari. Quand il a commencé à sortir avec moi,
        je me disais : "Si c'était le blond plutôt." Nous nous
        sommes fréquentés pendant quelques mois, finalement les amours
        finirent avec les vacances. Au
        début de mes derniers sept mois d'enseignement, lorsque j'arrivais de
        Montréal comme d'habitude, un soir, après la classe, j'étais à la
        fenêtre à réfléchir sur mon avenir. J'avais décidé que c'était ma
        dernière année de classe, que j'irais vivre à Montréal. Je m'achèterais
        une maison de chambres. Tout
        à coup, j'aperçois le fils du voisin qui venait de vider les patates
        qu'il venait d'arracher, dans la cave de la maison. En le voyant, une
        voix intérieure me dit : "Alphonse, ça te ferait un bon mari,
        c'est un bon garçon. Pourquoi ne le marierais-tu pas ?". Je
        tombai tout de suite en amour. Je partis bien décidée à écouter
        cette voix. Nos idées se rencontrèrent puisque lui aussi avait décidé
        de sortir avec moi. Nous nous sommes fréquentés pendant environ six
        mois. Nous nous connaissions depuis longtemps. Nous étions parents du
        trois au trois, nous avons payé huit piastres de dispense. "Adieu
        Montréal !" J'ai
        laissé la classe quinze jours avant le mariage. Comme ma cousine venait
        d'avoir un bébé, elle n'était pas très forte. Je lui ai offert mes
        services, car c'était elle qui avait accepté de faire mon repas de
        noces. | |
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| # 945 24 septembre 2014 Segment 3. Mémoires de Marie-Ange Jean (1935-1949) 
 Après
        le mariage, nous sommes allés à l'hôtel Paul Jean. Nous y avons pris
        le dîner et passé l'après-midi. Le souper eut lieu à ma maison de
        pension, chez Mme Charles-Hermel Jean, suivi de la veillée et du
        coucher. Nous
        n'avons pas fait de voyage de noces. Nous sommes allés au 2ème
        rang de Trois-Pistoles chez Joseph Jean, le frère de mon mari. Nous
        sommes restés quelques jours à la maison paternelle. De retour, nous
        sommes allés habiter la ferme de mon mari qui était située au rang
        Ouest à environ un mille ½ de l'église. En
        entrant dans la maison, nos effets étaient tous pêle-mêle sur le
        plancher de la cuisine. En voyant ce désordre, je sentis un fardeau sur
        mes épaules. Je me suis dis : "C'est ici qu'il faut que je vive,
        c'est moi qui devrai organiser la vie du foyer, tout dépendra de
        moi." et j'ai eu peur. Mais la peur disparut vite. 
 
 Il
        y avait mon beau-frère Vital, qui m'avait emprunté de l'argent pour
        payer l’hospitalisation de sa femme. Comme nous avions besoin d'un
        cheval, il m'a offert une pouliche pour effacer sa dette. J'acceptai. Je
        n'ai jamais regretté puisque cette pouliche, c'était notre bonne
        noire. À
        cette époque, nous n'avions pas de frigidaire et nous n'avions pas non
        plus de téléphone pour annoncer notre visite. Quand il nous arrivait
        quelqu'un d'inattendu pour le repas, nous n'avions pas d'autre choix que
        de faire frire des grillades de lard salé dans lesquelles on cassait
        des œufs, d'autres faisaient cuire des crêpes. Par contre, quand on était
        avertis de la visite, on coupait le cou à une poule qu'on plumait,
        qu'on lavait et puis on en faisait un ragoût. Nous n'avions pas les
        facilités d'aujourd'hui de courir chercher un steak à la boucherie du
        coin. 
 
 On
        se contentait de ce qu'on avait, et moi je ressentis alors les douleurs
        que me causait mon gros orteil. Mais cette manière de recevoir la
        visite ne dura que quelques années. Par la suite, chaque année en
        automne, nous engraissions un bœuf et un porc qu'on tuait pendant le
        temps de l'Avent. On nourrissait notre famille pendant l'hiver et au
        printemps nous mettions le reste de la viande en pots que nous faisions
        stérilisés. Ce qui nous donnait de la bonne viande qui était appréciée
        des visiteurs et qui nous donnait la facilité de recevoir. Ceci dura
        jusqu'à l'arrivée du frigidaire. L'hiver,
        pour conserver notre viande, on mettait de la neige par terre dans le
        hangar, on étendait une couche de morceaux de viande dessus et on
        versait des chaudières d'eau froide dessus pour former une épaisse
        couche de glace qui devait cacher la viande, ainsi on avait de la bonne
        viande qu'on conservait jusqu'en avril. Pour
        conserver notre lard, on séparait le gras du maigre, le maigre devant
        servir à faire les rôtis, on coupait le lard par brique que l'on plaçait
        dans une barrique en bois en rangs serrés sur lequel on étendait du
        gros sel, jusqu'à ce que la barrique soit remplie. Ensuite, on préparait
        une saumure ; pour vérifier si la saumure était à point, on y plaçait
        un œuf, si celui-ci flottait, la saumure était prête et on la versait
        sur le lard, on avait alors notre provision de lard pour un an. Sur
        la ferme, nous avions au début sept vaches, deux cochons, 10 poules,
        cinq moutons et deux chevaux. Nous étions en pleine crise des années
        trente et c'est tout ce que nous avions pour faire de l'argent. Au
        printemps suivant, nous avons vendu deux veaux pour  15
        $ et on vendait le beurre 22 ¢ la livre, le bœuf de 3 ¢ à 4 ¢ la
        livre, chanceux quand on pouvait avoir 5 ¢ la livre et les œufs à 17
        ¢ la douzaine. Ça vous donne une idée de nos revenus.   Il
        faut dire qu'on ne payait pas cher comme aujourd'hui. On payait le sucre
        blanc 5 ¢ la livre, la farine 3 $ le sac de 100 livres. En plus, les
        sacs étaient faits de coton carreauté ou fleuri. On pouvait s'en
        servir une fois vidés pour faire de petites robes ou tabliers, etc. Les
        vêtements aussi étaient moins chers, à notre mariage, l'habit de
        noces de votre père lui a coûté 15 $ avec deux paires de pantalons.
        C'était un bel habit bleu marin. Quand il ne porta plus ses pantalons,
        j'ai pris les bons morceaux pour en faire aux petits. De mon côté, ma
        robe du jour coûtait 3,25 $ et celle du soir m'avait coûtée 4 $, étant
        de plus belle qualité.  Par
        la suite, on augmenta le nombre de vaches jusqu'à douze et ainsi de
        suite pour le reste. Pendant la crise, les hommes gagnaient 50 ¢ par
        jour, plusieurs travaillaient pour leur nourriture et d'autres étaient
        payés en provisions. Il
        fallait s'organiser pour vivre avec ce qu'on avait. Pour économiser la
        main d'œuvre, j'allais autant que possible aider mon mari à faire le
        foin et les grains. Je faisais un jardin et nous avions notre viande. On
        se sauvait la vie. On était quand même pas si mal puisque nous
        n'avions pas de  termes à faire*. La ferme nous appartenait. La lune de miel n'a pas été longue
        puisque après neuf mois et dix jours arrivait le premier bébé, une
        grosse fille de huit livres et demie. C'était une belle boule. On
        l'appela Denise. Elle naquit le 13 décembre 1935. Fait cocasse, Denise
        avait les mêmes parrain et marraine que son père et sa mère. Donc, le
        père, la mère et la fille avaient pour parrain et marraine Johnny Jean
        et Elmire Boucher.  
 
 Quand
        les enfants étaient jeunes, ils devaient aller à la confesse au moins
        une fois par mois. Normalement, ils faisaient le trajet à pieds. Denise
        avait dit à ses compagnes qu'elle irait tandis que moi, pour une raison
        majeure, j'avais décidé qu'elle n'irait pas. Imaginez la scène. Elle
        voulait tellement y aller. Il m'a fallu lui tenir tête pour la garder
        à la maison. Un cas semblable s'est produit une autre fois et ce fut le
        dernier. C'est ainsi que Denise avait compris et ce faisant elle m'a aidé
        à l'éducation des autres membres de la famille. Denise
        était une enfant sur qui on pouvait compter. Elle était fiable,
        studieuse et sérieuse. Lorsqu'elle eut atteint l'âge de 8 ans, elle
        pouvait garder les jeunes pendant l'office du dimanche. Ayant des
        aptitudes pour la couture, aux environs de 14 ans, pour Noël, j'avais
        taillé une blouse pour Raymonde et c'est elle qui l'a cousue et c'était
        très bien. À
        l'été, lorsque Denise avait neuf mois, j'ai gardé Barbara Belsaguay,
        deux ans et demi, qui était la fille de ma sœur Antoinette qui
        demeurait à New York. Elle est restée avec moi pendant deux ans. Elle
        ne parlait pas français, mais elle apprit très vite. Un jour que des
        petits cousins promenant un bœuf la croisèrent sur le chemin, lui
        offrirent à embarquer, elle leur répondit : "Je n'embarque pas
        sur un vache". C'était
        une bonne fille qui ne nous a donné que du bonheur. Quand
        Denise eut un an et demi, arriva Gervais. Il me surprit lorsque j'étais
        en plein travail dans mon jardin. Il fit son apparition en avant-midi
        avec trois semaines avant son temps. Il était grand, très maigre et très
        pâle. Comme il était glouton, il mangeait jusqu'à ce qu'il régurgite,
        dormait bien et digérait facilement, il reprit du poids très vite. C'était
        le 27 mai 1937. Il passa son enfance sans trop de difficultés pour se
        rendre à l'âge scolaire. Il n'était pas très doué pour les études.
        Lorsqu'il était en troisième année, Gervais arriva de l'école un bon
        midi tout joyeux et me dit : "Je vous dis maman que je me suis
        planté au concours du mois." "Oui, comment es-tu arrivé?",
        "Le deuxième…de la queue" me répondit-il. Avec
        Charles-Hermel Jean qui travaillait chez nous à l'époque, nous avons
        bien ri de cette répartie. Gervais
        préférait le travail manuel à l'étude. Par exemple, imiter la gratte
        jaune qui enlevait la neige dans le chemin, faire une table de pool,
        jusqu'à s'inspirer de la grande roue sur le terrain d'exposition pour
        en fabriquer une semblable qui était solide et très bien faite. Voyant
        qu'il avait des aptitudes pour le travail du bois, on lui offrit d'aller
        à l'école des Arts et Métiers de Rivière-du-Loup. Il refusa, disant
        qu'il préférait aller bûcher dans les chantiers. Gervais
        agissait souvent par impulsion sans trop réfléchir aux conséquences
        de ses actes. À titre d'exemple, voici une de ses expériences qui
        aurait pu avoir des conséquences graves. Un dimanche où nous étions
        partis à St-Pamphile, il reconduisit les enfants à la messe en voiture
        à cheval. En revenant, histoire de faire rire son petit frère qui était
        sur la galerie, passa tout droit à la maison pour ensuite faire tourner
        la voiture à une vitesse telle qu'elle faillit se renverser, projetant
        Raymonde qui était assise sur le petit banc d'en avant sous la roue de
        la voiture qui lui passa sur la tête et lui fit une blessure. Réjeanne
        aussi tomba et la voiture lui passa sur une jambe. Denise
        ne voulant pas déclarer l'étourderie de son frère, se dépêchait de
        peigner sa petite sœur avant son départ pour l'école, chose qu'elle
        n'avait pas l’habitude de faire avec autant d'empressement. Je la
        trouvai bien vaillante, je ne savais pas ce qu'elle me cachait. Je ne
        l'ai appris que quelques années plus tard. Aussi,
        un bel après-midi où l’on était à travailler dans les champs,
        Gervais raclait au grand râteau quand tout à coup, je ne sais pas ce
        qui s'est passé mais le cheval est parti d'un bond, Gervais tomba en
        avant du râteau qui lui passa sur le dos, il se fit une ouverture sur
        la tête. Je travaillais pas loin, j'entendis du bruit, me retournai et
        j'aperçus Gervais qui venait vers moi la figure toute graissée de
        sang. Lorsqu'il fut près de moi il me dit: "C'est pas drôle hein
        ! maman pour tout perdre mon sang". On arrêta les travaux et après
        l'avoir débarbouillé, on l'amena chez le médecin qui lui fit quatre
        points de suture. Même
        si Gervais était un peu étourdi, il avait bon cœur. Je me souviens
        qu'un dimanche, alors que j'avais été malade, quelques minutes après
        le départ de ma nièce qui était venue me soigner, m'arriva de la
        visite pour souper. Comme j'étais à préparer le souper, Gervais vint
        me trouver à la cuisine et me dit : "C'est pas drôle, hein!
        Maman, êtes-vous fatiguée?" Cette remarque de compassion m'avait
        fait chaud au cœur. Revenons
        quelques années après notre mariage, Alphonse décida en hiver d'aller
        faire du bois avec son frère Philippe, sur notre terre à bois, au sud
        du lac. Ils partaient 4 à 5 jours par semaine. Un jeune garçon venait
        faire le ménage de l'étable, mais le pire c'était le soir, seule,
        quant il ventait dehors, j'avais tellement peur du feu, nous n'avions
        pas de cheminée à la longueur, un bout de cheminée reposait sur le
        toit, le poêle y était raccordé par un long tuyau. J'étais très
        inquiète, je dormais peu et je n'osais pas chauffer le poêle, surtout
        par les nuits de grands vents et ici il ventait souvent puisque nous étions
        situés sur la côte. Je déposais des couvertures dans les lits des
        deux petits et je laissais éteindre le poêle. Un soir qu'il faisait très
        très froid et qu'il ventait beaucoup, il m'a fallu chauffer davantage.
        Tout à coup, j'aperçois le tuyau qui est rouge à la longueur, prise
        de panique, je mis une poignée de gros sel dans le poêle pour en
        ralentir le feu et je courus en haut observer le tuyau. Fort
        heureusement, le tuyau reprit peu à peu sa couleur normale, mais moi,
        je suis restée avec la peur. J'eus de la peine à me rendormir. Cette
        situation s'est répétée plus d'une fois mais avec peut-être de façon
        moins dangereuse. "Pourquoi,
        me direz-vous, ne pas vous faire une grande cheminée ?" C'est que
        c'était dans les années de crise. Nous n'en avions pas les moyens,
        notre seul revenu était l'industrie laitière, quand on reçoit une
        paye de beurrerie dans les 20 $  par
        mois, il faut savoir calculer. Dès
        que les années sont devenues meilleures, nous avons augmenté notre
        troupeau, ce qui nous a permis de remplacer notre tuyau par une vraie
        cheminée, Comme
        le petit dernier faisait ses premiers pas, un autre bébé venait
        enrichir la famille. C'était un autre garçon plein de vie. Normand, un
        beau blond aux yeux bleus qui pesait sept livres et demie. On était au
        10 novembre 1939. Normand était un bébé toujours souriant, ne
        pleurant peu mais très paresseux pour marcher. Il fit ses premiers pas
        à 18 mois, contrairement à ses frères et sœurs qui ont marché à un
        an. Normand
        grandit paisiblement et atteignit l'âge scolaire, c'est là qu'il se
        fit valoir. Voici une petite anecdote qui vous fera voir son petit côté
        espiègle. Je lui avais donné un petit couteau de poche auquel il
        tenait beaucoup. Comme il avait été surpris à s'amuser avec pendant
        la classe, la maîtresse voulut le lui enlever. Il lui avait dit :
        "Non, tu ne l'auras pas" et s'était battu avec elle pour
        finalement se faire mettre à la porte avec une petite lettre. Imaginez
        le petit Normand rentrant à la maison, la lettre à la main. Il lui a
        fallu beaucoup de courage. Après discussion, il retourna à l'école
        avec son père pour demander pardon à l'institutrice qui consentit à
        oublier l'affaire. Quelque
        temps après, il se faisait à la classe un petit commerce de bandes de
        caoutchouc dont les enfants se servaient pour la fabrication de fronde,
        je voulus savoir si c'était l'un des miens qui participait à ce petit
        commerce, après leur avoir posé la question, j'obtins évidemment une
        réponse négative. Alphonse qui avait une tripe d'auto (chambre
        à air) s'aperçut un jour que la tripe avait été coupée, ne
        voulait pas admettre que ce soit les enfants qui l'aient coupée mais
        probablement d'autres enfants du voisinage. Je décidai donc de faire ma
        petite enquête et un bon matin, je surprends Normand qui ramasse les
        ciseaux et se dirige furtivement vers le garage, il en revient après
        quelques minutes, dépose les ciseaux sur la table et s'en va. Je me
        suis dit : "Mon petit gars, je te tiens". Ce soir-là, lorsque
        je leur demandai qui avait apporté la tripe à l'école, "Je ne
        sais pas" avait été la réponse. Après leur avoir conté le résultat
        de mon enquête, Normand a rougi, a avoué sa faute et promit de ne plus
        recommencer. Si Normand vous paraît un peu volage, en réalité, il est
        bon et dévoué. À tous les soirs, en arrivant de la classe, il préparait
        le petit bois pour l'allumage du poêle pour le lendemain. Au
        début de la guerre 1939-45, j'avais trois enfants, Denise, qui avait eu
        5 ans en 1940, était très effrayée par cette guerre, elle voyait des
        soldats partout, elle dormait mal, se réveillait en poussant des cris.
        Je la rassurais de mon mieux. Dans
        l'été 1940, alors que ma sœur Rose-Anne était chez moi, se présenta
        le 10 août vers sept heures du soir une charmante fillette aux yeux
        bleus et aux cheveux blonds. Elle pesait sept livres et était
        rayonnante de vie et de santé. C'était Raymonde. Pour faire différent
        des autres enfants de la famille, elle n'a pas pris les maladies
        contagieuses telles que la rougeole et le reste. Alors
        qu'elle n'avait que 2 ans et demi, je l'avais attachée dans une chaise
        avec une cravate avant d'aller faire la traite des vaches. De retour, je
        ne la vois plus, je regarde dans ma chambre, elle est couchée dans mon
        lit. En m'apercevant, elle me dit : "Moué m'a tombé, youppelaye
        !" Lorsqu'elle
        eut six ans, elle fréquenta l'école. Ses premières années se passèrent
        très bien, puis ça se compliqua à sa 6e
        année lorsqu'elle alla prendre des cours privés au village pour
        obtenir son certificat de 7e année
        qu'elle manqua. Je regrette de ne pas l'avoir gardée avec moi à l'école
        du haut de la paroisse. Elle se reprit l'année suivante et continua ses
        études. Par la suite, elle est allée faire la classe 6 mois au quatrième
        rang de Saint-Mathieu. Ce qu'elle n'a pas aimé, c'est d'aller à l'école
        du village. De retour après la première semaine passée au village,
        elle entre et reste près de la porte toute gênée. Gervais en la
        voyant dit : "Ah! Elle s'est ennuyée." En entendant cela,
        Raymonde se cache dans la garde-robe et pleure. C'était la première
        fois qu'elle partait pour aussi longtemps.  Raymonde
        était un peu garçonnière, elle aimait jouer avec ses frères. Elle préférait
        le dehors aux soins du ménage. Elle suivait son frère Gervais et se
        pliait à ses caprices. Un jour il lui fit ramasser des roches pour une
        rouleuse (cigarette). Elle défendait son frère et le cachait même.
        Lorsque Gervais méritait d'aller dans sa chambre et d'être privé d'un
        repas, elle trouvait le moyen de lui porter quelques mets en cachette.
        Si elle était un peu garçonnière, en revanche elle était studieuse,
        aimable et dévouée. Deux
        ans après, nous arrivait une autre gentille petite fille, contrairement
        à ses autres frères et sœurs qui arrivaient au monde presque chauves,
        Réjeanne avait beaucoup de cheveux, ils étaient foncés. Elle pesait
        sept livres et demie. C'était une petite fille tranquille qui a eu une
        enfance paisible. À l'exception de sa maladie, une pneumonie double
        dont je reparlerai plus tard, elle ne m'a pas causé beaucoup de
        trouble. Elle se contentait de peu de choses. Je me souviens qu'à un Noël,
        on lui avait donné une grosse pomme que l'on avait décorée d'une
        bande de ruban rose, elle était très contente. Voici
        une anecdote amusante. Un jour où j'avais décidé de peinturer le
        plancher du perron en gris, quand vint le temps de faire la besogne, je
        déposai ma peinture dans la dépense, quand je revins, je trouvai Réjeanne
        les jambes et les pieds peints en gris. Elle avait profité du moment
        qu'elle était seule pour se peinturer, ça faisait drôle. Si
        elle était douce à son enfance, elle changea à l'adolescence. Elle était
        devenue plus agressive et peu sociable. Elle voulait toujours gagner sur
        sa sœur Raymonde. L'adolescence passa et elle redevint comme avant. Réjeanne
        profita bien du temps de l’école, ayant un talent moyen, elle dut
        travailler fort. En classe, elle était studieuse et ses maîtresses
        l'aimaient beaucoup, elles avaient raison car Réjeanne était bonne et
        généreuse.  Après
        avoir pris tous les cours qui se donnaient à Trois-Pistoles, elle alla
        à l'École Normale de Rivière-du-Loup où elle obtint son brevet. Elle
        enseigna pendant quelques années avant de se marier. 
 Nous
        avons eu par la suite trois autres voitures, dont une Chevrolet, puis
        une Plymouth et enfin une Ford. Celle que je préférais était la
        Plymouth. À
        la visite paroissiale du curé de l'été 1942, le vicaire Beaulieu de
        Trois-Pistoles remplaçait notre curé parti en vacances. Il me parla de
        guerre, m'expliqua ce que mon mari devra apporter, brosse à dents et le
        reste. Il me fit très peur. Ma peur fut encore plus grande quand un
        jour arrive à notre porte un officier de guerre (M.P.)
        avec un mandat, qui cherchait Donat Jean. Après explications, on
        reconnut qu'on n'était pas à la bonne porte puisque mon mari ne
        portait pas le nom de Donat, c'était un nom fictif (surnom)
        donné pas ses sœurs. Son nom est Alphonse Jean. Imaginez mon
        soulagement. Le
        13 novembre 1944, un autre petit garçon fit son apparition. C'était
        Raymond, un beau châtain, plein de santé. Il pesait lui aussi sept
        livres et demie. Raymond, contrairement à ses deux frères, avait les
        yeux et les cheveux bruns. Il était quand même pas laid. C'était un
        enfant qui a eu une enfance sans problème étant élevé avec ses deux
        sœurs avec qui il partageait des jeux moins turbulents, il était plutôt
        sage. Nous
        étions en l'Année Sainte, les enfants de l'école faisaient des
        sacrifices pour le succès de l'Année Sainte, Raymond, qui n'avait que
        cinq ans lors de la rentrée des classes, ne pouvait pas fréquenter la
        classe, faisait aussi ses petits sacrifices. Il me faisait une
        commission, il allait faire une barre sur le papier qu'il avait
        suspendue à la cloison, si bien qu'à la fin de la journée, sa feuille
        était remplie. Lorsque quelque chose lui déplaisait, il allait bouder
        dans son petit coin. Le temps de fréquenter l'école arriva. Les premières
        années d'école se passèrent bien. Lorsqu'il était en 3e
        année, il est arrivé premier en mathématique avec 100% à l'examen de
        M. L'Inspecteur, mais il devint paresseux par la suite. Raymond avait du
        talent mais il lui manquait la volonté. C'était
        au temps où on s'éclairait encore à la lampe à l'huile, voulant se
        moderniser, on décida de faire installer un moulin à vent sur le toit
        de la maison (une éolienne). Ce moulin, dont les pales poussées par le vent
        faisaient tourner une dynamo, produisait l'électricité qui était
        accumulée dans une batterie installée dans la cave. Ce qui nous
        permettait d'avoir la lumière dans tous les appartements et d'améliorer
        le son de la radio, car à cette occasion nous avions acheté un gros
        radio sur pieds. Mais si cette amélioration nous procurait beaucoup de
        plaisir, elle nous causait par contre des inquiétudes, nous avions peur
        de manquer de vent, car pas de vent, pas de lumière. Nous étions les
        seuls Philippe et nous dans notre rang à posséder un moulin à
        fabriquer l'électricité, nous étions donc le point de mire. C'était
        dans les années du programme "Un homme et son péché", alors
        les enfants du voisin se joignaient aux miens pour écouter l'émission. Je
        me souviens que pour faire marcher mon moulin à laver, on avait installé
        un petit moteur à essence en dessous du moulin. Tout allait bien quand
        le moteur partait de suite quand je pédalais pour le mettre en marche,
        mais pas quand je noyais le moteur. Quelquefois, j'attendais des heures
        le retour de mon mari pour faire mettre le moteur en marche, ce dernier
        étant au travail dans les champs. Je fus heureuse lorsqu'en 1947,
        Monsieur Jules Brillant nous annonça que nous allions avoir une ligne
        électrique dans le rang. Une fois la ligne installée, nous nous sommes
        empressés d'entrer l'électricité à la maison. La première chose que
        l'on fit, mon mari remplaça le moteur à essence de la machine à laver
        par un moteur électrique. On installa également un moteur électrique
        sous ma machine à coudre ainsi qu'à mon rouet. À partir de ce jour-là,
        je travaillai avec facilité et agrément. Quand
        les enfants étaient jeunes, il existait une tradition, le jour du
        Vendredi Saint, de midi à 3 heures, heure qui représentait la mort de
        Notre Seigneur, on gardait le silence et on obtenait trois grâces. Les
        enfants ont fait ça, c'était très difficile, on s'échappait parfois.
        On se parlait par signe quand c'était nécessaire. Je ne sais pas s'ils
        ont obtenu des grâces, mais tout ce que je sais, c'est qu'on avait la
        paix pendant trois heures. J'ai
        connu également les dimanches où on se levait à 5 heures du matin
        pour faire la besogne de l'étable et après je courrais à la maison
        pour préparer les enfants et me préparer moi-même pour être prêts
        lorsque mon mari arrivera avec la voiture pour se rendre à la communion
        de 7 heures 30. Il fallait n'avoir ni bu ni mangé depuis minuit. On déposait
        les enfants en passant chez l'oncle Albert, eux avaient de grands
        enfants. Il y avait donc toujours une gardienne. Après la communion,
        nous allions déjeuner à la salle paroissiale. J'apportais quelques
        mets que je préparais avant de partir. Ceux qui avaient des parents au
        village allaient les voir. Il fallait être à temps pour la grand-messe
        à 9 h 30. On ne sortait pas de l’église avant 11 h 30, midi quand il
        y avait des assemblées après la messe. Ceci
        dura jusqu'à ce que les enfants soient assez grands pour garder. Quand
        je pense qu'aujourd'hui, plus besoin d'être à jeun et que la communion
        se donne à la messe et que la messe à lieu à 10 h 30 et même 11 h.
        Vous pouvez vous compter chanceux. Cependant, je ne regrette rien. Je me
        dis que c'est ce que tout le monde faisait dans le temps. Nous
        avions les quarante heures aussi qu'il fallait suivre. On y allait 2
        fois par jour. Le matin pour la messe suivie du prône et le soir de 7
        à 8 heures pour un sermon. Ça comprenait aussi une journée et une
        nuit d'adoration. M. le curé préparait la liste des noms des gens de
        la paroisse qu'il affichait dans le vestibule de l'église. Quand notre
        nom sortait pour la nuit, il fallait laisser nos couvertures chaudes
        pour aller passer une heure en prière. Il ne faisait pas chaud, car c'était
        toujours en automne.  Contrairement
        aux jours saints où les exercices étaient semblables, c'était au
        printemps, la température était plus favorable. C'était parfois les
        mauvais chemins qui nous causaient du trouble. On ne savait pas quelle
        voiture utiliser, traînante ou roulant. C'était la difficulté du
        temps. À
        cette époque, il y avait beaucoup de passants qui mendiaient. On les
        appelait les "quêteux". Quelques-uns s'en faisaient une
        profession. Ceci dura jusqu'à l'arrivée des pensions de vieillesse.
        Grand-père et grand-mère Narcisse, les parents de mon mari, hébergeaient
        tous les passants, mendiants et autres. Ceci a eu de l'influence sur
        leur garçon Alphonse qui n'était pas capable à son tour de dire non
        à qui lui demandait l'hospitalité. Cependant, il y eut quelques
        exceptions que voici : Nous nous apprêtions à sortir un soir d'hiver
        quand, tout à coup, on frappe à la porte. Je vais ouvrir. C'était un
        quêteux qui demande à coucher. On lui dit : "Nous ne pouvons pas
        vous garder car nous sortons ce soir." Le quêteux fâché nous
        crie : "Sortez, sortez maudites charognes." Et prend la porte.
        Alphonse, en entendant cela bondit et courut pour attraper notre type.
        J'eus juste le temps de le retenir afin de l'empêcher de lui casser un
        membre. Une
        autre fois, c'était en été, un samedi sur la fin de la journée, je
        vois venir un quêteux. Je me dis : "Il va vouloir coucher ici et
        demain c'est dimanche. J'attends de la visite. Je n'ai pas besoin de
        lui". Je ferme la porte à clef et je monte en haut. Mon quêteux
        frappe à la porte et finit par s'asseoir dans le haut de l'escalier. Là,
        il voyait mon mari et les enfants qui travaillaient dans les champs.
        Moi, en haut, je fatigue, je trouve le temps long. J'ai un gâteau au
        fourneau qui peut brûler. J'attends quelques instants et je descends
        sur la pointe des pieds. J'enlève mon gâteau du fourneau et je
        remonte. Il ne m'a pas vue. Le temps est long à attendre après le quêteux.
        Le moment de la traite des vaches arrive. Il est encore là. Je décide
        de faire un grand détour pour ne pas qu'il me voit. Quand je suis
        revenue, il était parti. J'étais bien contente et surtout soulagée. Mon
        mari était un homme doux et patient, même très patient, mais quand il
        en avait assez, ôtez-vous de dans ses jambes. Pour illustrer la chose,
        voici une anecdote : C'était en temps d'élections, mon voisin Émile
        Paradis avait obtenu de l'argent du gouvernement pour faire un bout de
        chemin au sud du lac. Comme on possédait des terres de ce côté on
        aurait dû être les premiers à y travailler, mais M. Paradis fit
        travailler ses amis, qui ne possédaient même pas de terre de ce côté,
        avant mon mari et ses deux frères, Philippe et Albert.  Jusque-là,
        la colère grondait en lui et ses frères mais ils ne parlaient pas.
        C'est quand Émile demanda des adversaires du parti pour leur donner les
        meilleures places, c'est à ce moment que, n'en pouvant plus et poussé
        par ses deux frères, il  perdit lumière*
        et sauta sur Émile et lui déchira sa chemise. Le soir en le voyant
        arriver, je m'aperçus tout de suite qu'il n'était pas comme
        d'habitude. Je lui dis : "T'es bien piteux, est-ce que tu te serais
        battu?". Il me répondit : "Oui, je me suis battu, il le méritait."
        C'est la seule fois qu'une chose comme celle-là se produisit. 
 À
        chaque année, à peu près à la même date, il retombait jusqu'au jour
        où il décida de prendre des capsules d'huile de foie de morue à l'année.
        Moi, j'étais seule pour m'occuper de la traite des vaches et le reste.
        Comme c'était le temps de faire le jardin, je me trouvai une jeune
        fille pour avoir soin des enfants et je m'occupai à planter les graines
        qui produiront plus tard les légumes. Je
        me rappelle que je suis devenue tellement fatiguée que je me demandais
        si on était le matin ou le soir. Ceci a duré tant que dura la maladie
        de mon mari. Le printemps suivant, comme mon mari faisait une rechute, Réjeanne,
        qui avait deux ans et demi, fit elle aussi une pneumonie double. Elle a
        été très malade. Elle ne marchait plus. Un soir, elle nous regardait
        si fixement que j'ai pensé la perdre. Merci à Dieu ! Le lendemain,
        elle prenait du mieux. Elle fit, elle aussi, des rechutes. Elle s'en est
        bien remise, elle jouit aujourd'hui d'une bonne santé. Le
        matin du Jour de l'An 1948, je mis au monde le septième de mes enfants,
        Alain-Bruno. Par malheur, il était malade. Il avait de la difficulté
        à respirer, il étouffait et venait bleu. Le médecin m'a dit que c'était
        parce que j'avais fait une pleurésie quand je le portais. Par la suite,
        il prit du mieux. Le médecin attendait qu'il ait neuf mois pour lui
        enlever les amygdales et les végétations. À l'âge de cinq mois, il
        fit une pneumonie qui l'emporta. Il était très beau avec son petit coq
        sur la tête. C'était le seul qui frisait naturel. Il mourut le 23 juin
        1948. J'eus beaucoup de peine à m'en séparer. En
        septembre 1948, je reçus une invitation pour le mariage de Gaby à Adélia
        de Barraute. Je communiquai donc avec Rose-Anne de Montréal qui me dit
        : "Viens me trouver à Montréal et je vais y aller avec toi."
        Après avoir dialogué avec mon mari et les enfants, il fut décidé que
        j'irais. Comme
        Denise n'avait que 13 ans, je la trouvais trop jeune pour me remplacer
        auprès de ses frères et sœurs, j'eus Noëlla chez Eugène Jean pour
        s'occuper de tout. Je partis donc sans préoccupation. Rendue à Montréal,
        nous sommes parties par le train à sept heures et demie. Nous y avons
        passé la nuit et le lendemain, nous sommes arrivées à 1 heure et
        demie. Les rails de chemin de fer étant mauvais, ça brassait beaucoup.
        Nous avons pris deux bancs l'un en face de l'autre de manière à être
        à l'aise et de pouvoir s'étendre les jambes et surtout de se débarrasser
        des passagers, car il y avait beaucoup d'hommes qui se rendaient ou
        revenaient des chantiers. Quand
        quelqu'un nous demandait pour s'asseoir en face de nous, nous leur
        disions non, nous allons faire la classe à Barraute et nous avons
        besoin de nous reposer. Il y avait pas loin de nous un monsieur qui
        captait tout ce qui se passait. Ce monsieur était très comique. Il
        racontait des histoires, faisait des farces drôles, des charades, des
        devinettes et le reste. Tout ce qu'il disait était très drôle, mais
        chose curieuse, c'était dit en mots très propres. Nous avons ri, ri à
        s'en tenir les côtes.  Ce
        qu'il y avait de plus drôle, c'est lorsque quelqu'un venait pour
        s'asseoir en face de nous, ce monsieur disait : "Ce sont ma femme
        et ma belle-mère, laissez-les tranquilles". En pleine nuit, il
        prenait des glissades dans l'allée, réveillant ainsi les petits vieux
        qui cherchaient qui avait fait cela. Mais, le plus comique, c'est qu'après
        un certain temps, c'était lui qui était assis en face de nous. 
 Ceci
        ne lui enlevait pas ses qualités. Alphonse était un homme doux qui
        adorait sa femme, possédant un bon caractère, aimant faire de
        l'humour, se plaisant surtout à taquiner. Ses victimes étaient surtout
        les jeunes.    Le 5 novembre 1949, la famille se termina avec la perte d'un bébé anonyme où je faillis y laisser la vie. 
 ___ * Perdre lumière : être aveuglé par la colère | |
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        1 octobre 2014   Segment 4. Mémoires
        de Marie-Ange Jean (1950-1964) C'était la
        coutume chez nous d'amener les enfants une fois par année, un dimanche,
        entendre la messe à Ste-Anne-de-la-Pointe-au-Père et par la même
        occasion pique-niquer au quai du même endroit. Ils ont failli manquer
        à la tradition. C'était un samedi, à la veille du départ, toute la
        famille était au champ pour la finition des foins. Comme c'était les
        jeunes qui foulaient le foin, Alphonse monta dans la charrette pour
        remonter les bords du voyage. Le cheval partit subitement et Alphonse
        tomba et se frappa la tête, chanceux  Nous étions autour de lui, affolés, on se jette à genoux auprès du lit et nous récitons le chapelet. Tout à coup, il ouvre les yeux et dit : "Qu'est-ce que je fais ici ?" Je lui raconte ce qui est arrivé. Il dit ne se souvenir de rien. Nous étions bien soulagés. Alphonse reprit son travail, non sans avoir la tête lourde. Les enfants ont eu leur pèlerinage. Lorsque j'enseignais à l'école du rang, en fin d'année, toutes les classes se réunissaient à la salle paroissiale du village pour faire la fête. Chaque école y allait d'un chant, d'une pièce, d'un dialogue, etc. Moi j'avais choisi une pièce qui portait le nom de "Un curé et son bedeau". Il s'agissait d'un curé qui devait s'absenter, il avait donc chargé son bedeau de le remplacer le dimanche pour lui faire dire le prône à la messe. Alors le bedeau, qui était Raymond, monte en chaire et mélange toutes les phrases, ce qui avait occasionné des fous rires dans l'assistance. Il terminait par : "Je vous bénis au nom du Père et du Fils et du St-Esprit." Ce qui avait tellement plu à M. le curé qu'il me dit : "Votre petit garçon va faire un prêtre, placez-le au séminaire." On fit la demande, mais il n'y avait plus de place. On le plaça donc chez les Frères des Clercs de St-Viateur à Ste-Luce. Lorsqu"il signait ses lettres, il signait "Votre fils dans le Seigneur", ce qui lui valut bien des taquineries de la part de ses frères et soeurs. Cette expérience donna peu de résultats valables. Une année de perdue et un curé manqué. Par la suite, il continua ses études à Trois-Pistoles chez les frères du Sacré-Cœur. Il travaillait par ses soirs et les samedis au magasin J. T. Rioux. Après, il s'inscrivit à l'École de Commerce de Rimouski pour étudier la comptabilité. Il y resta 6 mois. Après les fêtes, il ne voulut plus y retourner. Il travailla par la suite à plein temps au magasin J. T. Rioux, malgré qu'il quitta les études, il étudia par la suite pour être électricien diesel. Aujourd'hui, il gagne bien sa vie honorablement. Anecdote
        : Un soir que Raymond était au restaurant avec la famille, quand son
        tour de service fut venu, il commanda un sandwich. La serveuse lui dit:
        "Plain ou toastée", il répondit: "Les deux". Ce
        qui lui a valu beaucoup de taquineries de la part de ses frères et sœurs.
        Il avait environ 14 ans. Quand
        la ligne téléphonique passa dans notre rang dans les années 50, nous
        nous sommes empressés de l'adopter. Au début, nous avions une ligne
        commune, nous étions cinq abonnés sur la même ligne. Nous avions
        chacun un certain nombre de coups de sonnerie, ce qui nous permettait de
        savoir pour qui était l'appel et nous permettait également d'écouter
        les appels destinés à un voisin. Un bon dimanche matin, mes filles
        sachant que Simone, la fille du voisin, devait faire un téléphone
        concernant une veillée qui devait avoir lieu au deuxième rang de
        Trois-Pistoles, et puisque elles-mêmes devaient se rendre à la messe,
        me demandèrent d'écouter au téléphone. Je refusai d'abord pour enfin
        succomber à leur demande. J'étais à préparer mon dîner, quand tout
        à coup, la sonnerie du téléphone se fit entendre. J'écoutai en
        comptant le nombre de coups, ce sont les bons, je soulève doucement
        l'acoustique et j'écoute. J'entends que l'on discute d'une soirée. Une
        voix dit : "Tu feras un longue distance !", Simone répond
        :"Un longue distance? Ah! Non! J'ai trop peur de ça un long
        distance moi !" Je pouffe de rire. Au retour des filles, je leur
        raconte la peur de Simone, elles ont beaucoup ri et elles ont dit :
        "C'est bien Simone, ça!" Le
        lendemain matin au lever apparaît Normand qui descend que sur une
        patte. Je lui demandai qu'est-ce qui s'était passé ? Il me répondit:
        "Je ne sais pas, j'ai eu connaissance de rien, je suis monté me
        coucher comme les autres". Je demandai aux autres s'ils avaient eu
        connaissance qu'il se soit frappé ou qu'il ait tombé, on me dit que
        non, peut-être qu'il s'est frappé après une chaise. On l'amena chez
        le docteur qui nous dit que c'était un nerf de coincé, de mettre des
        compresses chaudes. Ce que je fis, mais ça ne s'améliorait pas. Nous
        sommes retournés une autre fois pour nous faire dire de continuer, pas
        se décourager, ça va être long. Son
        frère Gervais lui a fait une paire de béquilles, il s'en servit
        pendant quelques temps mais il s'en désintéressa, n'allant presque
        plus jouer dehors, il restait seul à la maison, ce n'était pas lui ça. 
 Comme
        les enfants grandissaient, grandissaient avec eux les besoins. Pour
        augmenter les revenus, je décidai de faire un jardin maraîcher. Un an
        après, aidée de la main d'œuvre familiale, je me lançai dans la
        culture de la fraise. Tout cela faisait beaucoup de travail, mais le résultat
        en voulait (valait) la peine. Pour la cueillette, je leur donnais un cent du
        casseau avec permission d'en manger. Ils étaient satisfaits. En
        1952, mon cousin, Joseph Rioux, qui était commissaire de l'école, me
        demanda, au cours d'un repas des fêtes, pour remplacer l'institutrice
        qu'il avait remerciée en décembre. Je ne le pris pas au sérieux et
        refusai. Quelques temps après, il est venu me faire une seconde
        demande, me donnant 15 jours pour y penser. Après ce temps, même réponse.
        Il me prit par les sentiments en me disant que je serais responsable si
        les élèves perdaient leur année, etc. J'acceptai donc pour finir
        l'année, mais je mis pour condition que je ne signais pas d'engagement,
        pouvant laisser à volonté. Ils acceptèrent. 
 Je
        ne me décourageai pas. Je me suis mise à étudier par les soirs, et le
        dimanche, après la messe, j'allais demander des explications aux bonnes
        sœurs du village. Je fis ça souvent pendant la première année, si
        bien que, j'en ai présenté sept au certificat et j'en ai obtenu cinq.
        O surprise! Par la suite l'école no 1 arrivait toujours la première
        aux examens de fin d'année. Ce qui a causé des mécontentements parmi
        les sœurs. Dans ce temps-là, M. Le Curé donnait toujours les résultats
        de l'année scolaire du haut de la chaire. Après ce succès, j'ai décidé
        de continuer l'enseignement. Ma cousine Éva Rioux et moi, vu l'état de la classe du rang, nous avions réservé une classe privée pour nos deux filles, Raymonde et Mariette, qui désiraient obtenir leur certificat de 7e année. Malheureusement nos filles ne l'ont pas eu. Il leur a fallu reprendre leur année. Comme j'ai décidé par après de prendre l'enseignement de cette école, je ne les ai pas reprises car je manquai de confiance en moi, chose que je n'aurais jamais dû faire, car après avoir bien travaillé, j'en ai présenté sept au certificat et j'en ai obtenu cinq. J'étais très contente. Ce sont Clément et Gaétan Paradis qui ont manqué. 
 
 Ma
        voisine me dit l'avoir vu venir à la rencontre d'une voiture, elle se
        demandait ce que la jument allait faire. Ma noire prit la rencontre qui
        se trouvait à côté du chemin, une fois la voiture passée, elle
        reprit le chemin et se rendit à destination. Elle l'avait trouvée
        intelligente. Vous voyez comme j'avais raison de vous dire qu'elle était
        fine ? On
        avait aussi un autre cheval, on là appelé celui-là "John".
        Autant la noire était fine, intelligente, docile et facile, lui était
        excité, têtu, désagréable et paresseux. Un jour qu'il sortait de l'étable,
        il mit le pied sur la jambe de Normand qui était assis par terre dans
        la cour de l'étable. Il en porte encore la cicatrice. Chose que la
        noire n'aurait jamais faite, elle se serait arrêtée et n'aurait plus
        voulu avancer. Sur le chemin, il ne se pressait pas, il fallait toujours
        le fouet pour le faire trottiner, excepté s'il se sentait dépassé par
        un "snow", là, plus moyen de l'arrêter, il allait à la
        course pour le suivre et il ne changeait pas de vitesse tant qu'il le
        voyait. Ça vous donne une petite idée de ce qu'était ce fameux
        "John". Quand
        arrivait le temps de Noël et du Jour de l'An, ça ne passait pas inaperçu,
        le soir de la Messe de Minuit, on attelait le cheval à la carriole, on
        emplissait la voiture et on partait. Quand les chemins étaient durs, on
        entendait les pas du cheval s'accorder avec les grelots formant ainsi
        une belle harmonie. C'était très beau et surtout très émotionnant.
        Rendus à l'église, on entendait pieusement la Messe de Minuit. On
        allait adorer le petit Jésus couché dans la crèche, on lui demandait
        des faveurs. Les petits déposaient des sous à l'ange qui disait merci
        car cet ange inclinait la tête lorsqu'on y déposait des sous et ceci
        les intriguait beaucoup. De
        retour à la maison, lorsque les enfants étaient jeunes, je leur
        servais un léger goûter. On distribuait à chacun un petit cadeau et
        on allait se coucher très heureux. Comme
        avec le temps tout se modernise, c'est ce qui nous est arrivé avec le
        transport, les dernières années à St-Mathieu, nous allions à la
        Messe de Minuit en "snowmobile", c'était chaud et
        confortable, mais ça nous enlevait les plaisirs de la voiture à
        cheval. Quand
        les enfants sont devenus adultes, à St-Mathieu comme à Trois-Pistoles,
        chacun faisait sa part pour organiser l'arbre de Noël. Les hommes
        allaient dans le bois cueillir l'arbre de Noël. On choisissait le mieux
        garni et le plus beau, on le plaçait dans le coin du salon. Les femmes
        s'empressaient de le garnir, nous déposions des guirlandes, des boules,
        des glaçons et des lumières. "C'était le plus beau !"
        Chacun venait y déposer ses cadeaux à son pied, si bien que ça
        formait une mer de cadeaux. Le
        temps venu, on nommait quelqu'un pour en faire la distribution. On
        remettait le cadeau à qui il était adressé et on entendait des:
        "Oh! Que c'est beau ! Merci !" Parfois, il y avait des cadeaux
        surprises qui étaient faits que pour taquiner. Je me souviens que
        Raymonde avait reçu une suce, ce qui a bien fait rire. La distribution
        des cadeaux terminée, on s'installait à une table bien garnie où on
        pouvait déguster toutes sortes de bons mets accompagnés de musique.
        Tous étaient joyeux, on parlait, on riait, on chantait et on disait à
        qui de droit un gros merci accompagné d'un baiser. La veillée se
        prolongeait quelquefois jusqu'à 3 ou 4 heures, après quoi, tous s'en
        retournaient chacun chez eux, satisfaits de la fête. Il
        y avait aussi le Jour de l'An qu'il ne faut pas oublier et qui se
        voulait semblable au Jour de Noël. On commençait l'année en assistant
        à la messe, nous avions un réveillon, mais contrairement au Jour de Noël,
        nous n'avions pas de cadeaux. Le soir du Jour de l'An, on se réunissait
        avec Philippe et sa famille chez Albert Jean qui était le plus vieux de
        la famille de Narcisse Jean, le père d'Alphonse. Là, nous faisions
        notre Jour de l'An et après s'être souhaité toutes sortes de bonnes
        choses, nous nous placions tous autour d'une table pour déguster un bon
        vin et savourer les bons mets que tante Elmire nous avait fricotés avec
        amour. Après s'être amusés, le temps était venu de retourner chacun chez soi, mais pas avant d'avoir remercié nos hôtes de la soirée et s'être donné rendez-vous chez nous et aussi chez Philippe. Dans ce temps, les fêtes du Jour de l'An duraient pendant une partie du mois de janvier. Aussi, on fêtait les Rois (Circoncision) qui arrivait six jours après le Jour de l'An. Quand je donnais mon repas ce jour-là, je faisais un gâteau dans lequel je plaçais une fève et un pois. Celle qui trouvait la fève dans son morceau de gâteau était élue Reine de la soirée et celui qui trouvait le pois en était le Roi. On les couronnait et on les plaçait à l'honneur. C'est eux qui ouvraient la soirée. 
 En
        1954, je perdais ma sœur Candide qui est morte après avoir donné
        naissance à une fille "Roseanne". Elle laissait son mari et
        six enfants. Pour rendre service à mon beau-frère Thomas, qui était
        bien découragé, j'ai pris Claudette qui avait neuf ans. Elle était
        une fille aimable, sage. Elle s'accordait bien avec ses cousins et
        cousines. Le soir quand mes filles sortaient, elle s'assoyait près de
        moi et faisait la conversation. Je l'aimais bien et j'étais contente de
        parler avec elle. C'était
        à l'automne 1954, alors qu'on lui avait remis les jumeaux, Thomas
        voyant venir l'hiver, était très préoccupé étant seul avec son garçon
        Claude, n'envisageait pas de prendre l'hiver avec les petits qui avaient
        cinq ans. Voyant son désarroi et constatant que Denise s'ennuyait seule
        l'après-midi, exprima le désir d'avoir les jumeaux. Après lui avoir
        bien expliqué le surplus de travail qu'elle aurait à faire, je  Francis
        avait des aptitudes pour la mécanique, il l'a prouvé lorsque notre
        centrifugeur s'était brisé. Nous avions fait venir quelqu'un pour la réparation.
        Francis qui était là, regardait attentivement et trouve l'endroit du
        bris avant le réparateur. Par la suite, il fit de belles choses. Il a
        fait les meubles de sa chambre et inventa de nouvelles patentes. Voici
        une anecdote : Lorsque Francis avait à peu près 6 ou 7 ans, il était
        allé jouer dehors avec sa sœur jumelle. Il eut la surprise de déchirer
        sa culotte en arrière. Lorsqu'il entra à la maison gêné, la main sur
        la déchirure, mon mari dit : "Ah! Les belles fesses".
        Francis, insulté de répondre aussitôt : "Oh! Mon oncle salope". Tout
        allait bien, les enfants fréquentaient l'école, quand les frères du
        Sacré-Cœur sont venus à l'école du rang pour vanter les joies du
        noviciat, les jeux, etc. Ils le firent si bien qu'ils en gagnèrent six
        qui partirent en même temps que le mien. Je revois Normand assis sur la
        dernière marche de l'escalier, sa valise devant lui, attendant la
        voiture pour partir. Inutile de lui faire changer d'idée. Lorsque
        Normand nous quitta pour entrer chez les frères, il nous avait laissé
        en cadeau une dette de 12 $ chez Adélard. Un oubli, évidemment. La
        famille vieillissait paisible, il ne restait que les trois derniers qui
        fréquentaient l'école. Je m'occupais toujours à faire les vêtements
        de toute la famille. Comme je recevais des boîtes de linge de mes sœurs
        de Montréal et de New York, je prenais les morceaux qui convenaient
        pour les enfants, je les défaisais, les lavais si nécessaire et les
        retaillais selon la grandeur. C'était beaucoup d'ouvrage mais ça en
        valait la peine et surtout ça économisait gros. En agissant de même,
        les enfants étaient bien habillés et ça ne coûtait pas cher. J'avais
        fait aux deux dernières chacune un costume avec les habits des garçons
        de Rose-Anne. Comme Denise ne fréquentait plus la classe, elle s'occupa
        avec moi de la fabrication des vêtements. Je me souviens, nous leur
        avions fait à chacune un petit chapeau de velours avec gland et une
        sacoche du même tissu avec bandoulière. Nous étions fières de notre
        travail. Nous avons fait par la suite des tapis et monté une pièce de
        couvertes. Nous nous préparions à faire bien d'autres belles choses
        quand le destin est venu changer nos plans. Je laissai tout pour
        l'enseignement. Quand
        Gervais a commencé à travailler, il a acheté un petit gramophone et
        également des disques de succès du temps, de la musique etc. Les
        jeunes étaient en adoration devant cette petite boîte qui parlait et
        jouait de la musique. Ils s'en servaient pour agrémenter les soirées
        avec ou sans les amis. Ceci dura jusqu'au jour où nous avons acheté un
        radio. Après, ils s'en servaient de plus en plus rarement jusqu'à ce
        qu'ils ne s'en servent plus du tout. Si bien que quand on a laissé la
        ferme, je l'ai échangé pour un petit radio. En
        1958, comme Gervais était dans les chantiers et que Raymond était aux
        études, puisque M. le curé Bérubé avait prédit qu'il y avait un prêtre
        en Raymond, mais il s'est grandement trompé, mon mari étant seul pour
        travailler sur la ferme et vu son âge avancé, on décida de vendre la
        ferme pour la modique somme de 3400 $ avec un petit "cash" et
        de faibles termes. Puisque
        Trois-Pistoles me paraissait favorable aux études des enfants, nous décidâmes
        d'aller y demeurer. Nous partîmes à la fin des classes. Nous sommes
        allés nous installer chez Mlle Lafrance sur la rue Notre-Dame. Comme ce
        n'était pas très grand, nous y sommes demeurés que quelques mois. Par
        la suite, nous sommes déménagés là où demeure aujourd'hui M.
        Alphonse Jalbert, rue Notre-Dame ouest. Nous étions voisins du magasin
        J. T. Rioux du temps, ce qui a permis à Raymond de travailler au
        magasin par les fins de semaine. Nous y sommes restés de 1958 à 1965. Dans
        les derniers temps où nous étions à Trois-Pistoles, Raymonde et Adéodat
        avaient leur loyer en arrière de chez nous. La petite Guylaine avait
        trouvé le tour de venir me voir. Elle n'avait que 1 an ½. C'était
        drôle de la voir venir, ce petit bout de femme qui s'en venait en riant
        pour entrer par la porte d'en arrière. Je courais lui ouvrir la porte,
        je la prenais dans mes bras et je l'embrassais. Comme
        j'étais rendu à 14 ans d'enseignement, je décidai de continuer. Avec
        l'intervention de l'inspecteur Thériault, j'obtins une classe à l'école
        Litalien, une sixième année. Avoir à supporter la direction
        m'embarrassait. Je partais le matin bien en forme et dès que j'ouvrais
        la porte de l'école Litalien, un fardeau me tombait sur les épaules.
        Je fatiguais une partie de la journée. Je n'ai pu m'adapter. J'ai préféré
        retourner dans une école de rang. J'ai quand même fait une bonne année. J'obtins
        la classe du premier rang est. J'aimais bien mes élèves, c'étaient de
        bons enfants et surtout très intelligents. C'était beau de leur
        enseigner. J'y ai enseigné pendant six ans. Ces six années m'ont
        permis de compléter le nombre d'années nécessaires à la pension,
        aussi elles ont été pour moi très enrichissantes. En même temps, ça
        m'a permis une retraite qui m'assure un certain confort. Un gros merci
        à Denise qui m'a permis de me rendre à ma pension. Bravo Denise! Tu
        m'as beaucoup aidée! Pendant
        ce temps, Alphonse de son côté devait aussi se trouver de l'ouvrage.
        Avec la complicité de son beau-frère Thomas Thibault, ils décidèrent
        d'aller faire du bois à Amqui, le bois était mauvais et non rentable,
        ils y travaillèrent pendant 15 jours après quoi ils décidèrent de
        revenir à la maison. Alphonse décida de faire du porte à porte. Pour
        ce faire, il s'engagea à vendre des produits de la compagnie Bérubé
        de St-Alexandre, travail qu'il fit pendant 1 an, après quoi il y ajouta
        de la marchandise sèche, pour finalement ne vendre que des vêtements
        pour dames, hommes et enfants. Il fit ce métier jusqu'au jour où,
        atteint de maladie, il dut s'arrêter. Il fit un séjour à l'hôpital où
        il subit une opération pour une hernie  Le
        plus beau temps que j'ai passé avec ma famille est celui à
        Trois-Pistoles, lorsque la famille était au grand complet. Je revois
        les soirées passées ensemble avec nos ami(e)s. C'était magnifique. Je
        me sentais tellement heureuse. Pendant ces années, les cavaliers
        envahissaient la maison. Là, j'avais un pincement au cœur En
        1960, c'est Denise qui partit le bal en se mariant avec Richard Leblond
        le 27 juillet à Trois-Pistoles. Elle quittait le foyer familial pour
        aller vivre sur la Côte Nord, un pays qu'elle ne connaissait pas. Je me
        souviens qu'au moment de nous quitter, tous pleuraient incluant Richard,
        mais pas Denise. Je ne l'ai pas compris, ça lui a pris beaucoup de
        courage. Deux
        ans après, Raymonde nous annonça son mariage à Adéodat Vaillancou L'année
        d'ensuite, le 27 juillet 1963, c'était au tour de Réjean La même année, le 31 août, c'était le mariage du premier garçon qui épousait Huguette St-Pierre. Le matin de leur mariage, il pleuvait à boire debout. La mariée pleurait. Dans ce temps-là, on se mariait l'avant-midi. On dit que quand il pleut au mariage, les mariés sont malheureux. Je peux vous confirmer que ce n'était pas le cas pour eux. Ils sont allés coucher à Rimouski. Nous sommes allés les surprendre le lendemain, Huguette était gênée. Il s'est écoulé quelques années avant qu'il n'y ait d'autres mariages. | |
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        8 octobre 2014  Segment 5.
        Mémoires de Marie-Ange Jean (1965-1989) Revenons en 1965, année où j'ai quitté l'enseignement. Je ne me sentais pas capable d'aller m'enfermer seule à la maison puisque mon mari faisait la vente à domicile. J'aimais le monde et j'aimais être parmi eux. Nous avons acheté, avec ma fille Raymonde et son mari Adéodat Vaillancourt, le magasin de M. J. B. Roussel qui était situé au village de la rivière St-Fabien. C'était une épicerie qu'on organisa en magasin de lingerie pour hommes, femmes et enfants, qui porta le nom de St-Fabien Lingerie. Nous l'avons gardé cinq ans et vendu notre part à nos associés Raymonde et Adéodat. Ils y sont encore aujourd'hui et font bien leurs affaires. 
 Quelques
        années après, elle faisait ses études de garde-malade à l'hôpital
        de Rimouski. Elle obtint son brevet et continua de travailler à l'hôpital. 
 En 1970, Je suis retournée à Barraute à l'occasion du 50e anniversaire de mariage d’Adélia et d’Ernest Brillant. Cette fois, j'étais avec mon mari. Nous sommes partis par le train à Québec. Le trajet a été assez long, une journée et demie et une nuit. Arrivés à Barraute, après les salutations d'usage nous assistions à la cérémonie du mariage. C'était très beau de les voir. Ils étaient épanouis et nous paraissaient si heureux après 50 ans de mariage qu'on aurait voulu en faire autant. Nous avons assisté au mariage et suivi la noce qui se passa dans l'amitié, il y eut des chants, de la danse et le reste. Nous les quittions heureux et enchantés en se demandant si un jour nous pourrions nous aussi fêter nos noces d'or. Malheureusement, le sort en a décidé autrement. 
 
 J'ai
        gardé un bon souvenir de ces années passées à St-Fabien. Les deux
        petites, Guylaine et Nancy nous ont apporté beaucoup de bonheur. Le
        matin, dès qu'elles se levaient, elles descendaient déjeuner avec nous
        pour ensuite retourner déjeuner avec leurs parents. C'était le fun de
        les voir descendre. On les aimait beaucoup. Je revois encore Guylaine
        avec son petit air un peu moqueur et Nancy, la petite fille sage qui
        suivait sa grande sœur. Elles étaient charmantes. Un
        soir que Guylaine faisait des tresses dans les cheveux de son grand-père,
        elle lui dit : "Quand la servante va venir nous chercher pour se
        coucher, tu lui diras : "Laisses-les encore un peu, elles veulent
        écouter le programme "Cré Basile". Lorsqu'arriva la servante
        qui dit : "Bon, les petites, montez vous coucher", personne ne
        parle. Voyant cela, elle dit à son grand-père en lui donnant une tape
        sur la joue: "Voyons, parles toi !". Je me souviens aussi quand elle était sur la galerie et que quelqu'un venait à passer, elle pointait son petit pouce vers le haut et disait : "Lui y connaît ça". Les gens trouvaient ça bien drôle. Il y a encore bien d'autres faits que je pourrais raconter, mais je me contenterai d'un autre seulement. Pendant les vacances, les petits cousins Jacques et Dany étaient à St-Fabien avec leurs parents. Un beau matin, au lever du jour, Denise voit partir les quatre petits, Jacques, Dany, Guylaine et Nancy avec chacun une perche et une petite chaudière, ils allaient pêcher à la rivière située à l'arrière de la maison. "C'était comique de les voir aller" nous dit Denise qui les fit promptement revenir à la maison. 
 En
        1971, un an après être revenus à Trois-Pistoles, lorsque nous étions
        allés fêter les noces d'or de mon beau-frère Albert Jean à Cacouna,
        pendant la soirée mon mari se sentit mal, disant que son souper le
        fatiguait, il continua à fatiguer pendant la nuit. Le lendemain, il
        alla voir le médecin Léon Plourde, qui lui prescrivit des médicaments
        pour ulcères d'estomac. La nuit suivant se passa sans succès. Le
        matin, j'appelle le médecin et lui raconte la nuit qui vient de se
        passer. Il me dit : "Veux-tu que je l'hospitalise ?". Je lui répondis
        que ce serait peut-être plus prudent. Il fit aussitôt les démarches,
        si bien qu'à 10 heures, je le conduisis à l'hôpital de Trois-Pistoles.
        On lui donna un lit. Heureuse coïncidence, il est dans la même chambre
        avec mon frère Edmond hospitalisé pour régulariser sa pression.  On
        lui passe beaucoup d'examens, une radiographie du cœur et, sur les
        ordres du médecin, on l'amène passer un examen pour son estomac à
        Rivière-du-Loup. Pendant ce temps, on reçoit le résultat de sa
        radiographie qui démontre un infarctus. Vite on le met au lit dans une
        chambre seul, une pancarte à la porte qui dit qu'on ne doit entrer
        qu'un seul à la fois et pas plus de 10 minutes. Il
        m'appela pour me mettre au courant de la situation, je trouve sa voix
        faible. Je suis saisie par la peur, je pleure. Je décide d'aller le
        voir. Comme les autres soirs, je descends à pied et je reviens avec des
        gens qui ont eux aussi un malade à l'hôpital. À ma grande surprise,
        je le trouve pas si mal-en-point. Ceci dura quelques jours. On enleva la
        carte des soins intensifs. Il y demeura environ une semaine. Il revint
        à la maison et continua sa convalescence. Un mois plus tard, il
        conduisait sa voiture. Au
        printemps 1974, on décida de se rapprocher de l'église. On vint donc
        habiter à 3 rue Pelletier dans un logement qu'on aimait beaucoup. Nous
        y avons vécu libres et heureux. Je connaissais peu de monde dans les
        alentours. Comme distraction, nous avons décidé d'aller à l'Âge
        d'or. Nous sommes entrés dans l'association de l'Âge d'or et nous nous
        faisions un devoir d'assister à toutes les activités. C'est à cette
        occasion que je me suis fait une amie dans la personne de Bella Belzile.
        Elle était charmante, empressée et très gentille. J'ai passé du beau
        temps avec elle. On jouait souvent aux cartes ensemble mon mari et moi.
        Nous avions du plaisir. Après la mort de mon mari, avec le temps, elle
        est devenue plus possessive. Je n'avais pas le droit de faire des
        voyages sans elle, et le reste. Un jour, elle m'a fait manquer un beau
        voyage parce qu'elle ne pouvait pas venir. Elle me raconta une série
        d'histoires sur la conduite de ma compagne, que j'allais passer pour être
        comme elle. Que ça allait me faire tort en tant que présidente de l'Âge
        d'or, etc., si bien que j'ai dû y renoncer, ne pouvant trouver une
        autre compagne. L'année
        suivante, j'ai décidé de faire un autre voyage sans elle puisqu'elle
        gardait des ontariennes. Comme ces ontariennes partaient la veille de
        notre retour, elle décida de me faire un "pied de nez" comme
        on dit. Elle alla demander la personne qui n'était pas digne de venir
        avec moi pour organiser un voyage avec elle. Les arrangements faits,
        elles partiraient le matin de notre arrivée. Comme elle allait la voir
        pour les derniers arrangements, rendue au coin des rues Vézina et Roy,
        elle fit un accident. Le voyage tomba à l'eau. Ça vous donne une idée
        de ce qu'était mon amie. Tout
        commença à se gâter à une assemblée de l'Âge d'or où on devait élire
        le conseil. Lorsqu'on annonça présidente Mme Marie-Ange Jean, mon amie
        ramassa sa sacoche et partit en vitesse. Elle n'est pas venue me féliciter
        comme l'ont fait mes autres amies. Par la suite, elle est devenue plus
        distante et aussi curieuse. Elle aurait voulu savoir ce qui se discutait
        à nos assemblées, disant qu'elle pourrait me donner de bons conseils.
        Non ! Merci ! Voyant qu'elle ne pouvait rien savoir de moi, elle
        s'acharna à d'autres personnes du conseil pour tâcher de leur tirer
        quelques mots. Elle est devenue insupportable. Elle avait toujours des
        remarques à m'adresser. Ce qui m'a décidée à rompre avec elle, c'est
        quand j'ai découvert qu'elle parlait dans mon dos. Elle a voulu
        s'expliquer une deuxième fois, je n'ai rien voulu écouter. Pour moi,
        c'était bien fini. Je ne lui ai plus jamais adressé la parole depuis.
        Cette histoire a duré cinq ans. Il faut que je vous raconte une anecdote. Pendant que j'étais présidente de l'Âge d'or, j'eus à subir une chose épouvantable. Une directrice de mon conseil accusa un directeur qui s'occupait de fournir la liqueur à l'association, de s'être emparé d'une partie du produit. Chose ridicule qui faillit tourner au procès. Un bon jour, en feuilletant mon courrier, je découvris une lettre d'avocat, elle venait de notre directeur en question. Il a fallu se procurer un avocat pour défendre notre cause. Toutes les réunions que ça nous a occasionnées. Notre directeur alla jusqu'à passer par les maisons pour faire signer une pétition contre l'Âge d'or. Ça a fait délier bien des langues. Moi qui n'aime pas les chicanes, j'en avais par-dessus la tête. C'était l'enfer ! Jusqu’à amener un avocat avec lui pour assister à une réunion spéciale, mais nous ne l'avons pas accepté. J'étais bien découragée. Alfred me disait: "À ta place, je démissionnerais." Mais j'ai tenu bon. Heureusement cette histoire s'est bien terminée. Notre directeur démissionna et se retira de l'Âge d'or et la note fut payée par notre directrice. Quel soulagement ! 
 Les
        mariés sont allés élire domicile à Chicoutimi où Raymond avait son
        travail. Lorsqu'on fêta sa vie de garçon, je me rappelle qu'en voyant
        mon fils attaché les bras en croix à un poteau, j'eus un pincement au
        cœur. Pour ce qui est de la noce, je n'ai gardé que de bons souvenirs. Cette
        même année marquait notre quarantième anniversaire de mariage que L'année se passa sans incident et tout allait pour le mieux. Mais, hélas ! ce bonheur ne dura pas longtemps. Ce jour du 26 juillet 1976, dont je me rappellerai toujours, nous étions allés passer l'après-midi chez mon frère à St-Mathieu. De retour à la maison, après le souper, mon mari sentit une douleur à l'estomac. Comme nous étions supposés aller à l'office de l'Armée de Marie, mon mari me dit : "Vas-y, occupes toi pas, je vais prendre un soda et ça va se passer". J'y suis allée mais je n'ai rien entendu, je ne pensais qu'à mon mari. Je regrettais d'être venue. Je pensais à l'infarctus qu'il avait fait en 1971. J'étais vraiment préoccupée. Dès que ça a été fini, je sortis la première. En arrivant, je jetai un coup d'œil vers sa chaise, il n'y était pas. Je courus à ma chambre et le trouvai étendu sans vie. Imaginez ma surprise ? J'en fus peinée, ceci a fait un tel effet sur moi. Je ne pouvais m'arrêter de pleurer. Je m’éveillais en pleurant. Je n'aimais plus la vie. Je n'y trouvais plus rien de beau. Je ne voulais voir personne. Je ne sortais que pour faire mon marché et aller à l'église et quand je revenais, je me dépêchais pour n'avoir à parler à personne. J'étais devenue sauvagesse. Pendant
        la nuit, je m'éveillai couchée sur le dos et bien consciente. Je
        sentis un vent qui partit de la tête et se rendit jusqu'aux pieds. Ce
        matin-là, je m'éveillai sans larmes et c'est à partir de ce jour que
        j'ai décidé de me prendre en main. J'ai continué à habiter le même
        logement. Il m'a fallu vendre la voiture, encore une plaie au cœur.
        Pour oublier, je suis entrée dans les nouvelles organisations, telles
        que : Auxiliaires bénévoles, Filles d'Isabelle, pastorale, etc. Je me
        fis de nouvelles amies. Comme
        j'étais présidente de l'Âge d'Or, poste que j'ai occupé pendant dix
        ans, j'organisais deux voyages par année et j'en faisais avec d'autres
        organisations, si bien que j'ai visité toutes les provinces du Canada y
        compris St-Pierre Miquelon. Je suis allée en Europe et six années consécutives
        à Miami. De
        tous les voyages que j'ai faits, il y en a un qui m'a le plus marquée.
        C'est celui que j'ai fait en l'an 1986, en Yougoslavie, alors que
        j'avais 78 ans. L'organisateur du voyage ne voulait pas croire que
        j'avais 78 ans, il disait que j'étais trop alerte pour cet âge. Pour
        faire le voyage, il a fallu faire six heures d'avion. C'était un avion
        où on nous donnait beaucoup de service. Je
        suis partie en compagnie d'une dame de Baie des Sables. C'était une
        bonne compagne. Elle avait un rire communicatif. Lorsqu'elle riait, tout
        le monde riait avec elle, mais elle avait de drôles d'habitudes, le
        soir quand il faisait froid, elle se couchait toute nue, les soirs les
        plus froids, car il n'y avait pas de système de chauffage dans les
        chambres en Italie, elle se couchait avec les Penman's 32 de son défunt
        mari. Si nous avions été deux témoins, nous serions mortes de rire. Lorsque nous sommes arrivés, on nous conduisit dans une ville dont j'ai oublié le nom. Le terrain était planche mais de chaque côté, c'était la montagne. Pour aller à leur résidence, les propriétaires avaient un petit chemin tracé dans la montagne. C'était un site montagneux. Dans la campagne, les chemins passaient dans la montagne. Là où il y avait du monde, les gens étaient logés le long des lacs où ils pouvaient trouver un coin fertile pour faire surtout la culture de la vigne. La nourriture était différente de la nôtre, surtout moins bonne. On ne nous présentait pas de soupe, les viandes n'étaient pas très bonnes, étant apprêtées de manière différente, mais il y avait toujours un gros bol de fruits sur la table. Si on désirait du café ou du thé, il fallait aller le chercher au comptoir et payer un surplus. 
 La
        place qui m'a le plus impressionnée, c'est Medugorje, où nous sommes
        restés deux jours. J'ai été frappée par la dévotion des gens. Ils
        arrivaient aux offices le chapelet à la main. Il y en avait même qui
        l'avaient autour du cou. Entre les offices, il y en a qui restaient dans
        la cour de l'église et récitaient le chapelet. À les voir, ça nous
        faisait réfléchir. La
        Vierge apparaissait dans le chœur de chant de l'église. Av Les
        apparitions existent depuis 1981, le système hôtelier s'est développé
        à cause des apparitions. La montagne des apparitions est une petite élévation
        de terrain aride pleine de buissons d'épines et de grosses pierres
        blanches. Les conditions de marche sont très pénibles, c'est ce qu'on
        m'a dit et je n'y suis pas allée car il avait plu la veille, comme il y
        avait une grosse rosée et que j'étais chaussée de sandales. Parlons des voyants. Jakov, le petit qui avait 11 ans au début et qui était orphelin, la Sainte Vierge l'aurait embrassé à son anniversaire. Un jour, comme il aimait le base-ball, il lui aurait demandé si son équipe allait gagner et la Vierge aurait souri. Les 5 autres voyants sont: Marija, Ivan, Miryana, Ivanka et Vicka. Deux autres personnes auraient entendu la Vierge sans la voir, l'une d'elles est étudiante en théologie. Les apparitions continuent toujours. Les pèlerins accourant de partout, il se fait de multiples guérisons, des miracles fabuleux. L'église est toujours pleine à craquer. Les prêtres confessent dans les prés car c'est plein à l'intérieur, c'est très émotionnant. La Vierge demande la confession mensuelle, son message: cesser les rancunes et se convertir. 
 Les
        voyants, au début, étaient empêchés par les autorités de se rendre
        à la montagne. La vierge leur donnait rendez-vous à la chapelle ou
        ailleurs. 
 Lorsque
        je fus opérée la première fois pour une cataracte, je suis revenue
        seule à la maison. On m'avait dit qu'il fallait être 15 jours sans se
        pencher et sans forcer. Le premier soir, ayant changé mes draps de lit
        et m'être couchée, n'ayant pu placer le drap contour comme il se
        devait, il descendit. Sans y penser, j'ai forcé pour le remonter et
        j'entendis un crac dans mon œil. Je fus très malheureuse et j'ai crié
        avec toute la force de mes tripes : "Jésus, fils de David, aies
        pitié de moi". Et j'ai fini par me rendormir. Quand
        je m'éveillai, j'étais couchée sur le dos et très bien réveillée.
        Il se passa quelque chose d'étrange dans mes yeux, c'était différent
        pour chaque œil. Je me rendormis à nouveau et le matin, à mon réveil,
        je constatai que tout était normal. Dans les épreuves, il faut
        s'abandonner au Seigneur qui vient toujours à notre secours. Je lui dis
        aujourd'hui un gros merci du fond du cœur. Si j'ai gardé ça en
        secret, c'est que j'avais peur que vous ne compreniez pas. | |
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        15 octobre 2014  Segment
        6. Mémoires de Marie-Ange Jean (1986-2000) À
        l'automne 1986, le lendemain de l'arrivée de mon voyage en Yougoslavie,
        je suis réveillée par le téléphone qui m'annonce que je dois me présenter
        à l'hôpital de Rimouski pour être opérée pour mon deuxième œil.
        Je m'étais organisée la veille pour faire mon lavage. Je ramasse donc
        tout ça et m'organise pour partir à temps. Une fois l'opération
        terminée, je retourne, mais cette fois pas chez moi, chez Raymonde qui
        a eu l'amabilité de bien vouloir me garder chez elle. J'y
        restai pendant 15 jours. Elle prit bien soin de moi. Elle me mettait mes
        gouttes chaque soir en plus de m'héberger. Je leur dis encore merci à
        Raymonde et à Adéodat pour tous les soins dont ils m'ont entourée. Je
        retournai à Trois-Pistoles, heureuse de reprendre mes habitudes. Dans les dernières années de ma présidence, les membres de mon conseil et moi avons fait construire la bâtisse de l'Âge d'or actuelle appelée "Abri doré". Elle est bien à nous, car aujourd'hui, elle est finie de payer. Après tout le trouble et la peine qu'on s'est donnés, nous sommes heureux aujourd'hui de voir que ce geste est apprécié. Environ
        six mois après la mort de mon mari, j'ai eu deux téléphones d'hommes
        qui voulaient sortir avec moi. Un premier qui venait de Joseph Rioux
        lui-même. L'autre a fait faire sa commission par mon beau-frère,
        Alfred Côté, c'était Willie Dumont. Ça m'a choquée et je les ai
        envoyés balader tous les deux. Environ deux ans plus tard, j'ai
        rencontré Willie à une soirée, après avoir dansé avec moi, il s'est
        invité à venir me reconduire chez moi. Le long du trajet, il me
        demanda pour l'accompagner à la soirée de l'Âge d'or du lendemain.
        J'acceptai. Mais rendue chez moi, j'ai réfléchi. Je me suis dit :
        "Que vont penser de moi mes compagnes? Elles vont rire de moi
        !". Alors, je pris l'acoustique et je me suis trouvée une excuse.
        Je crois que s'il n'y avait pas eu de l'Âge d'or, je sortais avec lui.
        C'était un beau grand monsieur distingué. Peu
        de temps après, à une soirée de l'Âge d'or de St-Éloi, je connus un
        certain monsieur Dumont de St-Arsène. Il était de ma grandeur. Il
        dansait bien. On ne se rencontrait qu'aux soirées de l'Âge d'or. Tout
        allait bien quand un jour il est devenu exigeant. Il me téléphonait
        souvent, il voulait m'amener veiller à l'hôtel, chose que je ne
        voulais pas. Alors, je l'ai laissé tomber. Avec cette aventure se
        terminèrent mes sorties avec le sexe masculin. Nous
        sommes en 1983, mes enfants, il y a une chose que je ne vous ai jamais
        dite, pour la raison que vous étiez tous loin et que je ne voulais pas
        que vous soyiez inquiets et aussi ce n'est pas dans ma nature de me
        lamenter. Environ un an après la mort de votre père, un bon jour, je
        sentis des malaises à l'estomac. Lorsque je sortais le soir, surtout
        l'hiver, l'air frais m'étouffait. Quand je montais l'escalier, rendue
        en haut, le cœur me battait si fort que je pensais qu'il allait me
        sortir du corps. Je voyais noir et je me sentais mal. Un soir, j'étais
        au bingo de l'Âge d'or quand tout à coup je vois noir, je crois que
        mon cœur s'est arrêté une seconde. J'ai
        consulté un cardiologue qui m'examina, me fit faire du tapis roulant et
        me dit que je faisais de l'angine. Je suis allée au Cénacle de Cacouna
        me recommander à Sœur Yolande, une religieuse très forte
        spirituellement. Elle pria sur moi et dit : "C'est pas votre cœur
        qui est malade, c'est votre artère droite du cœur qui est bouchée."
        Après, elle fit des prières sur toute l'assemblée et dit : "Il y
        a une personne parmi l'assemblée dont l'artère droite du cœur est
        bouchée, elle est guérie en ce moment, elle va se reconnaître par une
        chaleur qui se produit le long de son artère." J'ai senti cette
        bonne chaleur. Depuis ce jour, plus de trouble du côté du cœur. Je
        suis bien heureuse et me porte bien. Je remercie Dieu de tout mon cœur.
        Je pense que vous serez heureux vous aussi. J'ai
        vécu seule en logement pendant 14 ans. Le 1er décembre 1990, j'entrais
        pensionnaire au Centre d'accueil Jésus-Marie. J'habite une magnifique
        petite chambre du côté sud de la bâtisse, j'ai une sortie à l'est,
        une fenêtre au sud, ce qui la fait très éclairée. Je l'ai baptisée
        "mon petit nid d'amour". Si j'y vis heureuse, c'est grâce à
        la participation de Violette et Normand qui m'ont apporté leur aide
        tant en décoration que pour le déménagement. Je leur dis mille mercis
        du fond du cœur. Ce
        15 juin 1990, nous avons eu le malheur de perdre un des nôtres, Richard
        Leblond, le mari de Denise qui mettait fin à ses souffrances. Nous
        gardons de lui un bon souvenir. C'était un homme ayant beaucoup
        d'esprit de famille, affectueux et reconnaissant. Je l'aimais bien !
        J'ai gardé toutes ses petites lettres en souvenir. Après
        la peine, le plaisir, puisque 8 jours après les funérailles du 15 juin
        1990, se mariait mon premier petit-fils, Daniel Robillard, avec
        Charlaine Sirois de Baie-Comeau. Ce fut un grand plaisir pour moi
        d'assister au mariage et de suivre la noce. Je suis revenue enchantée
        de mon voyage. Je leur souhaite des jours heureux. Cependant,
        en ce jour du 14 septembre 1993, un événement est venu assombrir mon
        bonheur, ce jour-là, je faillis perdre la vie. Lorsque j'allais par
        affaires à Rimouski avec deux de mes compagnes, Mme Alice Rioux et Mlle
        Irène Dubé. Nos affaires complétées, nous revenions toutes
        heureuses, quand Mme Rioux, qui conduisait la voiture, eut un malaise et
        traversa la rue pour aller s'arrêter dans le fossé après deux poteaux
        de signalisation. Les roues avant de la voiture tombèrent dans le fossé
        et celles d'en arrière retombèrent sur le chemin, cela produisit un
        tel choc que je pensais que j'avais le dos ouvert. Heureusement, je ne
        me fis que de légères plaies aux coudes.  On
        eut du secours sur-le-champ, on nous transporta à l'hôpital de
        Rimouski où on nous donna les soins appropriés. Comme je n'avais rien
        de grave, on me permit de sortir le soir même. Je sentis du mal à
        l'estomac et au dos pendant un mois. J'ai été chanceuse et privilégiée
        à côté de mes compagnes qui vont en porter des séquelles toute leur
        vie. Merci à Dieu, le plus grand protecteur. À
        l'hôpital, lorsqu'on m'emmena aux rayons X, je voyais les cadres le
        haut en bas et je voyais les gens qui me semblaient marcher dans le haut
        de la cloison, ça me faisait tellement drôle. Le soir de mon
        hospitalisation, vers 8 heures, on me dit que je n'avais rien de grave
        et que je pouvais m'en aller. Comme je n'avais plus de robe pour
        m'habiller, parce qu'on l'avait coupée pour me l'enlever. Je téléphonai
        à Raymonde pour lui raconté ce qui s'était passé et lui dire de
        m'envoyer des vêtements. Adéodat arriva quelques temps après avec ce
        qu'il fallait. Il resta surpris en me voyant à l'hôpital, les lunettes
        toutes croches et un peu ébranlée. Il m'amena chez lui et, au coucher,
        ils prirent bien soin de moi. Ils placèrent une petite table tout près
        de mon lit.  Adéodat alla
        chercher une sonnette qu'il mit sur la table pour appeler si nécessaire
        pendant la nuit. Le lendemain, il m'amena à Rimouski pour examen
        d'usage.   J'ai
        aussi failli perdre la vie à l'âge de 14 ans. J'étais avec Alphonse
        Hammond, qui est Père Oblat de Marie aujourd'hui, nous ascensions les
        grosses côtes du troisième rang de St-Fabien, quand tout-à-coup la
        bride cassa, le cheval prit le mors aux dents. Après nous avoir fait
        faire environ trois milles, il alla nous verser dans le fossé. Je
        voulais sauter, Alphonse me dit : "Ne sautes pas, disons plutôt
        notre acte de contrition." Je m'en suis tirée avec des douleurs
        aux genoux. C'est être chanceuse !   Depuis
        que je suis au Centre d'Accueil Jésus-Marie, la vie est belle quoique
        je n'aime pas la routine. Je m'accommode bien de l'ambiance, entourée
        de mes amies qui égaient mes journées. Par les beaux jours de soleil,
        nous occupons les balançoires où nous discutons de tous les événements.
        Les jours, les semaines, les années même passent trop vite. Mes amies
        sont charmantes, je les considère beaucoup. Nous ne faisons pas que
        nous balanciner, nous sortons aussi. Le
        premier lundi du mois, un autobus nous prend pour nous amener au Centre
        d'Achats des Galeries de Trois-Pistoles. Nous avons 2 heures pour faire
        nos affaires. En d'autres occasions, nous y allons à pied. Après s'être
        assises à une table et avoir dégusté un bon café, nous repartons
        satisfaites et heureuses. Cependant,
        je me permets, accompagnée d'une amie, de faire de plus long voyages.
        Je les choisis de un ou deux jours. Depuis que je suis ici, j'ai fait 5
        de ces petits voyages. Je me contenterai de vous parler que des deux
        derniers. C'était
        en juillet 1997, Sœur Thérèse Parent organise un voyage pour
        Ste-Anne-de-Beaupré. Nous sommes allés coucher au Couvent des Sœurs
        de Jésus-Marie à Sillery. Le lendemain, après avoir pris un bon déjeuner
        et remercié nos hôtes, nous continuons notre chemin vers Ste-Anne. Là,
        après avoir prié, nous quittons pour le dîner. Le soir, nous allons
        à la Basilique de Québec pour voir un spectacle appelé "Le feu
        sacré" au cours duquel on nous raconte les premiers temps de la
        colonie. J'étais anxieuse de voir ce qui allait se passer quand tout à
        coup le spectacle commença en nous jetant dans le noir pour ensuite
        nous éblouir par ses lumières, ses formes et ses couleurs qui se succédaient
        sans cesse, décorant ainsi la pièce de différents modèles. Nous
        étions encore sous l'effet de la surprise, quand nous voyons soudain
        apparaître un buste d'homme qui semble se tenir comme ça, sans rien,
        dans les airs. Parfois, il s'approche de nous, il nous parle des
        premiers temps de la colonie. C'était magnifique. Je vous souhaite
        d'aller le voir, ça en vaut la peine. Mon
        deuxième voyage, les 25 et 26 juillet 1998. Nous sommes parties, ma
        compagne Mme Éva Pelletier et moi, à 6 heures du matin rejoindre le
        groupe. Le premier arrêt se fit dans un restaurant de Lévis pour déjeuner.
        À midi, dîner au resto "L'Inter Pub" (Tony Pizzeria) à Québec.
        Arrivée à la ville de La Baie à 2 heures pour un spectacle "Son
        et lumières", le bal des lasers. Très beau avec ses jets de lumières
        multicolores et aussi très captivant. Nous sommes allés souper au
        restaurant Le Napoléon à Chicoutimi. Retour au théâtre municipal de
        La Baie pour assister au spectacle "La Fabuleuse Histoire d'un
        Royaume" qui dura trois heures. Ce fut formidable. Retour pour le
        coucher à l’hôtel Chicoutimi. Le
        lendemain, déjeuner à la salle à manger de l'hôtel pour ensuite se
        rendre vers 10 heures au Brunch Spectacle Paris Folies à l'hôtel Le
        Saguenéen. C'était de toute beauté de voir toutes les couleurs des
        costumes et ces acteurs si bien disciplinés nous présenter la danse de
        divers pays. Après
        avoir visité la ville de Chicoutimi, vu la petite maison blanche et
        constaté le changement apporté, qui est très bien réussi, on oublie
        le déluge. 
 C'était
        le 1er août 1998, lorsque je recevais tous mes enfants à l'occasion de
        la fête dite : "Fête des Jean". Ceux-ci m'ont causé une agréable
        surprise. Surprise que je n'oublierai jamais et qui m'a fait chaud au cœur.
        On a souligné à cette occasion, mon 90e anniversaire de naissance. Ils
        ont un peu devancé le temps, c'est comme ça qu'ils m'ont eue, je ne me
        doutais de rien, moi, j'allais à la fête des Jean, point ! Quand
        Normand me dit : "Maman, voulez-vous venir vous asseoir ici".
        Il me fit installer sur un fauteuil en avant de la salle. Je me
        demandais bien ce qu'il voulait faire. Il annonça alors mon
        anniversaire, j'eus droit à mes chansons préférées interprétées
        par une chorale improvisée. Jacques, le plus vieux de la première génération,
        m'a lu une adresse. Suivi de Marie-Claude de la deuxième génération
        et un bouquet de fleurs me fut présenté par Jennifer, arrière-petite-fille.
        Jusque-là, j'ai pu retenir mes larmes, mais lorsque Patricia vint
        m'offrir une magnifique mosaïque qui représente toutes les familles de
        mes enfants avec leur progéniture alignées les unes à côté des
        autres, j'ai fondu en larmes. Elle occupe la première place sur le pan
        sud de ma chambre de manière à ce que je vous vois tous à mon réveil. Je
        ne doutais pas de votre amour, mais ce geste me le prouve davantage. Je
        vous félicite et vous dis un gros merci. C'était agréable de voir
        tous mes petits enfants participer à la fête. Je les sentais heureux
        de me prouver leur amour. Malheureusement, deux de mes petits enfants étaient
        absents, Dominique et Dany, retenus par le travail qui auraient bien aimé
        être présents. J'ai beaucoup aimé la présence des enfants d'André,
        j'étais heureuse de voir qu'ils aimaient se joindre à nous et me
        prouver eux aussi leur amour. Nous
        sommes au premier de l'an 2000. J'avoue que je fus surprise de voir que
        j'étais bien là, moi qui pensais ne jamais voir même le début de
        cette année qui a tant fait parler le monde. On nous annonçait des
        surprises. Il fallait changer les choses, tout mettre en ordre pour la
        recevoir, avec ça ils nous ont fait peur. On avait hâte de la voir
        arriver mais avec un peu de crainte. Elle
        nous est arrivée tranquille, paisible, pas de différence avec les
        autres années si ce n'est qu'on l'a appelée année sainte, année
        jubilaire, c'est pourquoi on a organisé un grand jubilé à Rome et on
        doit se faire un devoir de prier pour le succès de ce jubilé. Cette
        année m'a amenée à vivre encore une fois la fête dite "fête
        des Jean". Cette fois on l'a fêtée sur la Côte Nord chez Gervais
        où on a été reçu avec chaleur et amabilité. À l'exception de
        quelques-uns retenus au travail, la famille était heureuse de se
        rencontrer là joyeuse et tout participait au bonheur, la nature, la
        mer, le jeu de balle sur le sable, les promenades au bord de la mer. 
 Pour
        continuer la soirée, il y eut de la danse, des jeux, des histoires.
        Merci à Luc qui nous a fait rire aux larmes. Cette fête qui fut si
        bien réussie restera gravée dans ma mémoire. On se quitta à regret.
        Je félicite de tout cœur Huguette et Gervais pour leur hospitalité et
        leur générosité. Dans
        ma vie, il y a eu des jours sombres, il y a eu aussi beaucoup de jours
        ensoleillés qui ont compensé. J'ai fait une vie heureuse. Je remercie
        Dieu pour le bon mari qu'il m'a donné et les enfants qui ont fait mon
        bonheur, que j'aime et qui m'aiment. Je me souviens des beaux jours que
        nous passions ensemble lorsque vous étiez tous à la maison paternelle. 
 À
        mes petits-enfants que j'aime tant, je me vois dans l'obligation de vous
        dire "au revoir". Je ne vous oublierai pas là-haut. Essayez
        d’être honnêtes et respectueux envers les liens qui unissent la
        famille et la société. Les
        jours qu'on a passés à rire, à pleurer tous ensemble, toutes ces années,
        il faut aujourd'hui s'en séparer. Tout a passé si vite. C'est
        maintenant le temps de se dire "Au revoir". Je vous quitte
        pour un nouveau départ, une nouvelle vie va commencer. Une page va se
        tourner.  Quand
        j'ai écrit ces lignes, j'étais en parfaite santé. Dans mon cœur, je
        revivais ces scènes, je me sentais jeune. Je serais prête à reprendre
        cette vie, mais "à la moderne". Nous
        nous reverrons au ciel. Votre mère qui ne vous oubliera pas, même en
        paradis. Voici le résumé de la vie de Marie-Ange Jean, 92 ans. Au
        revoir mes chéri(e)s. Marie-Ange
        Jean Trois-Pistoles,
        31 décembre 2000 André
        Robitaille Sainte-Foy,
        le 31 décembre 2000 | |
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